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Nuit sacrée 2017 | Au souffle de la fraternité
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Nuit sacrée 2017 | Au souffle de la fraternité

Un article rédigé par Anne Kerléo,Etienne Pépin - RCF,  -  Modifié le 16 mai 2018
Les livres sacrés sont-ils des ferments de fraternité? Echange entre croyants à l'occasion sur salon du livre de la Nuit sacrée le week-end de Pentecôte 2017 en l'église St Merry à Paris.
Antoine Picot, RCF Antoine Picot, RCF

"Il n'y a pas d'unité lorsqu'une société est uniforme. La véritable unité c'est la reconnaisssance des différences": cest mots d'Hervé-Elie Bokobza, talmudiste font consensus entre les participants de cette émission. Leurs échanges sont souvent animés,  des désaccords se manifestent , notamment à propos de la lecture des textes sacrés. Et pourtant, tous sont d'accord sur la nécessité de la fraternité, parce qu'"elle est le fondement du vivre-ensemble" explique Bruno de Benoist organisateur de la rencontre autour des livres en préambule à la Nuit sacrée à St Merry (Paris)

Mais qu'est-ce que la fraternité? Paul Blanquart répond à partir de la lecture du passage de l'Evangile où les disciples viennent voir Jésus et lui disent "Ta mère et des frères te demandent". Réponse de Jésus: "Qui sont mes frères et ma mère?" Ce qui fait dire à Paul Blanquart: "la fraternité n'est pas la fratrie, ce n'est pas une identité biologique. Identité, éthymologiquement, veut dire "mêmeté", mais la fraternité n'est pas une "mêmeté" de sang ou d'objectifs. Nous ne sommes pas des frères d'armes. La fraternité, c'est quelque chose de nouveau, qui a pris la forme de mots nouveaux : adelphotès en grec et fraternitas en latin ont été inventés pour dire cette nouveauté de la fraternité par rapport à la fratrie. Cela ne veut pas dire que cettte émergence novuelle est une propriété du christianismen ça peut tomber ds le bien commun cde l'humanité, n'empêche qu'il y a une émergence qui est en rupture par rapport à ce que recouvre le mot fratrie. La fraternité n'est pas une identité, elle est d'entrée de jeu universalité et universalité va avec les différences

Tous semblent faire l'expérience que la fraternité peut être plus difficile à construire entre croyants d'une même religion qu'entre fidèles de religions différentes. "Les champs religieux sont des champs conflictuels, affirme Paul Blanqart. Il y a un christianisme de la fraternité, dans la filiation de Jésus, et à l'aube des temps modernes en la personne de François d'Assise. Qu'est-ce que ça a à voir avec le catholicisme identitaire? " s'agace-t-il. 

Kahina Bahloul fait cette même expérience en tant que musulmane. Née d'un père musulman d'origine algérienne, d'une mère française, ayant elle-même une mère juive polonaise et un père français catholique, elle témoigne : "pour oi c'est tout naturel de voir que les humains, même s'ils ont des origines diverses sont attirés les uns vers les autres. J'en suis l'exemple vivant. Je pense que nos différences ne nous éloignent pas forcément, nos différences d'opinions sont aussi des richesses, à chaque fois l'autre nous enrichit. Je pense que l'obstacle majeur à la fraternité c'est la peur, la peur de l'autre, de la différence, de ce qu'on ne connaît pas". Mais pour elle, "c'est l'amour divin qui transcende toutes les relations entre les humains". 

Hervé-Elie Bokobza, juif, talmudiste, s'émerveille lui de la diversité des humains : "il n'exite aucun être humain sur terre qui a la même opinion qu'un autre". Et ce constat vient en lui faire écho à  une phrase du talmud : "il n'existe aucun visage semblable à un autre depuis les origines de tous les temps jusqu'à la fin des temps". "La fraternité implique l'acceptation des divergences d'opinion sinon il n'y a pas de fraternité pensable. Imaginez qu'on soit tous uniformes, là il n'y a plus d'humanité", affirme-t-il encore. 

Alors les textes sacrés sont-ils ferments de fraternité ?  La violence contenue dans certains passages de ces textes n'empêche-t-elle pas la fraternité ? Pas si le lecteur aborde le texte de la bonne manière disent en substance les participants à cette émission. Pour hervé-Elie Bokobza, "l'homme a le libre-arbitre face au texte". Et d'ajouter : "J'ai plus peur des lecteurs que des livres. Les livres sont matière à ouvrir la pensée, quel que soit le lire. Si la personne devient subordonnée au texte, là on est perdu".

Kahina Bahloul dit en substance la même chose : pour elle, "la fraternité est exigeante. Pour que l'être humain puisse vraiment être digne de cette fraternité, il faut d'abord faire un travail sur soi-même et c'est ce à quoi appellent toutes les spiritualités dont la spiritualité musulmane. C'est pour cela que nous ne pouvons pas avoir une lecture littéraliste des textes. Il faut absolument contextualiser les textes, revenir à l'histoire, au contexte social et politique dans lequel ils ont été révélés pour bien comprendre pourquoi. Et surtout avoir une lecture symbolique approfondie pour comprendre le vrai sens des textes".

Et lorsqu'on lui demande si ce point de vue est majoritaire au sein de l'islam, voici ce qu'elle répond : "l'islam traditionnaliste, et surtout les savants qui ont travaillé sur l'aspect légaliste de la religion, la charia, se contentent souvent d'une lecture très littéraliste et très superficielle du texte, seulement pour en dégager des règles de vie qui régissent la société. Mais dans la tradition musulmane, par exemple dans le soufisme, spiritualité musulmane qui existe depuis le début de l'islam, il y a une toute autre approche, un autre rapport au texte qui est beaucoup plus intériorisé. C'est une lecture de sagesse. Cette lecture-là existe depuis toujours, on ne peut pas dire qu'elle est minoritaire mais plutôt qu'elle est moins connue". 

 

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