Pour que l’Europe cesse de s’appauvrirDans l’actualité de ces dernières semaines, peut-être avez-vous noté la publication du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne. Cet économiste, qui fut président de la Banque Centrale européenne et président du Conseil des ministres d’Italie, alerte sur l’atonie de l’économie européenne, en situation de décrochage par rapport aux Etats-Unis et à la Chine, et condamnée, selon lui, à une lente agonie si elle ne change pas.
« L’Europe n’est pas à la hauteur de ce qu’elle pourrait réaliser si elle agissait en tant que communauté, explique-t-il. Elle formule des objectifs communs, mais ne fixe pas de priorités claires pour les remplir, et n’assure pas de suivi avec des actions politiques conjointes. »
Il emploie le terme d’appauvrissement dont nous serions déjà victimes. Je pense qu’une certaine génération de responsables économiques et politiques, celle des années 1990 et 2000, portent une lourde responsabilité en la matière. Je parle de ceux qui voulaient faire des entreprises sans usines ou proposaient de brader tel ou tel joyau industriel au franc symbolique, de ceux dont la politique agricole a permis qu’un pays comme la France, parmi les plus fertiles du monde, connaisse une balance commerciale déficitaire sur la plupart des produits alimentaires de base, de ceux qui ont imaginé former moins de professionnels de santé, pensant sans doute que la réduction de l’offre allait entraîner celle de la demande. Toutes mesures qui n’ont pas empêché, loin s’en faut, l’envolée de la dette publique dans la plupart de nos pays, alors que nous n’avons pas encore commencé à affronter sérieusement les défis de demain.
Car Mario Draghi insiste largement sur les investissements qui sont devant nous et qui ne peuvent plus attendre, qu’il estime à 800 milliards d’euros par an et pour lesquelles l’Union Européenne de devrait pas hésiter à émettre de nouvelles dettes communes. Il s’agit de soutenir l’industrie et la défense en Europe, pour renforcer notre sécurité et réduire nos dépendances. Il s’agit de développer l’innovation, notamment dans le domaine du numérique et pour permettre la transition énergétique, en particulier par la décarbonation des transports. Il s’agit de simplifier pour favoriser la croissance, notamment en freinant la production législative bien plus abondante qu’outre-Atlantique.
Oui, nous devons à nouveau nous enrichir, et nous avons les talents pour cela, pense Mario Draghi. Reste aussi à prendre pleinement conscience que notre vraie richesse tient à notre patrimoine environnemental et culturel, au bon fonctionnement de nos systèmes sociaux et de santé, à la protection que nous saurons apporter aux plus anciens et aux perspectives que nous pourrons offrir à notre jeunesse. A mon avis, voilà ce que devrait viser toute politique publique, à l’exclusion de tout le reste.