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Le Mot de l'Administrateur du diocèse
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Le Mot de l'Administrateur du diocèse - page 3

Emission présentée par Didier-Marie de Lovinfosse

La parole est donnée à Don Didier-Marie de Lovinfosse. Chaque semaine, il propose son regard sur l'actualité.

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Episodes

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    Entrons dans la grâce des jours saints

    7 avril 2023
    Tous les chrétiens qui prennent leur foi au sérieux sont bien convaincus que la Semaine sainte est porteuse d’une grâce particulière. Je l’ai senti cette année encore lorsque nous avons vécu la liturgie des Rameaux avec tous les mouvements scouts du diocèse, à Notre-Dame de la Trinité. Il est très impressionnant de voir à quel point les rites liturgiques, lorsqu’ils sont déployés avec soin, prennent tout leur sens et sont compris par tous, des plus petits jusqu’aux plus grands. En présence de ces enfants et des ces adolescents, on revivait la parole de Jésus : « si les disciples se taisent, les pierres crieront ! » Personne ne peut faire taire les enfants de Dieu, et les pierres elles-mêmes, c’est-à-dire tout l’univers, s’associe à leur acclamation.
    Puis, après la vision magnifique de l’Église irradiée d’Esprit Saint que nous offre la messe chrismale, arrive le Jeudi Saint. En instituant l’eucharistie dès avant la Passion, Jésus devrait logiquement prononcer ses paroles au futur : « ceci est mon Corps qui va être livré pour vous ; ceci est mon Sang qui va être versé pour vous. » Or, il ne dit pas cela : il parle au présent, non pas le présent de sa passion qui est encore devant lui, mais le présent de sa décision. C’est dès cet instant, dans la chambre haute du Cénacle, qu’il se détermine de façon irrévocable à livrer son Corps et à verser son Sang : « ma vie, personne ne la prend, mais c’est moi qui la donne. » Même l’effroi de Gethsémani n’aura pas raison de cette résolution.
    Ce qui suit, l’arrestation et le Vendredi Saint, n’est donc pas un triste accident, et pas davantage le seul fait des ennemis de Jésus. Si leur liberté se fourvoie dans l’injustice de sa condamnation, c’est d’abord la liberté de Jésus qui conduit les événements. Derrière la passivité apparente de l’Agneau qu’on mène à l’abattoir, il y a la folie de l’amour. C’est ce que nous révèle la grande prophétie d’Isaïe qui sert de première lecture le Vendredi Saint : le Serviteur paraît totalement passif, comme l’indique le mot « passion », mais « s’il remet sa vie en sacrifice de réparation, il verra une descendance, il prolongera ses jours. » Voilà qu’on nous annonce qu’il « prolongera ses jours » après nous avoir dit qu’il avait été conduit à la mort ! Déjà commence à briller la lumière de la résurrection.
    Et qu’elle est belle, cette lumière, quand s’embrase le feu nouveau et qu’on y allume le cierge ! Miracle de Pâques si bien signifié par la liturgie : tout à coup, la croix est devenue le cierge. La croix était plantée dans le temps, mais le cierge défie le temps : chaque année, il se revêt d’un nouveau millésime ! Derrière la croix il y avait le tombeau, mais au-dessus du cierge brille la lumière. Elle entre dans l’église, sombre comme un tombeau, et voilà que des lumières s’allument par dizaines, par centaines, illuminant la nuit. Lumière des croyants qui escortent le cierge, lumières qui bientôt seront remises aux nouveaux baptisés, passés à travers l’eau pour renaître de l’Esprit ! Oui, qu’il est grand, le mystère de la foi ; qu’il est beau, le mystère de Pâques ; qu’elle est désirable, cette Vie éternelle qui jamais plus ne sera vaincue et dont nous faisons déjà partie ! Dans un monde de ténèbres, la lumière a brillé. Jamais plus elle ne s’éteindra.
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    À Lourdes collégialité et synodalité

    31 mars 2023
    Jusqu’à il y a une vingtaine d’années, l’assemblée plénière des évêques de France se tenait seulement une fois par an. Mais l’abondance des sujets a conduit à créer une deuxième assemblée plus courte, qui a lieu toujours à l’approche de la Semaine Sainte.

    L’assemblée plénière est un moment de collégialité, c’est-à-dire de travail en commun d’une même catégorie de personnes, à savoir les évêques. Tout en lui gardant ce caractère collégial, il paraît de plus en plus naturel d’y inclure un temps de synodalité, avec la présence active de membres baptisés du peuple de Dieu. Collégialité et synodalité ne vont pas l’une sans l’autre.

    Ce moment synodal a commencé à exister en 2019, lorsque nous avons décidé un travail en commun sur la conversion écologique. On a vu alors converger vers Lourdes non seulement des experts de ces questions, mais aussi des représentants de tous les diocèses de France, invités par leurs évêques à raison de deux par diocèse.

    Une deuxième occasion de vivre la synodalité au cœur de la collégialité nous a été donnée par le douloureux et indispensable devoir de prendre ensemble des mesures contre les abus sexuels dans l’Église. Commencé dès avant le rapport de la CIASE, ce travail a pris un tour plus systématique depuis novembre 2021 : huit groupes de nature synodale ont été constitués à partir des préconisations faites dans le rapport. Ils portaient sur les points suivants : le partage de bonnes pratiques, la confession et l’accompagnement spirituel, le suivi des auteurs de violences sexuelles, les vérifications à faire dans la formation des futurs prêtres, l’accompagnement du ministère de l’évêque, l’accompagnement du ministère des prêtres, la manière d’associer les laïcs aux travaux de la Conférence des évêques, l’analyse des causes des violences sexuelles dans l’Église. À ces huit groupes s’en ajoute un neuvième, chargé de réfléchir à un lieu de mémoire consacré à ceux et celles qui ont été victimes d’abus ; et de son côté, la Commission doctrinale des évêques de France s’est vu confier une réflexion sur les exigences morales liées au célibat sacerdotal et sur la morale sexuelle en général.

