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Abus sexuels dans l'Eglise : fixer le prix de la souffrance

Abus sexuels dans l'Eglise : fixer le prix de la souffrance

Un article rédigé par Nathalie Leenhardt - RCF, le 10 novembre 2021  -  Modifié le 9 février 2024

Dans son édito, Nathalie Leenhardt revient sur les annonces des évêques, à l'issue de leur assemblée plénière d'automne, destinées à mieux lutter contre les abus sexuels dans l'Eglise.

Nathalie Leenhardt - DR Nathalie Leenhardt - DR

Le temps de la réparation est venu

J’aimerais souligner quelques points qui m’ont semblé essentiels. D’abord je souhaitais saluer le choix de Marie Derain pour prendre la tête de la commission qui va se pencher sur les mécanismes d’indemnisations accordées aux victimes. C’est une grande figure de la défense des droits des enfants. Avec elle, grâce à elle, ce sujet a peu à peu acquis une légitimité et une place, qui, si elle n’est pas encore centrale, s’affirme. Ce choix rassure car la question que va devoir affronter Marie Derain avec son équipe est terriblement complexe: c’est quoi le prix de la souffrance?

L’instance qu’elle va diriger évoque les réparations. Pour son livre “Et si on se parlait ?”, notre consœur de La Vie, Sophie Lebrun, a réuni des victimes, un évêque, un psychiatre, une sociologue pour échanger sur les abus sexuels, antérieurement aux dernières déclarations de la CEF. Le terme de “réparations” ne recueille pas tous les suffrages et je ne crois pas qu’une vie se “répare”, à coups de rustines ou de pièces détachées comme le dit une victime. Mais le terme “indemnisation” employé dans le monde des assurances n’est pas plus heureux. Difficile donc de trouver un mot pour dire l’aide à la reconstruction, la main tendue pour se relever, l’oreille attentive et l’argent...

Car si l’argent ne peut pas tout, il s’avère indispensable. Entreprendre une thérapie pour déposer le fardeau et les souffrances de ce que l’on a vécu demande du courage, du temps et des euros. De même, un corps abîmé peut somatiser et développer des pathologies qui exigent des soins, là aussi coûteux. Il faudra donc bien que l’Eglise qui parle enfin de responsabilité collective et institutionnelle paie à tous les sens du terme.

Ne pas prendre en compte uniquement l'aspect pécuniaire

C’est pourtant ce que les médias ont généralement retenu des annonces de lundi : où les responsables catholiques vont-ils trouver l’argent des futures indemnisations? Au-delà de cette question qui me semble seconde, et non pas secondaire, j’ai été touchée par les gestes symboliques posés par les évêques. Le genou à terre. Le choix d’un dimanche de carême consacré à la prière pour les victimes. Puisse ce jour prévu pour 2022 devenir pérenne. Les autres mesures ont aussi leur intérêt car elles disent la sortie de l’entre soi, la prise en compte de savoir-faire autres que ceux des clercs : l’ouverture des différentes commissions à des laïcs; l’appel à un audit externe pour évaluer le travail des cellules d’écoute des victimes et la mise en place d’un schéma général de bonnes pratiques; l’accueil d’une femme au moins dans les conseils des séminaires.

Si tout ceci et les autres sont réellement mises en place, le système pourra enfin amorcer sa mue. L’église de France pourrait-elle alors devenir alors un laboratoire pour l’ensemble des églises sœurs? Il serait temps que le caractère universel de l'Église catholique s’applique aussi quand tout va mal et que les prises de conscience deviennent enfin universelles.

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'édito de Nathalie Leenhardt

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