18 février 2025
Rendre humain ce qui ne l'est pas
Costa Gavras est un nom qui aujourd’hui encore met en colère de nombreux catholiques quand ils repensent à son film Amen. Sorti en 2002, il est l’adaptation d’une pièce de théâtre basée sur des documents historiques, Le Vicaire, dans laquelle le dramaturge allemand Rolf Hochhuth révèle que le pape Pie XII était reste? silencieux devant l’extermination des Juifs par les nazis, alors qu’il connaissait l’ampleur de la Shoah.
Dans ses Mémoires, Va ou? il est impossible d’aller, paru au Seuil en 2018, Costa Gavras a confessé : « Il n’y avait, de ma part, aucune tentative pour insulter ou humilier la croix du Christ. Ce qui m’a profondément choque?, c’est la réaction de certains évêques français qui, évidemment, n’avaient même pas vu le film. Ces évêques ont, en quelque sorte, servi d’auxiliaires aux nervis de Le Pen qui m’ont conduit au tribunal. » Il a également raconté avoir eu « un débat très courtois » sur la chaîne KTO avec l’évêque d’Angoulême : « Il avait été tellement touche? par le film qu’il voulait le revoir pour l’analyser avec du recul. Il avait reconnu a? l’antenne que lui aussi regrettait le silence de Pie XII sur le génocide. » Le cinéaste s’étonnait aussi que six mois après la sortie du film, des prêtres l’abordent encore dans la rue pour lui dire combien ils avaient apprécié Amen.
Mardi 28 février Costa Gavras était présent au Caméo Commanderie pour l’avant-première de son nouveau film, Le dernier Souffle, qui est à l’écran depuis le 12 février au Caméo, traite de la fin de vie et des soins palliatifs. Costa Gavras, lui-même âgé de 93 ans a assuré au public, venu nombreux, que « ce sont les vivants qui m’intéressent. » D’ailleurs la mort n’est jamais montrée à l’écran. Le film sort, alors que le parlement débat de la loi sur la fin de vie, mais Michelle Ray-Gavras, épouse et productrice du réalisateur, présente à ses côtés au Caméo explique que « il faut deux ans pour faire un film » et Costa Gavras, habitué à des sujets politiques, renchérit :
« Il faut que le film vive par soi-même, malheureusement il tombe en pleine actualité. »
Durant le débat, un spectateur - médecin des hôpitaux pendants 40 ans - a loué le réalisme et la pédagogie du film et a constaté que « jamais en France, jamais en Europe, nous n’aurons suffisamment d’unités de soins palliatifs » avant de poursuivre « le premier objectif dans ces situations c’est de répondre à la demande des patients et pour y répondre, il faut essayer de la comprendre. »
Chers auditeurs, pour l’exprimer avec mes propres mots, il s’agit de rendre humain ce qui ne l'est pas. L'urbaniste Marion Waller qui, forte de huit années à la tête des services funéraires parisiens, analyse le tabou contemporain de la mort et donne des pistes pour réapprendre à dire adieu, dans son livre Redonner une place à nos morts, paru chez Allary, ne dit pas autre chose :
« Il faut vraiment ouvrir un débat de société sur comment on peut mourir aujourd'hui, comment on peut honorer nos morts. L'objectif est de rendre la mort moins effrayante. Je pense qu'il est essentiel de développer l'accompagnement du deuil. C'est un sujet majeur, notamment concernant la solitude des personnes âgées. Il devrait y avoir un accompagnement comparable à celui que l'on propose à la naissance. Aujourd'hui, il y a un vrai manque dans le service public. (…) Il faut réintégrer la mort dans notre société, la rendre moins taboue, plus humaine. Il s'agit de reconnaître que la mort fait partie de la vie, et qu'elle mérite respect, dignité et créativité. Chaque défunt mérite qu'on lui accorde une attention particulière, qu'on personnalise son dernier voyage. »
Dans Le dernier souffle de Costa Gavras, les vers suivants de Jacques Prévert nouvellement remis en musique accompagne le dernier voyage d’une patiente gitane : « Deux escargots s'en vont - Ils ont la coquille noire - Du crêpe autour des cornes - Ils s'en vont dans le soir - Un très beau soir d'automne - Hélas quand ils arrivent - C'est déjà le printemps - Le
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