    Cette énumération permet de saisir l’amplitude des travaux entrepris et de deviner le foisonnement de suggestions qui en découlent. Toutes ne pourront pas être mises en œuvre dès maintenant, mais un processus de purification et de vérité est engagé que rien ne peut désormais arrêter. Le Christ aime son Église et veut se la présenter à lui-même, comme le dit saint Paul, « sans tache ni ride, mais sainte et immaculée » (Éphésiens 5, 27). Il nous revient d’y investir toute notre énergie, par amour pour lui et pour nos frères humains.
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    10 ans à la tête de l'Eglise

    24 mars 2023
    Le 13 mars a marqué le dixième anniversaire de l’élection de Jorge Bergoglio sur le siège de Pierre, et ce premier pape argentin a d’ores et déjà profondément marqué l’Église.
    Dans la lettre qu’il lui a adressée au nom des évêques de France, Monseigneur de Moulins-Beaufort l’assure de notre dévouement filial et de notre gratitude et lui adresse des propos dont je suis heureux de me faire l’écho dans cette chronique.
    Il remercie le pape François de nous avoir tous invités à nous mettre « aux pieds [du] Seigneur, et avec lui au service des pauvres et des blessés de notre terre ». Sa première exhortation apostolique La joie de l’Évangile a été « une bouffée d’air frais et de dynamisme » pour nos diocèses et pour l’Église. L’encyclique Laudato si’ a montré à quel point la nouveauté de l’Évangile est éclairante pour les problématiques liées à la garde de notre Maison commune. La charte d’Abu Dhabi et l’encyclique Fratelli tutti « infléchissent et infléchiront encore les relations entre les humains de religions différentes, en même temps qu’elles ouvrent aux responsables politiques la voie d’une confiance plus grande dans les religions comme vecteurs de paix et qu’elles les détournent de chercher à s’en servir pour légitimer les conflits entre les peuples. L’exhortation apostolique La joie de l’amour [recueille les fruits des synodes sur la famille et] met clairement l’Église en situation d’accompagner les personnes dans la suite du Christ. »
    La prise de conscience du scandale des violences sexuelles commises dans l’Église et les mesures qui s’en sont suivies doivent beaucoup, après Benoît XVI, au pape François. Si le choc du rapport de la CIASE a été fort dans notre pays, il a poussé à des prises de décision majeures pour l’avenir, que la prochaine assemblée de Lourdes devrait préciser et approfondir encore.
    Le synode voulu par François, « ouvert par une consultation mondiale dans les Églises particulières puis à l’échelle des continents », même s’il a été plus ou moins bien compris par les fidèles, a mis en lumière « une vérité de l’Église dont nous sommes tous heureux de vivre » davantage et qui est pleine de promesses.
    Enfin, les évêques de France sont sensibles au soutien apporté par le pape à la cause des personnes migrantes et de leur accueil. Il nous apprend à regarder comme des frères et des sœurs ceux que trop souvent on nous présente comme des trublions, voire comme des ennemis.
    Alors que le Saint-Père se prépare à venir en visite à Marseille en septembre, et que les jeunes se préparent à le rencontrer en août à Lisbonne, nous lui redisons notre admiration pour son courage et notre reconnaissance, avec la prière des catholiques de France.
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    Faire mémoire pour préserrver l'avenir

    17 mars 2023
    Ce vendredi 17 mars 2023, comme chaque année désormais, est journée de mémoire pour les victimes d’abus sexuels dans l’Église. Rappelons que cette journée a été fixée au vendredi qui suit le troisième dimanche de Carême par l’assemblée des évêques de France en 2021, pour traduire dans la pratique la demande du pape François.

    Dans la vie de l’Église, la mémoire ne nous tourne jamais seulement vers le passé ; elle est aussi une anticipation de l’avenir. C’est pourquoi cette journée mémorielle doit servir à une prise de conscience de la nécessité d’agir pour éviter les situations qui peuvent conduire aux diverses formes d’emprise et d’abus sur les personnes les plus vulnérables, les enfants en particulier.

    Les initiatives proposées pour cette journée sont d’abord liturgiques, car c’est d’abord dans sa prière que l’Église fait mémoire, demande pardon, intercède et supplie. On peut puiser avec profit dans les lectures du quatrième dimanche de Carême, ainsi la deuxième lecture, tirée de la lettre aux Éphésiens (5, 8-14) : « Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, démasquez-les plutôt. Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte même d’en parler. Mais tout ce qui est démasqué est rendu manifeste par la lumière. » Demandons de ne pas occulter le mal qui a été commis et de faire advenir la lumière là où régnaient les ténèbres. Ou bien encore l’évangile de l’aveugle-né en saint Jean (9, 1-41), dans lequel Jésus dénonce l’hypocrisie des pharisiens en ces termes : « Je suis venu dans ce monde pour un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » On peut aussi prier avec le chemin de croix : chacun choisira la forme de prière qui lui convient le mieux.

    Je voudrais citer en conclusion quelques réflexions de Georgette Blaquière dans son beau livre L’Évangile de Marie qui est devenu un classique. Elle médite sur le fait que Dieu a livré son Corps entre les mains de Marie comme il se livrera aux mains de Marie de Béthanie pour l’onction en vue de sa sépulture et aux saintes femmes pour sa mise au tombeau, et elle écrit ceci : « Jésus s’est livré entre les mains des femmes pour qu’elles prennent soin de son Corps. Cela me semble aller très loin au niveau du ministère féminin dans l’Église, un ministère de tendresse et de compassion pour prendre soin du Corps de Jésus. » Tendresse et compassion : le contraire de la prise de possession et de la profanation du corps d’autrui. « Prendre soin du Corps [de Jésus] dans l’adoration et prendre soin du Corps, dans les pauvres et les petits » : c’est un seul et même mouvement qui nous conduit de la prière à l’attention aux plus fragiles, afin qu’à travers nous ils rencontrent dans l’Église un Dieu qui les aime et qui guérit les blessures infligées par des mains criminelles, dans de nombreux cas hélas des mains sacerdotales. Corps vulnérables, corps blessés, corps humiliés, mais appelés à la vie et à la gloire, comme le Corps très saint de Jésus.
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    Les retraites et l'espérance

    10 mars 2023
    Le débat sur l’âge de la retraite bat son plein en ce moment dans notre pays. Il ne s’agit pas pour moi de prendre parti dans ce débat : je n’en ai ni la compétence, ni la légitimité. Mais je voudrais souligner ici une évidence : quel que soit l’âge du départ à la retraite, la question première est de savoir si nous voulons on non que de nouvelles générations soient là pour financer les retraites, c’est-à-dire si les français veulent ou non avoir des enfants. Il est étonnant que cette question, qui sous-tend toutes les autres, apparaisse comme un point aveugle, voire comme un tabou dans le débat politique.
    Les arguments pour ne pas avoir d’enfants sont divers, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils rencontrent un large écho chez les jeunes. Le travail féminin est un de ces arguments, à notre époque où la promotion de la femme apparaît comme un acquis menacé. Il est sûr que la perspective d’une carrière professionnelle interrompue par les maternités fragilise les femmes par rapport aux hommes sur le marché du travail. Mais le phénomène de dénatalité a d’autres facteurs bien plus profonds. Au risque de rappeler une évidence, je dirai que la volonté d’une société de se prolonger dans ses descendants est un marqueur infaillible de sa confiance en l’avenir. Quand l’avenir est perçu comme menaçant, ou quand une société ne sait plus où elle va, la natalité a tendance à baisser. Au contraire, quand l’humanité reprend confiance en elle-même la natalité repart à la hausse, comme ce fut le cas de manière spectaculaire dans les années qui suivirent la deuxième guerre mondiale. Ce n’était pas seulement grâce à la croissance économique, c’était le fruit d’un regard sur l’avenir qui le considérait comme un défi à relever, une communauté à reconstruire, une promesse à accueillir.
    Dans son encyclique de 2020 Tous frères (Fratelli tutti) sur « la fraternité et l’amitié sociale », le pape François met en garde contre l’absence de projet collectif, et il commente en disant : « La baisse de la natalité, qui provoque le vieillissement des populations, associée à l’abandon des personnes âgées à une solitude douloureuse, est une manière subtile de signifier que tout se réduit à nous, que seuls comptent nos intérêts individuels1. »
    Comme l’optimisme, la peur est contagieuse, avec le repli sur soi qu’elle entraîne. Qui donnera aux jeunes générations de dominer la peur et de marcher dans l’espérance ? La foi chrétienne joue un rôle décisif dans ce domaine, parce qu’elle affirme que nos activités d’ici-bas préparent « la matière du royaume des cieux »2. Je cite une dernière fois le pape François : « L’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne. Marchons dans l’espérance !3 »
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    Une année de sécheresse

