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Abus sexuels dans l'Église : les 45 préconisations de la Ciase

RCF,  - Modifié le 6 octobre 2021

Indemnisation des victimes, secret de confession, morale sexuelle, rôle et place du prêtre, célibat consacré... La Ciase (Commission indépendante des abus sexuels dans l'Église) énonce dans son rapport rendu public le 5 octobre, une série de 45 préconisations. Adressées à l'Église, elles portent aussi bien sur des questions de droit canon, de théologie ou de gouvernance de l'Église.

Les 22 membres de la Ciase (Commission indépendante des abus sexuels dans l'Église), réunis pour la première fois le 08/02/2019, Paris ©Olivier DONNARS/CIRICLes 22 membres de la Ciase (Commission indépendante des abus sexuels dans l'Église), réunis pour la première fois le 08/02/2019, Paris ©Olivier DONNARS/CIRIC

Recommandation n°1

- vérifier systématiquement les antécédents judiciaires de toute personne (clerc, religieux, religieuse ou laïc) que l’Église mandate ou affecte de manière
habituelle auprès de mineurs ou de personnes vulnérables ;

- veiller à ce que les personnes convaincues d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle sur mineur ou personne vulnérable fassent dans la durée l’objet d’une prise en charge par des professionnels de santé ;

- assurer que toute personne ayant été mise en cause dans une affaire d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle sur mineur ou personne vulnérable ne
puisse pas accéder à des enfants, des adolescents ou des personnes vulnérables dans le cadre d’une mission d’Église ces deux derniers points doivent s’appliquer sans préjudice des mesures éventuellement prescrites par l’autorité judicaire. 

 

Recommandation n°2

- afin de mieux mesurer la prévalence des violences sexuelles au sein de l’Église catholique en France, créer un service commun à la CEF et la CORREF chargé du recueil, du traitement et de l’analyse de ce phénomène et doter ce service d’un appareil statistique robuste et pérenne, commun aux diocèses et
aux congrégations ;

- mettre en relation ce service avec les autres instances chargées de suivre les violences sexuelles dans les institutions publiques et privées ;

- suivre et évaluer les situations de violence au sein de l’Église ; produire un rapport annuel ; assurer le lien entre les victimes, leurs associations et les autorités religieuses ;

- faire bénéficier ce service du concours d’un comité d’experts indépendants ;

- étudier la mise en place d’un numéro vert au sein de l’Église (ou avec d’autres institutions) à destination des victimes de violences sexuelles (cf. Recommandation n°15).

 

Recommandation n°3

- identifier toutes les formes d’abus de pouvoir – au travers d’un travail s’apparentant à une cartographie des risques – ou de survalorisation et de mise en surplomb du prêtre par rapport à l’ensemble des baptisés. Dans ce cadre, distinguer les pratiques que l’Église estime légitimes des autres ; 

- passer au crible les modes d’exercice du ministère sacerdotal et épiscopal, et le discours qui les soutient, pouvant prêter à dévoiement ; 

- éditer un guide d’éthique et de bonnes pratiques de l’accompagnement spirituel en soulignant la distinction entre la responsabilité de gouvernement et l’accompagnement spirituel pour éviter les dérives ;

- dans tout type de formation et de catéchèse, souligner que les Évangiles doivent être source d’inspiration pour un accompagnement où l’enjeu est de faire advenir le sujet dans un visàvis et non pas de le dominer dans une manipulation.

 

Recommandation n°4

- identifier les exigences éthiques du célibat consacré au regard, notamment, de la représentation du prêtre et du risque qui consisterait à lui conférer une
position héroïque ou de domination.

