Après les accusations d'agressions sexuelles commises par l'abbé Pierre, quel avenir pour sa fondation et Emmaüs ? Interrogée par Grégoire Gindre, Sœur Véronique Margron, présidente de la CORREF, revient sur la nécessité de faire preuve de prudence en cette période difficile. Elle insiste sur l'importance de soutenir les victimes tout en poursuivant les actions en faveur des plus démunis.
L'affaire des révélations sur l'abbé Pierre a suscité une forte réaction médiatique. Selon Soeur Véronique Margron, la prudence est nécessaire face à ces révélations, même s'il est crucial de croire les victimes. Mettre en doute leurs témoignages ou suggérer qu'elles cherchent à nuire à l'Église, ou au mouvement Emmaüs serait une grave erreur et une faute morale.
"Si c'est une prudence pour qualifier trop vite l'abbé Pierre comme un prédateur sexuel de centaines de victimes, oui, il le faut [être prudent]. Mais si c'est pour remettre en cause la parole des victimes, je pense que nous faisons non seulement une grave erreur, mais aussi une faute à nouveau", déclare-t-elle.
Pour Soeur Véronique Margron, la justice dans cette affaire ne doit pas être médiatique. Elle doit s'appliquer en écoutant et en croyant les victimes, mais aussi, en cherchant à leur offrir reconnaissance et réparation. L'abbé Pierre étant décédé, la justice civile ou pénale est limitée, sauf pour d'éventuelles complicités non dénoncées.
"Une justice restaurative et indépendante, est essentielle pour ces victimes. L'immense majorité des victimes que nous écoutons parlent lorsque les auteurs sont morts, et c'est bien malheureux. Les victimes témoignent souvent des décennies après", poursuit-elle.
La Fondation Abbé Pierre et Emmaüs sont dans la tourmente, mais quel avenir attend ces organisations dont l'image est désormais ternie ? Selon la président de la CORREF, l'essentiel est de soutenir les victimes, et non de régler des comptes ou de remettre en question l'œuvre de l'abbé Pierre.
" Je pense que ces fondations resteront l'héritage de l'abbé Pierre pour le moment. Les historiens en décideront quand ce sera l'heure, et nous verrons plus tard.", précise Soeur Véronique Margron.
La vénération excessive de personnalités charismatiques comme l'abbé Pierre a conduit à un aveuglement, particulièrement dans l'Église catholique. Soeur Véronique Margron explique que cette admiration démesurée a souvent empêché l'exercice d'une vigilance élémentaire, ce qui a permis des abus.
"C'est comme si ces personnes se retrouvaient hors de la loi, hors du commun des mortels. Comme s'il n'y avait plus aucun moyen d'exercer une vigilance élémentaire à leur égard", observe-t-elle. " Il est normal de pouvoir admirer des personnes, c'est parfois nécessaire. Mais nous devons nous inquiéter quand nous les vénérons à tel point qu'il n'y a plus aucune vigilance qui s'exerce", ajoute la religieuse.
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