Sorti de terre en 1973, le Biollay est un quartier chambérien situé aux portes de Cognin. Fruit d'un programme de logements ambitieux porté par l'architecte Laurent Chappis, il est aujourd'hui labellisé "patrimoine remarquable du XXème siècle". Autre visage des lieux, le quartier est classé prioritaire. Une population vieillissante et fragile y réside, mais avec un point commun, la fierté d'habiter ce quartier !
On est surpris lorsque l’on arrive au Biollay par la verdure des lieux. Certes, on note les barres d’immeubles de cinq étages au maximum, mais elles sont entourées d’arbres. Sans compter le parc Eburdy au pied de l’église St Jean Bosco, du centre social et de la maison de Boigne qui est un vrai poumon vert. On y entend les oiseaux et on peut profiter de l’ombre l’été. La végétation, c’est l’une des caractéristiques du quartier du Biollay.
C'est un plateau agricole, propriété du comte de Boigne, situé à 1km500 du centre ville de Chambéry et aux portes de Cognin, qui est choisi pour créer le quartier du Biollay : 1 000 logements pour 5 000 personnes. L'attente est grande pour ce projet urbain d’envergure, car la cité des Ducs a essuyé le 24 mai 1944 des bombardements laissant 200 morts et près de 3 000 sinistrés. La ville manque de place pour loger ses habitants d'autant qu'elle accueille également de nouveaux arrivants, appelés par le travail dans les industries locales.
C'est à l'urbaniste et architecte savoyard, Laurent Chappis, qu'est confié le projet. Le ministère de la reconstruction attend des actes architecturaux forts, l'urbaniste imagine alors un quartier fait de formes géométriques dans un écrin de verdure. C'est ainsi qu'apparaissent, en 1953, huit blocs en forme d'équerre, deux chenilles de 300 mètres installées en miroir et quatre derniers bâtiments formant ce qu'on a appelé le peigne. Enfin, une église, conçue par Pierre Jomain, de forme circulaire vient s'installer au cœur du quartier, tout près de la maison de Boigne, du nom de son propriétaire. L’église et le quartier sont classés patrimoine remarquable du XXème siècle.
Sylvie Tomasena, médiatrice auprès de l'hôtel de Cordon, où réside le CIAP, le centre d'interprétation d'architecture et du patrimoine, lié au label ville d'Art et d'histoire de Chambéry organise régulièrement des visites sur place avec les scolaires mais aussi avec les habitants du Biollay. “C’est difficile de faire venir les touristes ou les habitants des autres quartiers chambériens. Mais les habitants du quartier sont intéressés pour connaître son histoire et il y a souvent un ancien pour nous partager des anecdotes. Le label, c’est une fierté pour eux.”
Les habitants qui s’installent au Biollay, dans les premiers temps, sont des familles de travailleurs. Des cheminots, des militaires de la base aérienne du Bourget et des ouvriers des entreprises, de cimenterie notamment. Ces dernières, comme l’armée, ont participé financièrement à la construction du quartier, en contrepartie des logements étaient destinés à leurs personnels.
Dans les années 50, le confort proposé dans ce nouveau quartier est tout à fait nouveau. A la sortie de la guerre, 98% de la population n'avait pas de salle de bain, 80% n'avait pas de toilette personnelles, 48% n'avait pas l'eau courante. Ici les appartements sont traversants, il y a l'eau chaude, des toilettes et le chauffage, des prestations de très bonne qualité. A l'époque, une grande solidarité régnait dans le quartier avec l'une des première association des habitants des HLM qui a été créé pour revenir sur des malformations. Depuis les logements ont vieilli, une réhabilitation du parc locatif géré par Cristal Habitat est en attente.
Dans les années 50, de nombreux enfants vivaient sur le Biollay. On a compté jusqu’à dix-sept classes de garçons et dix-sept classes de filles lorsque les écoles ont été construites. Aujourd'hui, on ne compte plus que quinze classes de maternelle et élémentaire sur le quartier.
