Marseille
C'est une conférence de presse exceptionnelle qu'a donnée Mgr Éric de Moulins-Beaufort ce lundi 7 novembre à 14h. Le président de la Conférence des évêques de France a révélé, à la demande de celui-ci, les abus commis par Mgr Jean-Pierre Ricard sur une mineure de 14 ans, il y a 35 ans. Au total, 11 évêques de France sont actuellement mis en cause devant la justice civile ou le tribunal ecclésial.
Lors de sa conférence de presse, Mgr Éric de Moulins-Beaufort est longuement revenu sur l’affaire Santier. Devant les journalistes, il a détaillé l’enchaînement des faits et des décisions prises au sein de l’Église. Il dresse aussi le constat "d’insuffisances graves" et de "dysfonctionnements à tous les niveaux". Toutefois, "je ne crois pas juste de nous accuser d’avoir voulu cacher l’affaire Santier, a-t-il dit, en tout cas pas au sens où Mgr Santier aurait échappé à toute sanction ou serait demeuré un risque pour quiconque."
"Comment peut-on encourager les victimes à parler, créer le climat qui le leur rende possible si elles le souhaitent ?" La question demeure selon le président de la CEF. Il a rappelé en effet que, lorsqu’au printemps 2019 les deux personnes victimes de Mgr Santier sont venues en parler à Mgr Michel Aupetit (alors archevêque de Paris), l’Église de France avait déjà mis en place des cellules d’écoute et "l’existence de la Ciase [était] connue du grand public". "Il pouvait sembler qu’une personne qui aurait eu quelque chose à dire de grave pouvait le faire… Pourtant cela n’a pas suffi, l’histoire le prouve, mais seulement le vaste écho médiatique donné au silence une fois celui-ci rompu." On a pu le remarquer en effet au moment de la remise du rapport Sauvé, c'est souvent lorsque la presse relaie l'information que les victimes se sentent encouragées à faire un signalement.
Mgr de Moulins-Beaufort a ensuite lu le communiqué du cardinal Jean-Pierre Ricard, à la demande de celui-ci. "Il y a 35 ans, alors que j’étais, curé, je me suis conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans", a révélé l’archevêque émérite de Bordeaux par l’entremise du président de la CEF. "J’ai décidé de ne plus taire ma situation et de me mettre à la disposition de la justice, tant sur le plan de la société que sur celui de l’Église."
Archevêque émérite de Bordeaux depuis 2019, Jean-Pierre Ricard a présidé la Conférence des évêques de France de 2001 à 2007. Il a été créé cardinal en 2006 par Benoît XVI. À ce titre, il a participé au conclave qui a élu le pape François. Il a aussi été nommé par Benoît XVI membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi. En février 2022, il avait été choisi par le pape François pour diriger les Foyers de charité à la suite des révélations d'abus de son fondateur Georges Finet. Mission à laquelle il a renoncé un mois plus tard pour raison de santé.
Avec les cas de Mgr Santier et Mgr Ricard, le chiffre d’évêques mis en cause en France est porté à 11. Mgr Éric de Moulins-Beaufort a rappelé en effet que six évêques ont déjà été signalés à la justice ou au tribunal ecclésial. Il s'agit de Mgr Emmanuel Lafont, évêque émérite de Cayenne, accusé d'abus de faiblesse et de harcèlement moral ; Mgr Jean-Michel Di Falco, évêque émérite de Gap et d’Embrun, soupçonné d'agressions sexuelles ; Mgr Hervé Gaschignard, anciennement évêque d'Aire et Dax, qui a démissionné pour des comportements inappropriés - l'affaire a été classée sans suite. Dans sa liste, Mgr de Moulins-Beaufort inclut des évêques émérites mis en cause pour non-dénonciation d'agressions sexuelles : Mgr Pierre Pican (1935-2018), condamné en 2001 ; Mgr André Fort, évêque émérite d'Orléans, condamné en 2018 ; le cardinal Philippe Barbarin, relaxé en 2020.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort a ajouté à cette liste deux autres évêques "qui ne sont plus en fonction" et qui "font aujourd’hui l’objet d’enquête de la part de la justice de notre pays et d’une procédure canonique". Enfin, un signalement a été fait au procureur pour un autre évêque qui "a reçu du Saint-Siège des mesures de restriction de son ministère".
Une autre conférence de presse doit être donnée ce mardi 8 novembre, à l'issue de l'assemblée plénière d'automne.
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