    3 mars 2023
    Ces derniers temps, on parle beaucoup de la sécheresse. Sécheresse d’hiver, précise-t-on, car d’ordinaire la sécheresse survient plutôt l’été, et l’hiver est normalement la saison où les choses s’arrangent : les cours d’eau se rechargent et le sol se détrempe. C’est pourquoi la sécheresse qui sévit en ce moment dans toute une partie de notre pays, essentiellement le sud et le centre, est particulièrement inquiétante. Elle fait peser de lourdes menaces sur les futures récoltes de cette année, sans oublier l’élevage avec des pâtures mises à mal et ne suffisant plus à nourrir le bétail. La pénurie d’eau risque même de toucher les populations et fait craindre des incendies de forêt précoces et dévastateurs.
    Dans notre département rural, nous sommes solidaires de tous ceux qui sont touchés, en particulier les agriculteurs et les éleveurs.

    Dans la Bible, la sécheresse est souvent présentée comme un châtiment pour le peuple qui s’est détourné de Dieu. On lit par exemple au livre d’Aggée : « J’ai appelé la sécheresse sur la terre, sur les montagnes, sur le blé, le vin nouveau, l’huile fraîche et sur tout ce que produit le sol ; sur les hommes, les bêtes et sur tout le fruit de vos travaux » (1, 11). Au contraire, selon le livre de Jérémie, l’homme qui compte sur le Seigneur sera béni par l’abondance d’eau : « Pareil à un arbre planté au bord de l’eau qui pousse ses racines vers le ruisseau, il ne sent pas venir la chaleur, son feuillage est toujours vert ; une année de sécheresse ne l’inquiète pas, il ne cesse de porter du fruit » (17, 8).

    Au chapitre 17 du premier livre des Rois, lorsqu’apparaît le prophète Élie dans le royaume d’Israël qui sacrifie aux idoles, il annonce une grande sécheresse : « Par la vie du Seigneur, le Dieu d’Israël que je sers, il n’y aura ces années-ci ni rosée ni pluie, sinon à ma parole ! » (17, 1). La prophétie se réalise aussitôt, et il faudra attendre qu’Élie ait purifié le pays des prêtres du dieu Baal pour que la pluie revienne enfin sur la terre.

    La terre sèche, c’est notre humanité rendue stérile par le péché des hommes. Et la pluie symbolise la bénédiction de Dieu qui va lui rendre sa fécondité spirituelle. Les chants de l’Avent, en particulier le vieux chant Rorate coeli, implorent la descente de la rosée du ciel sur la terre. L’eau du ciel devient ainsi le signe qui concrétise le mystère de l’Incarnation et l’itinéraire de salut du Fils de Dieu fait homme : « La pluie et la neige qui descendent du ciel n’y remontent pas sans avoir arrosé la terre, l’avoir fécondée et fait germer, pour donner la semence au semeur et le pain comestible : de même la parole qui sort de ma bouche ne me revient pas sans résultat, sans avoir fait ce que je voulais et avoir réussi sa mission ». Cet oracle du livre d’Isaïe (55, 10-11), nous les entendrons dans la nuit de Pâques : car alors, la Parole de Dieu qui est le Christ aura pleinement fécondé la terre et réussi sa mission.
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    Dieu père tout puissant et le mystère du mal

    10 février 2023
    La terrible catastrophe qui endeuille l’Anatolie turque et une partie de la Syrie nous prend tous à la gorge. Nous entendons le sinistre compteur des victimes qui est sans cesse revu à la hausse. Nous regardons le spectacle de dévastation qu’offrent les villes turques et syriennes. Nous imaginons avec effroi la situation des emmurés vivants qui peut-être survivent encore sous les décombres d’une maison ou d’un immeuble, incapables de se mouvoir par des températures hivernales, et dont les cris de plus en plus affaiblis ne sont plus audibles en surface, là où les secouristes et les familles continuent à s’affairer et à espérer contre toute espérance.
    Comment réagir en croyants devant de pareilles souffrances ? Il est impossible, en pareil cas, de désigner des coupables – mis à part les promoteurs immobiliers qui ont fait fi des précautions à prendre dans les régions exposées aux séismes. Bien sûr, ceux-là devront rendre des comptes, mais la grande question n’est pas celle des culpabilités humaines. La grande question est : pourquoi Dieu permet-il que de telles choses arrivent ?
    Dans le Credo, nous affirmons notre foi en Dieu « le Père tout-puissant ». Ces deux mots paraissent porter en eux comme une contradiction : un Père dont la bonté aurait à son service la toute-puissance ne devrait-il pas nous garantir une vie exempte de souffrance et préservée de la mort ? S’il ne le peut-pas, est-il encore tout-puissant ? Et s’il ne le veut pas, est-il encore ce Père plein de bonté que notre foi confesse ?
    Pourtant, dans notre foi, c’est bien au Père en sa paternité qu’est attribuée la toute-puissance. Il y a là une clef que la foi chrétienne possède et que les autres religions ignorent. Dire de Dieu qu’il est tout-puissant dans sa paternité, c’est laisser entendre qu’un rôle décisif est attribué à son Fils dans cette toute-puissance. Jésus est en effet Celui par qui s’exerce la toute-puissance de Dieu. Mais si les évangiles nous parlent des miracles accomplis par Jésus, sa puissance ne s’exerce pas d’une manière éclatante, qui s’imposerait à tous comme une évidence : elle choisit la voie de l’humilité, jusqu’à l’abaissement ultime de la croix.
    En Jésus, la création devient porteuse d’un message. C’est tout à la fois le message de sa beauté et celui de son inachèvement et de sa blessure. Le premier message nous pousse à la contemplation et à l’action de grâce ; le second nous fait nous interroger sur ce qu’il y a de cassé dans le monde. Nous sentons alors l’appel qui nous est adressé, en tant que disciples du Christ, non à nous résigner au mal et à la souffrance, mais à coopérer autant que nous le pouvons à faire accéder ce monde à sa propre délivrance. « La création, écrit saint Paul, gémit en travail d’enfantement. Et elle n’est pas seule : nous-mêmes, nous gémissons intérieurement dans l’attente de la filiation et de la rédemption de notre corps » (Romains 8, 22-23).
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    Quels espoirs pour une paix juste en 2023 ?

