"Que dire, sinon avant tout éprouver un infini chagrin, une honte charnelle, une indignation absolue ?" C’est ainsi que Sœur Véronique Margron, la présidente de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France) a réagi après la remise du rapport de la Ciase par Jean-Marc sauvé. Elle encourage chacun à partager le chagrin des victimes avant de se tourner vers l’espérance.
C’est la voix tremblante que la relieuse dominicaine a évoqué ce "chagrin qui est avant tout celui des victimes". L’heure est venue de "se taire" et de "se recueillir devant chaque vie plongée dans les abimes…" Religieuse depuis 1989, Sœur Véronique Margron est la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). Dans son intervention au moment de la remise du rapport Sauvé, à plusieurs reprises elle a parlé son Église, de sa foi ou de crimes commis "dans des communautés religieuses comme celle à laquelle [elle appartient]". Une façon de signifier combien ces révélations la heurtent de près, mais certainement aussi tous les catholiques pour qui la foi est une ressource vitale.
Pour Véronique Margron, en écoutant les témoignage des victimes, les experts de la Commission Sauvé ont vécu une "traversée de l’en-bas", selon l’expression du théologien Maurice Bellet. Elle le cite : "Le seul remède spécifique à la tristesse de l’en-bas : qu’il y ait de l’humain dans cette région-là, suffisamment proche et suffisamment libre de l’horreur, pour que ce soit présence et paroles auxquelles on puisse enfin se fier." La présidente de la Corref enjoint désormais "évêques, responsables religieux" mais aussi "chrétiens, catholiques, humains" à faire eux-mêmes cette traversée et à se tenir au plus près de la souffrance des victimes. À être "les témoins des témoins" - passage nécessaire "si nous voulons vraiment entendre et apprendre".
Rejoignant les victimes également dans leur colère, Véronique Margron n’a pas hésité à dénoncer "la banalité du mal" entretenue au sein de l’Église, reprenant le concept d’Hannah Arendt développé dans son livre "Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal" (1963). (Où comment un homme médiocre, qui n’avait rien d’un monstre sanguinaire, a pu se rendre complice de la Shoah dans l’ordinaire de son quotidien.)
Pointant du doigt la logique systémique de l'Église et la couverture institutionnelle dénoncée par le rapport Sauvé, comme par les victimes, notamment François Devaux, la présidente de la Corref a dénoncé tout "ce qui minimise [le mal], le dénie, le dissimule, usant d’euphémismes et de stratagèmes conscients ou non, d’évitement ou pire de complicités et de lâchetés". Or, cette façon de banaliser le mal, c’est ce qui "le rend plus insupportable, plus infernal encore". Les 45 préconisations de la Ciase encouragent, selon Véronique Margron, à "faire justice et réformer tout ce qui doit l’être"...
Difficile dans un tel contexte de parler d'espérance. C'est pourtant ce qu'ont fait pour conclure leurs interventions, Jean-Marc Sauvé et Sœur Véronique Margron. Mais en citant Bernanos, cette dernière a redit que l’espérance "est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté... L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme… On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts." (Georges Bernanos, conférence 1945.)
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