En effet, la sociologie a beaucoup évolué. Une partie de la population est vieillissante, celles des premiers habitants qui résident toujours sur place. On compte beaucoup de primo arrivants avec un important turn-over des personnes. “Des populations qui cumulent les difficultés“ constate Jacqueline Rastello, l’ancienne présidente du Café Biollay, un lieu pour créer des liens entre les habitants qui s’est installé sur l’ancien club de boules. “Ici, on accueille tout le monde sans condition!” On peut ainsi venir jouer aux cartes, boire un café, découvrir une exposition, écouter un concert ou bien jardiner. “J’ai découvert le quartier grâce à l’association lire et faire lire. J’ai adoré lire des histoires aux enfants.”
Dans les années 90, un collectif d’acteurs locaux se met en mouvement pour tenter d’endiguer la précarité grandissante de la population du quartier. La régie Coup de Pouce voit le jour, elle sera reconnue comme telle en 2001. Sa mission, favoriser le retour à l'emploi pour les personnes les plus éloignées tout en travaillant aux actions qui contribuent à l'amélioration du cadre de vie des habitants mais aussi un volet citoyen. Cathy Ploquin, la directrice de la structure est épaulée par une dizaine de salariées. “Aujourd’hui, j'ai l'impression que les liens sociaux se sont distendus et que le fait d'appartenir à des collectifs, ce n'est plus dans l'état d'esprit des personnes."
Pour retisser des liens et aller au contact de la population, la régie organise, depuis le covid, un café ambulant à vélo tous les vendredis matins en même temps que le marché. Une boisson chaude et une oreille attentive au pied des immeubles. Parmi les autres propositions, le jardin partagé "Le bon goût". C'est Karine qui anime ces lieux familiaux en attribuant d'abord les parcelles. Il faut traverser une barre d'immeubles pour découvrir ce nouvel écrin de nature qui sert aussi à l'insertion. "On multiple les portes d'entrée pour que les habitants trouvent un intérêt à court terme. Ensuite, on peut leur proposer des actions sur du long terme dans lesquelles elles prennent leur place. C'est le cas pour certains jardiniers qui participent aujourd'hui directement aux décisions du jardin" conclut Catry Ploquin.
La période de plein emploi, que connaît actuellement la Savoie, met en lumière les personnes les plus éloignées de l’emploi. Lever les freins au travail, c’est la mission de Lucile à la régie Coup de pouce, chargée d'insertion socio-professionnelle. La régie propose une solution : un contrat sur 30 heures avec deux missions. Allier une activité économique et un accompagnement professionnel et social pour les personnes très éloignées de l'emploi. Lucile note que la structure accueille de plus en plus de personnes issues d'une trajectoire migratoire récente. Une quarantaine de salariés sont en parcours de transition, une dizaine permette d'encadrer. La régie est le plus gros employeur du quartier avec 57 personnes embauchées.
En face de la régie, dans les locaux de Déclic, une boutique éphémère d'Emmaüs vêtements s'est installée pour une vente d'anoraks, pulls et affaires d'enfants pour l'hiver à moindre coûts. Une initiative renouvelée deux fois par an qui permet de faire connaître la structure d'insertion et pourquoi discuter d'un possible poste. Eulalie Quesne-Turin est la coordinatrice du lieu ressource qui veut lever les freins à l'emploi. "Ici, on accompagne les personnes pour l'accès aux droits, l'aide aux CV, l'apprentissage de la langue, le passage du code." explique l'ancienne juriste. 410 personnes ont été accompagnées depuis le début de l'initiative et une cinquantaine ont trouvé un emploi. Le projet soutenu par la ville et l'Etat sera prolongé mais seulement par la collectivité locale à l'avenir.
Plusieurs événements ont émaillés cette année anniversaire. Parmi lesquels la grande tablée organisée fin septembre où tous les acteurs du quartier ont participé, le centre social et d'animation du Biollay, la régie Coup de Pouce, Déclic, le foyer La Clairière des jeunes travailleurs géré par la FOL 73, la mairie de quartier, le Café Biollay, le foyer des jeunes travailleurs ou encore la paroisse St Jean XXIII de Cognin. Succès pour ces festivités qui ont réunis toutes les générations et nationalités du quartier pour un grand repas partagé au milieu de la rue. Kamel Bouziane, du collectif Art abordsavoie a présenté ses 30 portraits photo géants collés sur les immeubles. Vous pouvez encore en apercevoir certains. Enfin, un jeu de piste pour connaître le quartier a été lancé par la régie, à retrouver sur l'application Explorama.
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