    27 janvier 2023
    Personne ne souhaite à l’Ukraine une situation semblable à celle qui existait entre les deux Vietnam avant la conquête du Sud par le Nord ou celle qui subsiste entre les deux Corée : une non belligérance qui fige tant bien que mal un état de fait et qui non seulement ne satisfait personne, mais contient en germe de nouveaux conflits. « Il faudra [donc] écrit Pierre Vimont, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, que chaque camp accepte, le moment venu, de prendre en compte les intérêts légitimes de l’autre pour espérer obtenir une paix juste et durable : juste en demandant à la Russie d’accepter l’intégrité territoriale entière de l’Ukraine, durable en trouvant les moyens de répondre aux préoccupations russes pour la sécurité de leur pays »1.
    Ces seuls propos, fondés sur l’idée qu’une paix juste est possible sans que soit écrasé l’agresseur, sont tenus pour scandaleux par une partie de l’opinion occidentale. Pierre Vimont insiste pourtant en soutenant que la défaite complète de l’un des deux belligérants est rarement souhaitable car elle aboutit le plus souvent « à un accord inégal » qui fait le lit de conflits ultérieurs : il s’ensuit donc que « toute paix juste nécessite compromis et concessions »2.
    Cela soulève la question de savoir si nous ne sommes pas déjà devenus les otages des jusqu’au-boutistes dans le conflit ukrainien. C’est la thèse soutenue par l’ancien ministre des Affaires étrangères Pierre Lellouche qui s’interroge sur le bien-fondé du choix désormais de plus en plus clair des États-Unis et de l’Union européenne : non plus « aider l’Ukraine à se défendre, mais bien passer à l’offensive ». Selon Pierre Lellouche, ce choix serait dicté par la crainte d’un « pourrissement du conflit, sans vrai vainqueur ni vaincu, avec une guerre larvée qui s’installerait dans la durée », mais il comporterait le risque majeur « de glisser irrémédiablement vers la cobelligérance et une confrontation de plus en plus directe avec les forces russes, ouvrant la voie à d’éventuels dérapages »3.
    Or, aussi bien dans l’hypothèse d’un échec que dans celle d’un succès, les dangers sont immenses. L’échec conforterait les Russes dans leur détermination à continuer la guerre, mais le succès pourrait fort bien les pousser à une confrontation directe avec les forces de l’OTAN, avec le risque majeur d’un conflit qui ne serait plus maîtrisable.
    En 1917, trois ans après le début de la première guerre mondiale, le pape Benoît XV appelait solennellement les belligérants à une « paix juste et durable » en énumérant les concessions qu’il faudrait faire de part et d’autre. La réponse de Clemenceau fut de le traiter de « pape boche », tandis que les Allemands le surnommaient le « pape des Français ». Ce jusqu’au-boutisme aboutit à prolonger de quatorze mois l’effroyable boucherie du premier conflit mondial.
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    Qu'est-ce qu'une paix juste ?

    20 janvier 2023
    Pour pouvoir répondre à la question « qu’est-ce qu’une paix juste ? », il faut peut-être d’abord se demander s’il y a des guerres justes. Dans la pensée chrétienne, de saint Augustin à saint Thomas d’Aquin et au-delà, il existe des guerres justes : ce sont celles où, ayant tenté jusqu’au bout de sauvegarder la paix, on se résout à faire la guerre « pour le bien commun, et même pour le bien de ceux que l’on combat »1 (Saint Thomas d’Aquin). C’est ainsi que ceux qui combattaient contre l’Allemagne nazie pendant la deuxième guerre mondiale se battaient pour le bien commun, et même pour le bien du peuple allemand qu’il fallait libérer d’un régime oppressif et barbare : car « celui que l’on prive du pouvoir de mal faire subit une défaite profitable ». L’impunité du méchant n’est un bien pour personne : c’est seulement une injustice ajoutée à toutes les autres.
    On peut donc dire, poursuit saint Thomas, que « ceux qui font des guerres justes recherchent la paix ». Et en ce sens, on peut tenir le paradoxe de combattre dans un esprit pacifique, afin de conduire tous les belligérants jusqu’au « bienfait de la paix ».
    Toujours selon saint Thomas, pour qu’une guerre soit juste il faudra trois conditions : d’abord, que celui qui en décide dispose d’une autorité légitime ; ensuite, que la cause de la guerre soit elle-même juste (par exemple la restitution de ce qui a été enlevé par violence) ; enfin, que l’intention de ceux qui font la guerre soit droite. « On doit se proposer de promouvoir le bien et d’éviter le mal. » C’est ainsi que, malgré toute la phraséologie déployée à l’époque, la guerre des États-Unis et du Royaume-Uni contre l’Irak en 2003 ne peut aucunement être qualifiée de guerre juste, malgré le caractère dictatorial et injuste du régime de Saddam Hussein.
    Le fait qu’il puisse exister des guerres justes souligne suffisamment que la paix n’est pas la valeur suprême : il faut que cette paix soit elle-même juste, faute de quoi il sera plus légitime de prendre les armes que de vivre dans l’injustice. Il en est ainsi lorsque la guerre est défensive : les Ukrainiens attaqués par les Russes n’avaient d’autre choix que de riposter pour ne pas vivre sous le joug de l’occupant. Mais comment faire pour que le devoir de défendre son pays contre l’agresseur débouche sur une paix juste ? En l’occurrence, l’écrasement final de l’adversaire, comme celui de l’Allemagne en 1945, paraît hautement improbable. On voit tout aussi mal Vladimir Poutine soudain renversé par une révolte populaire ou par une intrigue de palais. Quant à une paix de compromis, elle risque fort d’être une paix injuste portant en germe de nouveaux conflits.
    Il est pourtant urgent de réfléchir à la paix, car la logique des guerres, outre les souffrances qu’elles provoquent, est de s’étendre toujours plus loin. Mais quel espoir de paix nous reste-t-il aujourd’hui ? Je vous propose de continuer à y réfléchir dans la chronique de la semaine prochaine.
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    L'encombrant commencement

    13 janvier 2023
    Il y a quelques jours seulement, nous célébrions l’Épiphanie. Des Mages venus d’Orient avaient fait un long voyage jusqu’au pays des Juifs parce qu’ils avaient scruté le ciel et qu’une étoile leur avait indiqué la direction à suivre.
    Ainsi donc, les Mages scrutaient le ciel pour y déchiffrer les intentions de Dieu. Le ciel, pour eux, n’était pas le lieu du « silence éternel des espaces infinis » dont parle Blaise Pascal. Non : le ciel était pour eux le lieu d’une Présence, qui adressait à l’humanité un message et qui accompagnait sa marche. Les Mages scrutaient le ciel pour finalement trouver Dieu présent au milieu des hommes.
    Notre rapport au ciel a bien changé depuis. Nous ne le concevons pas comme un espace d’où nous est adressée une parole (sauf pour ceux qui cherchent des messages venant de populations extraterrestres). Les scientifiques et les astronomes amateurs le voient plutôt comme un objet d’investigation auquel il faut arracher ses secrets. Et depuis quelques mois, en orbite à un million et demi de kilomètres de la terre, le télescope James Webb y recherche les traces du commencement de l’univers.

