15 avril 2024
Pardonner et aimer l'assassin de sa fille
Pardonner et aimer l’assassin de sa fille
Je cite fréquemment dans mes Cartes Blanches le très beau site canadien Le-Verbe.com que je vous recommande fortement de découvrir.
Dans sa dernière parution, le philosophe Simon Lessard évoque un fait divers particulièrement effroyable qui a eu lieu en juillet 1979 au Québec.
Deux jeunes, Chantale Dupont 15 ans et Maurice Marcil 14 ans rentrent à pied chez eux de nuit et sont violemment agressés sur le pont Jacques Cartier par deux marginaux Gilles Pimparé et Normand Guérin.
Et c’est l’horreur, la jeune fille est violée devant son ami, puis ils sont tous deux étranglés et jetés encore vivants 50 mètres au-dessus du fleuve et meurent noyés.
L’émotion dans tout le Canada est immense, le double-meurtre est si brutal que des journalistes qualifieront ce crime d’impardonnable.
Mais la stupéfaction des québecois sera grande quand ils apprendront quelques jours plus tard que les parents de Chantale ont déclaré pardonner aux meurtriers de leur fille.
Et ils expliquent comment ils ont été conduits à prendre une telle décision.
C’est en priant ensemble le Notre Père qu’ils ont été tous deux touchés au cœur par ces mots : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »
Dans son article Simon Lessard cite cette pensée de Saint Augustin : « La seule mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure. »
Et il rappelle ensuite les trois degrés de l’amour selon Thomas d’Aquin.
- Le premier se nomme « Justice » : on rend à chacun exactement ce qui lui est dû selon la stricte logique du mérite. Par exemple, des parents subviennent aux besoins de leurs enfants, un patron verse leur salaire à ses salariés…
C’est la base de l’amour que d’être juste.
- Le second degré se nomme « Libéralité ». Elle consiste à donner plus que ce qui est dû, sans considération pour le mérite. Des parents offrent des cadeaux à leurs enfants ou encore un patron accorde un bonus à ses employés.
C’est le corps de l’amour que d’être généreux.
- Le troisième degré se nomme « Miséricorde ». Le miséricordieux pardonne malgré ce qui est dû, bien au-delà du mérite. Par exemple des parents accueillent dans leur maison des enfants ingrats, un employeur rembourse la dette d’un employé qui l’a volé, une épouse pardonne et reprend son mari qui l’a trompé… C’est la qualité la plus élevée de l’amour que d’être miséricordieux.
Simon Lessard cite enfin Edgar Morin pour qui le pardon est – citation - « un pari sur la régénération de celui qui a failli, un pari sur la possibilité de transformation et de conversion en bien de celui qui a commis le mal. »
Au cours d’un échange téléphonique et ensuite par mail avec Simon, celui-ci m’a appris l’existence d’un documentaire réalisé à l’époque, exceptionnel et bouleversant car donnant la parole aux protagonistes de ce drame.
Un film capable selon ses dire de nous arracher des larmes et de transformer une vie.
Et je confirme. Ce film que j’ai téléchargé et vu se nomme « Le Pardon », il a été réalisé par Denis Boivin et a obtenu par la suite de nombreux prix.
Il montre notamment comment, douze ans après le meurtre de leur fille, les parents de Chantale sont allé rencontrer pour la première fois Normand Guérin en prison. Cette scène qui a pu étre filmée, d’une force incroyable, les montre s’embrassant longuement tous les trois.embrassés. Et le père de Chantale ému aux larmes déclare : «C’est le plus beau jour de ma vie.»
Par la suite, plusieurs autres visites en prison suivront. Une relation quasi filiale naitra entre eux. Il y a quelques années, monsieur Dupont a même confié à une journaliste: «C’est comme s’il était notre fils. Est-ce qu’on peut l’écraser ? Le haïr ? Non. Aimer au-delà de l’offense, c’est ça, pardonner.»
Merci à Simon Lessard et au site Le Verbe.com de nous avoir permis de connaître et méditer cette magnifique parabole pour aujourd’hui,
et rendons grâce à Dieu.
Droits image: Les éditorialistes de RCF Vendée