Qui se cache derrière ces attentats ? Comment expliquer cette recrudescence d’actes terroristes ? La minorité chrétienne est elle menacée en Indonésie ?
Les attentats perpétrés dimanche et lundi dernier ont eu lieu à Surabaya, une ville portuaire située dans l’Est de l’île de Java. Les premières attaques ont visé trois églises chrétiennes. Elles ont été menées par une famille entière qui revenait tout juste de Syrie. Le père, la mère et leurs quatre enfants, dont deux fillettes âgées de neuf et douze ans se sont fait exploser dans les trois églises à l’heure de la messe.
Bilan: quatorze morts et quarante blessés. A peine quelques heures plus tard, lundi matin une nouvelle attaque vise cette fois-ci un commissariat de la ville. Le profil des assaillants est le même : cinq membres d’une même famille dont un enfant de huit ans. Ils ont déclenché leur ceinture d’explosif à un point de contrôle.
Alors évidemment ce qui frappe, c’est le modus operandi utilisé. Il s’agit bien là de familles entières de kamikazes. C’est inédit et surtout tragique pour David Camroux, maître de conférences à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI).
Ces attaques ont été revendiquées par Daech. Le mouvement extrémiste islamiste, le Jamaah Ansharut Daulah auquel étaient rattachées ces familles, avait prêté allégeance au groupe djihadiste État islamique. Car Daech devient peu à peu une franchise pour les groupes islamistes de la région.
Et si cette recrudescence d’attentats djihadistes en Indonésie, est liée à l’engagement de plusieurs centaines d’Indonésiens en Syrie aux côtés de Daech, l’Indonésie est depuis longtemps la cible des islamistes. En 2000, une vingtaine de personnes avaient été tuées en Indonésie lors d’une série d’attentats contre des églises lors du réveillon de Noël. Et puis il y a plus de 15 ans, en 2002, c’est l’île de Bali qui est endeuillée à son tour par des attaques terroristes sanglantes, plus de deux cent morts.
Si les autorités avaient alors pris des mesures pour lutter contre le terrorisme, la menace de l’islam radical, qui a désormais le visage de Daech, plane à nouveau sur le plus grand pays musulman du monde, traditionnellement modéré. Une islamisation rampante perçue au fil du temps par le père Paul Billaud, Ce prêtre français des Missions étrangères de Paris vit en Indonésie depuis quarante ans.
Et c’est dans ce contexte que l'intolérance religieuse a augmenté ces dernières années en Indonésie. Ce pays de 260 millions d'habitants dont près de 90% sont de confession musulmane, compte aussi des minorités comme des chrétiens, des hindous et des bouddhistes. Les chrétiens qui représentent environ 10% de la population dont environ deux tiers de protestants et un tiers de catholiques sont de plus en plus exposés.
L’ONG chrétienne Portes Ouvertes, membre de la Fédération protestante de France alerte d’ailleurs régulièrement l’opinion publique sur la menace qui pèse sur les chrétiens dans certaines régions du pays. Dans son index annuel mondial de persécution des chrétiens, paru en janvier dernier, l’ONG place d’ailleurs l’Indonésie en 38ème position des pays les plus persécuteurs.
L’intolérance religieuse et la progression des islamistes radicaux en Indonésie semblent renforcées par un climat politique tendu. Des élections régionales se tiendront le mois prochain à travers tout l'archipel indonésien, avant l’élection présidentielle prévue en 2019. L'an dernier, l’incarcération de l'ex-gouverneur chrétien de Jakarta, accusé de blasphème, avait fait le jeu des islamistes radicaux et marqué un pas de plus vers l'intolérance à l’égard des minorités religieuses.
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