    Pourtant, cela ne veut pas dire que Dieu est absent. Dieu est présent plus que jamais dans ce qui dérange notre conception du monde et met en question nos observations. La question de Dieu est présente dans ce fameux commencement qui a suscité tant de méfiance quand il est redevenu une hypothèse à prendre très au sérieux pour expliquer la naissance de l’univers. Il faut dire que l’astrophysicien qui se remettait à parler d’un commencement de l’univers était un prêtre, l’abbé Lemaître. Cette méfiance se traduisit et se traduit encore par toutes sortes de tentatives pour éviter de parler de commencement : hypothèse d’un univers qui après une phase d’expansion entrerait dans une phase de rétractation, ou encore hypothèse plus échevelée encore des « multivers », c’est-à-dire d’une infinité d’univers.

    Le commencement nous dérange… Comment tenir en effet l’affirmation que Dieu n’existe pas s’il y a un commencement ? À moins, comme le font un certain nombre de scientifiques, de diviniser l’univers – mais ceci est une autre histoire. « Au commencement, nous dit la Bible, Dieu créa le ciel et la terre » : ce n’est certes pas une affirmation scientifique, mais c’est une parole autour de laquelle croyants et incroyants, en exerçant le travail de leur raison dans des sphères différentes mais non pas opposées, peuvent se retrouver pour dire ensemble que l’univers, notre univers, n’est pas venu à l’existence par lui-même – et que son origine est un mystère.
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    Bilan d'une vie et retour à la maison

    6 janvier 2023
    Quand disparaît quelqu’un qui a marqué son époque, et qui de plus a été un grand penseur, on s’attend à découvrir de lui des paroles décisives qui soient comme une cristallisation de sa pensée : on a du mal à l’imaginer disant des choses toutes simples.
    Je me souviens d’amis d’enfance qui étaient allés rendre visite à Jacques Maritain au soir de sa vie. Celui qui avait été un des plus grands philosophes catholiques du XXe siècle, ami personnel de Paul VI, avait choisi d’achever son existence à Toulouse chez les Petits Frères de Jésus au milieu de qui il devait mourir en 1973. Les amis en question avaient fait le voyage pour écouter Maritain et en étaient revenus fort déçus, car le « grand homme » avait parlé avec tant de simplicité qu’il n’avait rien dit qui leur parût particulièrement intéressant et digne de figurer dans un carnet de voyage. Ils n’étaient pas loin d’attribuer cela à un gâtisme précoce chez celui qui s’appelait lui-même « le paysan de la Garonne ».

    Quand nous lisons le Testament spirituel du pape émérite Benoît XVI, c’est la même simplicité qui nous frappe. Benoît XVI commence par dire merci à Dieu pour tout ce qu’il lui a donné et pour le pardon de ses péchés. Puis tout naturellement, il passe de Dieu à ses parents : « un foyer merveilleux dont la lumière a irradié de sa clarté toute ma vie jusqu’à ce jour » écrit-il. Ensuite son action de grâce s’élargit à sa sœur, à son frère, à ses amis, à ses enseignants, à ses élèves, et pour finir à son pays pour lequel il exprime la crainte qu’il laisse s’éteindre la foi transmise à travers les générations. Enfin, il demande pardon à tous ceux à qui il a pu faire du mal, et il demande qu’on prie pour lui. Tout passe, mais Jésus demeure : tel est le cri final de ce testament spirituel.
    J’ai gardé en mémoire un récit particulièrement émouvant de son autobiographie. Il avait dix-huit ans au moment de l’effondrement de l’Allemagne, et il venait d’être libéré de ses obligations militaires. Se souvenant de son retour chez ses parents à Traunstein, il écrit : « À cet instant, la Jérusalem céleste n’aurait pu me paraître plus belle. Depuis l’église, j’entendais prier et chanter : c’était le soir du vendredi, jour du Sacré-Cœur… De ma vie, je n’ai trouvé un repas aussi délicieux que le simple dîner que notre mère nous prépara avec les produits du jardin. » Il venait de rentrer dans sa maison familiale. Aujourd’hui, il entre dans la Maison du Père où le Christ nous a promis de nous préparer une place. Ce sera notre chez-nous, notre maison familiale et notre joie pour toujours.
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    ESPÉRANCE D’ISRAËL ET ESPÉRANCE CHRÉTIENNE

    23 décembre 2022
    À l’approche de cette fête de Noël, une histoire juive me revient en mémoire. Elle est racontée par ce grand écrivain francophone que fut Edmond Fleg, un des principaux fondateurs de l’Amitié judéo-chrétienne.
    Dans un de ses livres intitulé Jésus raconté par le Juif Errant, Edmond Fleg affirme que tout Juif, qu’il soit croyant ou non, qu’il le sache ou qu’il l’ignore, espère la venue du Messie d’Israël. Selon lui non seulement cette espérance est indéracinable, mais elle se fait d’autant plus forte que les malheurs s’acharnent sur le peuple juif. À l’appui de cette affirmation, il cite un passage du Talmud méditant sur la ruine du Temple de Jérusalem. Quatre rabbins gravissent ensemble la montagne où se dressait autrefois le Temple dans sa splendeur, et qui n’est plus maintenant que désolation. Et voici le récit :
    Nous venions d’apercevoir un chacal, bondissant hors du Saint des Saints en ruine. Nous pleurions. Mais [l’un d’entre nous, Rabbi] Akiba, riait.
    Nous lui demandions : « Pourquoi ris-tu ? » Il nous demandait : « Pourquoi pleurez-vous ? »
    « Eh quoi ? [lui répondions-nous] Du saint lieu nous voyons bondir le chacal, et nous ne pleurerions pas ? »
    « C’est justement pourquoi je ris, répondit Akiba. [Un prophète] a dit : "Jérusalem ne sera plus qu’un monceau de décombres" ; et [un autre prophète a dit plus tard] : "de nouveau, sur les places de Jérusalem, les vieux et les vieilles s’assoiront, leurs bâtons à la main, et les filles avec les garçons, danseront leurs danses". Tant que la première de ces paroles ne s’était pas réalisée, je pouvais douter de l’autre ; mais maintenant qu’elle s’est montrée véridique, dans la seconde aussi je vois la certitude ! »

