Un vote révélateur du divorce entre Paris et la ProvinceLa carte de France des résultats des dernières élections européennes me fait furieusement penser à celle qui se trouve au début de chaque album d’Astérix. Elle est uniformément bleu marine et il faut chercher à la loupe les petites taches de couleur qui correspondent aux seuls départements, composés d’irréductibles qui résistent encore et toujours à l’envahisseur, pardon, qui n’ont pas placé le Rassemblement National en tête : il s’agit seulement de Paris et de la petite couronne.
Je me réjouis pour ma part qu’il y ait quelques réfractaires au discours du RN. Quel sens y
a-t-il en effet à vouloir renouveler la classe politique en votant pour un Bardella qui est la
figure même du député inexpérimenté et carriériste ? Pourquoi un vote nationaliste si c’est
pour donner sa voix au parti de l’étranger, le plus pro-Poutine d’entre tous ? Pourquoi pas un
vote protestataire mais pas si c’est pour jouer la politique du pire…
Il n’en reste pas moins que ce vote révèle la fracture entre Paris et le reste du pays et
probablement entre les élites, ou ceux qui se considèrent comme tels, et l’ensemble de la
population qui souffre de la déconstruction des repères de la société, du délitement des
services publics, comme l’Education nationale et l’accès aux soins, d’une course à la
compétitivité dans un jeu mondialisé qui ne bénéficiera qu’à une minorité.
J’ai envie de citer une petite anecdote qui illustre ce divorce entre Paris et la Province.
Cela se passe il y a quelques années à l’intérieur de l’Eglise, qui n’est donc pas épargnée, lors
d’une réunion de responsables diocésains à la Conférence des Evêques de France. Deux
représentants de petits diocèses ruraux évoquent entre eux leurs misères. Ils sont
interrompus par une tierce personne qui s’étonne car, à les entendre, elle croit comprendre
qu’il y a des églises dans leurs diocèses où il n’y a pas de messe le dimanche ! Cette personne,
qui représentait le diocèse de Paris, n’avait jamais réalisé qu’en Province certains prêtres
pouvaient avoir la charge de 10, 20, 30, voire 50 villages et donc autant d’églises. Cela n’a pas
empêché cette même personne d’accéder quelques temps plus tard à des responsabilités non
plus purement parisiennes mais nationales, malgré sa plus parfaite méconnaissance du
terrain.
Alors oui, qu’à l’occasion des prochaines législatives, nos bulletins de vote servent à faire
émerger des responsables vraiment crédibles, à l’écoute et soucieux du bien commun, en
préservant sur le long terme les équilibres sociaux, économiques et écologiques.