    À l’image de l’espérance d’Abraham, l’espérance d’Israël a appris dans les épreuves à tenir ferme « contre toute espérance » selon l’expression de l’épître aux Romains. Au terme d’une année si éprouvante et si difficile, je vous souhaite d’y penser en priant devant la crèche. J’y pensais moi-même tout récemment devant les restes calcinés de l’abbaye Saint-Georges sur laquelle nous avions fondé tant d’espoirs que l’incendie faisait partir en fumée. Abraham, notre père dans la foi, sans qui l’Enfant Dieu ne serait pas né tant de siècles plus tard. Abraham, notre père devant Celui en qui il a cru, qui « donne la vie aux morts et appelle le néant à l’existence » : « Espérant contre toute espérance, il tint ferme… Devant la promesse divine, il ne succomba pas au doute mais il fut fortifié par la foi et il rendit gloire à Dieu » (Romains 4, 17-20).
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    Les voeux diocésains

    16 décembre 2022
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    Elle n'avait pas peur

    9 décembre 2022
    La grande peur de l’an Mil n’est qu’une légende colportée, semble-t-il, au XIXe siècle par Michelet qui voyait dans le Moyen Âge une époque d’obscurantisme et de régression vers des superstitions en tout genre. À propos de l’an Mil, il écrivait : « Cette fin d’un monde si triste était tout ensemble l’espoir et l’effroi du Moyen Âge… C’est l’image de ce pauvre monde sans espoir : malheur sur malheur, ruine sur ruine. Il fallait qu’il vînt autre chose et on l’attendait. » Ce que ces propos démontrent, c’est que Michelet s’était complètement mépris sur les siècles de foi que stigmatise encore aujourd’hui l’appellation dépréciative de « Moyen Âge ».
    La peur du passage de l’an 2000 vers le troisième millénaire n’est pas, au contraire, une histoire inventée : elle s’est bel et bien produite. Cela montre que l’humanité actuelle est habitée par des angoisses plus puissantes que celles de nos ancêtres, parce que plus indéterminées que les leurs. Dans les siècles de foi, on avait peur du jugement de Dieu, mais cette peur était tempérée d’espérance en sa miséricorde. Aujourd’hui, on a mis Dieu au placard et le résultat est qu’on a peur de tout : des diverses crises économiques et monétaires, du chômage et de l’exclusion, des migrants et de la guerre, des coupures de courant et de la sixième extinction massive... Le pire paraît toujours sûr.
    À l’époque où vivait Marie, dans le village de Nazareth comme dans tout le pays des juifs, on venait aussi de vivre le passage d’un millénaire à l’autre. Bien entendu on ne le savait pas, mais on savait que le plus sûr n’était pas le pire mais le meilleur. Cette époque avait pourtant autant de raisons que la nôtre d’avoir peur du lendemain : on vivait dans un pays opprimé et livré à l’arbitraire du vainqueur. Pourtant, tout le monde était dans l’espérance : c’était l’attente de Celui que Dieu avait promis, cette « force de salut » qui naîtrait « dans la maison de David son serviteur » comme dit le cantique de Zacharie, père de Jean-Baptiste. Ce n’était pas l’attente des grands, mais celle des petits et des humbles. C’était l’attente de Marie.
    C’est pour cette raison que Marie est la grande figure de l’Avent. Marie n’a pas peur, car elle attend. Marie n’a pas peur, car elle met en Dieu sa confiance. Et l’Église, notre pauvre Église si éprouvée et si décriée, restera toujours le peuple de l’attente. Dans la nuit de ce monde, figurée par le raccourcissement des journées de décembre, elle garde allumée la lampe de l’attente et indomptable la joie de l’espérance. Cette attitude lui est enseignée par Marie, à la fois membre et Mère de l’Église. Marie qui a espéré contre toute espérance de Nazareth à la croix. Marie l’Immaculée, qui guide et soutient l’espérance du peuple de Dieu encore en chemin.
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    Réflexions sur un impossible débat

    2 décembre 2022
    Je suis sûr que beaucoup de nos concitoyens, souhaiteraient un vrai débat sur la question de l’avortement. Mais ce débat s’avère impossible à cause de l’hystérisation qui règne autour de ce sujet. La pression exercée sur les sénateurs pour qu’ils capitulent sur l’inscription du droit à l’avortement dans la constitution en est aujourd’hui un signe inquiétant.
    Un premier moyen de dépassionner est de rappeler les données historiques. Contrairement à ce qu’on laisse croire, la loi Veil de 1975 n’instaurait pas un nouveau droit : elle décidait une dépénalisation. « Dépénaliser » signifie renoncer à sanctionner un délit. Cela veut dire que la loi Veil, à bien des égards si critiquable, ne remettait pas en question le fait que l’avortement n’est pas un acte qui n’engage que le droit individuel dont chacun dispose sur son propre corps, mais reste un acte irréversible sur le corps et sur la vie d’autrui.
    À la base de la demande que l’avortement soit considéré comme un droit, il y a l’affirmation résumée dans un slogan fameux : « mon corps m’appartient ». C’est précisément ce slogan qui devrait pouvoir faire l’objet d’un débat serein et responsable. En effet dans la question de l’avortement il ne s’agit pas de « mon corps », mais du corps d’un autre, et c’est là toute la différence. Autant le suicide ou la réassignation sexuelle, quoi qu’on en pense par ailleurs, peuvent être revendiqués par leurs partisans comme des droits individuels, autant ce genre d’argument est impossible pour l’avortement. Sauf à ne plus savoir de quoi on parle et à considérer l’enfant à naître comme un « amas de cellules », au mépris des données de la science la plus récente.
    Ce ne sont donc pas ceux qui demandent un débat de fond qui sont les témoins d’une pensée archaïque (à part ceux qui en font une arme politique au service d’autres desseins plus scabreux). Ceux qui relèvent d’un mode de pensée archaïque sont ceux qui s’arc-boutent sur des mots d’ordre faisant fi des données de la science contemporaine. Au Moyen Âge, saint Thomas d’Aquin pouvait encore considérer que le fœtus n’était un être humain qu’à partir d’un certain stade de la grossesse parce que la science de son temps était encore dans l’enfance. Aujourd’hui il n’est plus possible de dire cela : un ovule fécondé contient en germe tout ce qui constituera la personne à venir, et on lui doit donc le même respect qu’à toute personne.
    Ce que je viens de dire n’enlève rien au drame que vivent des femmes souvent très jeunes et laissées seules par leur compagnon devant une grossesse non désirée. Et on peut m’objecter qu’il est facile à un homme de parler en leur nom. Mais tout être humain, homme ou femme, a le droit de savoir et le devoir de dire ce qu’est un acte de mort. L’enjeu n’est rien de moins que notre commune humanité.
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    La spirale de la pauvreté

    25 novembre 2022
    Le Secours Catholique vient de publier son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Il s’intitule À l’épreuve des crises, enquête sur les budgets des plus précaires, et il nous livre un constat accablant. L’étude de l’impact de la crise budgétaire que nous traversons sur les foyers les plus modestes, montre que leur fragile équilibre financier a bien souvent été rompu. Tout près de nous, bien des gens sont sur le fil du rasoir et sur le point de basculer. Il suffit, me dit le président de notre délégation départementale, qu’un loyer augmente de 24 Euros et c’est la catastrophe. Oui, vous avez bien entendu : 24 Euros ! Presque rien, et on en est réduit du jour au lendemain à se tourner vers les restos du cœur et vers la banque alimentaire.

    « L’énergie et l’alimentation, rappelle Véronique Devise (présidente du Secours Catholique), servent déjà de variables d’ajustement pour les ménages qui vivent sur la corde raide, alors nous craignons des drames avec l’hiver qui vient, car les aides annoncées ne suffisent pas à compenser le choc. À quoi ces ménages, déjà coutumiers de choix impossibles, qui font souffrir le corps et le cœur, devront-ils renoncer : à payer le loyer, au risque d’une expulsion ? »

    Le mot d’ordre du Secours Catholique est : « marcher au pas des plus pauvres ». Cela signifie s’interdire de faire de l’assistanat, mais aider les personnes à parler et à être reconnues, afin qu’elles puissent, dans toute la mesure du possible, retrouver leur dignité et la maîtrise de leur propre destin. L’assistanat est certes relativement facile à mettre en œuvre, mais il est humiliant, il ne permet pas aux personnes de dominer leur situation de précarité et les y enfonce au contraire. Enfin, il ne prépare aucun avenir car le jour où les aides cessent, la situation antérieure réapparaît identique à ce qu’elle était au début.
    À l’échelle des pouvoirs publics, ce qui apparaît à cette lumière n’est pas tant l’insuffisance des aides que l’absence d’une politique structurelle pour combattre la pauvreté. C’est toute notre société qui doit repenser sa manière de traiter la condition des plus fragiles, celle des personnes âgées, celle des jeunes et celle des migrants. La valeur d’une société se mesure à sa capacité de donner ses chances à chacun de ses membres et de n’en laisser aucun de côté.
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    UN TEXTE DE DIETRICH BONHOEFFER

    18 novembre 2022
    Chers amis auditeurs de RCF, dans la tourmente que nous traversons je ne me sens pas capable de faire autre chose, comme je l’ai fait la semaine dernière, que de vous partager des textes qui m’ont personnellement aidé. Il se trouve que pendant que nous étions à Lourdes, un frère évêque nous a lu un texte du théologien allemand Dietrich Bonhoeffer qui m’a réconforté et que je voudrais vous faire entendre à mon tour. Le voici.

    « Dans sa grâce, Dieu ne nous permet pas de vivre, ne serait-ce que quelques semaines, dans l’Église de nos rêves… Car Dieu n’est pas un Dieu d’émotions sentimentales, mais un Dieu de vérité. C’est pourquoi seule la communauté qui ne craint pas la déception qu’inévitablement elle éprouvera en prenant conscience de toutes ses tares, pourra commencer d’être telle que Dieu la veut et saisir par la foi la promesse qui lui est faite. Il vaut mieux pour l’ensemble des croyants, et pour le croyant lui-même, que cette déception se produise le plus tôt possible. Vouloir à tout prix l’éviter et prétendre s’accrocher à une image chimérique de l’Église (…), c’est construire sur le sable et se condamner, tôt ou tard, à faire faillite. (…)
    Lorsque la vie de la communauté est gravement menacée par le péché et l’incompréhension, un frère demeure un frère, même coupable. Je reste placé avec lui sous la parole du Christ (…) Le moment où se produit la grande déception dont nous avons parlé à propos de nos contacts avec les autres croyants, peut être pour nous tous une heure vraiment salutaire ; car elle nous fait comprendre que nous ne pouvons absolument pas compter, pour vivre ensemble, sur nos propres paroles, sur nos propres actions, mais uniquement sur la Parole et sur l’Action qui réellement nous lient les uns aux autres, à savoir le pardon de nos péchés par Jésus-Christ. La vraie communauté chrétienne est à ce prix : c’est quand nous cessons de rêver à son sujet qu’elle nous est donnée. (…)
    Nous devons apprendre à remercier Dieu tous les jours pour la grâce qu’il nous accorde en nous plaçant dans une communauté chrétienne, quelle qu’elle soit. Il se peut qu’elle n’ait rien d’extraordinaire à nous offrir. Il se peut qu’elle se distingue plutôt par beaucoup de faiblesse, par beaucoup de difficultés intérieures et très peu de foi ; qu’importe ! (…) Il en est de la communauté des chrétiens comme de la sanctification dans notre vie personnelle : c’est un don de Dieu. »

    Dietrich Bonhoeffer, pasteur luthérien né en 1906, fut exécuté par les nazis le 9 avril 1945.
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    Bouleversés et résolus

    11 novembre 2022

    Chers frères et sœurs,

    Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, nous avons entendu la stupéfaction, la colère, la tristesse, le découragement suscités par ce que nous apprenons au sujet de Mgr Michel Santier, ancien évêque de Luçon puis de Créteil, et maintenant au sujet de Mgr Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Montpellier puis de Bordeaux.

    Nous sommes conscients que ces révélations affectent douloureusement les personnes victimes, en particulier celles qui avaient choisi de nous faire confiance. Nous constatons l’ébranlement de nombreux fidèles, de prêtres, de diacres, de personnes consacrées. Ces sentiments sont également les nôtres. Membres d’un même corps ecclésial, nous sommes nous aussi blessés, atteints en profondeur. (…)

    Certains ont pu se demander si le droit de l’Eglise n’organisait pas une forme d’impunité ou de traitement particulier des évêques. (…) Nous le redisons avec force : il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, d’impunité des évêques. (…)

    Certains s’interrogent : dans les circonstances présentes, quel crédit donner aux engagements pris il y a un an pour tirer les conséquences du rapport de la CIASE ? Nous pouvons en donner l’assurance : une transformation des pratiques est bel et bien en cours, avec l’aide de nombreux fidèles laïcs particulièrement qualifiés, dont des personnes victimes. Des décisions sont déjà prises et mises en œuvre. Diocèses et mouvements d’Eglise s’impliquent de manière plus construite dans la protection des mineurs. Les groupes de travail décidés il y a un an rendront leurs conclusions en mars 2023. Nous venons de faire un point d’étape avec eux au cours de cette Assemblée. Ce travail de fond commence à porter du fruit. Nous continuerons sur cette lancée. (…)

    Frères et sœurs, humblement mais de tout cœur, nous continuons le travail entrepris pour que l’Eglise soit une maison plus sûre. Les personnes victimes demeurent plus que jamais au cœur de notre attention. Vos attentes et vos exigences sont légitimes et vraiment entendues. Nous les accueillons comme venant du Seigneur lui-même. C’est tous ensemble, nous en avons conscience, que nous pouvons contribuer à une fidélité renouvelée à l’Évangile. C’est notre prière et notre détermination modeste mais résolue.

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    Systémique ?

    4 novembre 2022
    À l’heure où j’écris cette chronique, personne ne sait encore ce qui va sortir de l’assemblée plénière des évêques de France qui se tient à Lourdes du 3 au 8 novembre. Une chose est sûre cependant : nous, les évêques, sommes de nouveau au pied du mur. Nous sommes interpellés à la suite de « l’affaire Santier », sur la sincérité des engagements que nous avons pris l’an passé à la suite du rapport de la CIASE. En clair, nous sommes accusés d’être des menteurs. Non pas d’abord parce qu’une nouvelle fois des actes gravissimes ont été commis par un prêtre instrumentalisant le sacrement de la confession (il y en a eu d’autres, hélas) ; non pas d’abord parce que ce prêtre a plus tard accepté sa nomination comme évêque (il y en a eu d’autres aussi) ; mais d’abord parce que ces scandales pesant à jamais sur l’existence des victimes n’ont pas été à temps dévoilés, condamnés, sanctionnés comme ils auraient dû l’être.
    L’an passé, c’était une culture de l’autorité laissant la porte ouverte aux abus d’autorité qui était dénoncée, le fameux « cléricalisme » dont parle le pape François. Cette année, c’est spécifiquement la culture du secret, de la procrastination, de la préservation des apparences qui est clouée au pilori. « Ils savaient et ils n’ont rien dit » : c’est le titre d’un des nombreux articles parus ces derniers jours. Et il ne sert à rien de répondre qu’« ils » ne savaient pas tous et qu’« ils » ne savaient pas tout, même si c’est vrai. Il ne sert à rien de se retrancher derrière la lenteur des procédures, même si l’emballement avec ses conséquences médiatiques est un fléau. Il ne sert à rien non plus de déplorer l’inefficacité de certaines mesures disciplinaires, comme celles qui visaient dans les années 50 les deux frères Philippe, si l’on ne s’interroge pas jusqu’au bout sur les causes d’une pareille inefficacité. Il ne sert à rien enfin de mettre sur pied de nouvelles instances d’accueil, d’écoute, d’aide à la reconstruction des victimes si la culture elle-même demeure en place. Or nous autres évêques sommes accusés aujourd’hui d’avoir été façonnés par cette culture-là, qui engendre aujourd’hui tant de dégoût et de colère.
    Tout cela serait-il donc « systémique » ? J’ai milité et je milite toujours pour qu’on emploie ce mot avec précaution pour ne pas déresponsabiliser les personnes en faisant tout porter sur les structures. Jean-Paul II, qui connaissait de l’intérieur la vulgate marxiste expliquant le mal par les structures perverses de la société, avait proposé une notion qui est un trait de génie, celle de « structures de péché ». L’explication ultime du mal ne réside pas dans les structures, mais ce sont des hommes pécheurs qui fabriquent toutes sortes de structures perverses. Et si ces structures perverses résultent de fautes personnelles, des décisions personnelles clairvoyantes et courageuses, peuvent assainir ce qui a été perverti. Des décisions personnelles clairvoyantes et courageuses : voilà ce qui est attendu de nous aujourd’hui.
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    Je me réfugie dans l'Évangile

    28 octobre 2022
    « Je me réfugie dans l’Évangile comme dans la chair de Jésus-Christ » : ces paroles sont d’Ignace d’Antioche, un des premiers auteurs chrétiens, martyr à Rome au tout début du deuxième siècle. Il les a écrites dans sa lettre aux habitants de Philadelphie (Phil V, 1). Pour lui, l’Évangile n’est pas un texte, même si à cette époque les évangiles sont déjà rédigés. L’Évangile est la parole vivante et agissante de Jésus, qui ne peut être enfermée dans aucun texte comme le dit Jean l’évangéliste : « Jésus a accompli encore beaucoup d’autres choses. Si on les écrivait une à une, j’imagine que le monde ne contiendrait pas les livres qui en seraient écrits » (Jean 21, 25). Et la parole vivante et agissante de Jésus est comme sa « chair », c’est-à-dire le sacrement de sa Personne. Il y a continuité entre elle et l’Eucharistie.

    « Se réfugier » dans l’Évangile, c’est y trouver son abri, son port d’attache contre les tempêtes, ce qui donne sens à ce que l’on fait et à ce que l’on subit. C’est aussi, selon une image que j’aime particulièrement, se réfugier dans les plaies du Sauveur qui sont devenues glorieuses dans la résurrection : « Porte ta main et entre dans mon côté, dit Jésus à Thomas, ne sois pas incrédule mais croyant ! » (Jean 20, 27). Car le lieu de la blessure est le lieu d’où jaillit la vie.

    Ces réflexions ne sont évidemment pas sans rapport avec les nouvelles blessures infligées à l’Église par les révélations touchant Michel Santier, ancien évêque de Créteil. En écrivant « l’Église », qu’on n’imagine pas que je ne parle que de ce qu’il est convenu d’appeler « l’institution ». Car ces blessures sont d’abord celles des victimes, membres du Corps de l’Église et pour qui un prêtre devenu plus tard évêque a été fauteur de scandale. Ces blessures sont celles causées par l’instrumentalisation d’un sacrement, le sacrement de pénitence, où se rejoignent et communiquent le sanctuaire de l’intimité des personnes et le sanctuaire de la miséricorde de Dieu.

    Mais Ignace d’Antioche continue, imperturbable : « Je me réfugie dans l’Évangile comme dans la chair de Jésus-Christ… et dans les Apôtres comme dans l’assemblée des prêtres de l’Église. » Et dans une autre de ses lettres, il écrivait : « Sans les apôtres et les prêtres, on ne peut parler d’Église » (Tralliens III, 1).

    Église, qui es-tu pour que le pire puisse se trouver en toi et qu’on doive pourtant te dire sainte ? Apôtres, qui êtes-vous pour que sans vous on ne puisse parler d’Église ? Et surtout, qui peut oser affirmer que la vie peut encore l’emporter sur les blessures ? Qui, sinon Celui-là même dont les blessures sont devenues le lieu de notre guérison ?

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