- évaluer, pour l’Église en France, les perspectives ouvertes par l’ensemble des réflexions du Synode d’Amazonie, en particulier la demande que « ad experimentum, […] soient ordonnés prêtres des hommes mariés qui remplissent les conditions que Saint Paul demande aux pasteurs dans la Première Lettre
à Timothée ». (Cité in « Synode sur l’Amazonie, l’ordination d’hommes mariés s’impose dans les débats », La Croix, 10 septembre 2019

 

Recommandation n°5

- approfondir le travail doctrinal que l’Église a d’ores et déjà engagé pour mieux « comprendre comment de mauvais arbres ont pu porter de bons fruits » et
vérifier que tout charisme fondateur est subordonné à la charité ; 

- identifier toutes les formes dévoyées de charisme et tous les positionnements en surplomb dans les pratiques pastorales (avec un exercice de cartographie des risques) et toutes les confusions possibles entre séduction et charisme ;

- rechercher les voies pour y porter remède ;

- assurer un contrôle effectif de la hiérarchie catholique sur l’ensemble des communautés religieuses, y compris les plus récentes qui ne rentrent pas dans les cadres classiques des instituts de vie consacrée ou des sociétés de vie apostolique ;

- s’assurer que la distinction entre for interne et for externe soit partout effective, en particulier dans les communautés dites nouvelles.

 

Recommandation n°6

- veiller à toujours faire droit à la conscience dans le discernement et dans la vie religieuse, au sein des enseignements dispensés dans les facultés de théologie, les séminaires ou les formations diocésaines. Chercher dans ces enseignements à mettre au jour les voies d’une conscience éclairée par une
intelligence critique ;

- passer au crible l’enseignement des règles des différents ordres religieux et les règles des communautés dites nouvelles pouvant prêter au dévoiement
des exigences d’obéissance et de silence ; 

- dans toutes les formes de catéchèse, enseigner aux fidèles et, en particulier, aux plus jeunes et aux adolescents l’exercice de la conscience critique
en toutes circonstances.

 

Recommandation n°7

- dans tout type de formation et de catéchèse, enseigner que les Évangiles donnent l’exemple d’une parole comme dynamique, non pas de pouvoir sur l’autre, mais de volonté de le faire grandir et advenir, rappelant que, comme dans un échange humain reposant sur des bases saines, la parole ne doit être prise que pour être donnée ;

- mettre au jour les expressions bibliques dévoyées à des fins de manipulation et aider à une lecture à la fois critique et spirituelle de la Bible à tous les
niveaux de la formation. 

 

Recommandation n°8


Passer au crible :

- la disposition canonique dite de l’absolution du complice, radicalement inappropriée aux cas d’agression sexuelle ; 

- le langage de certains documents du Magistère parlant de péché et de pardon lorsqu’il s’agit de délits et de sanctions, pour bien distinguer le domaine de
la morale de celui du droit. Un délit implique toujours, en même temps, un péché, mais tout péché ne constitue pas un délit.

 

Dans tout type de formation et de catéchèse, comme en pastorale, enseigner :

- la nécessité préalable de la sanction ou de la rétribution des crimes et des délits commis au regard de la loi de la République et de la loi de l’Église ;

- le risque de dévoiement du pardon en facile absolution des bourreaux, pire comme une exigence incombant aux victimes de pardonner à leurs
persécuteurs ;

- ce que le rituel du sacrement de pénitence comporte comme pratiques de prévention contre l’abus. Le « Je te pardonne », ne peut pas être confondu
avec un pouvoir personnel du prêtre sur la personne du pénitent ;

- que le secret de la confession s’inscrit dans le seul temps du sacrement de pénitence ;

 

Relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable (cf. Recommandation n°43).

 

Recommandation n°9

- enseigner que la profanation d’un sacrement ne peut faire oublier la profanation première, celle des personnes ; 

- passer au crible ce qui, dans l’énoncé de la grâce sacramentelle, est douloureux et inacceptable pour les victimes gardant un lien avec l’Église quand
elles voient un prêtre abuseur continuer à officier.

 

Recommandation n°10

- enseigner dans toutes les formations et dans la catéchèse : 

• que l’attention ne doit pas être focalisée sur la « matière » de l’acte moral, de préférence à l’évaluation de la responsabilité de chacun vis-à-vis d’autrui,
• que le mal premier est l’atteinte aux personnes, incluant le respect de l’intégrité de la personne ;

- passer au crible les énoncés du Catéchisme de l’Église catholique pour donner toute sa place à la personne victime et à sa dignité inaliénable qui doit être
l’objet premier de l’attention ; 

- engager une réécriture des enseignements tirés du sixième commandement à des fins de formations et d’accompagnement pastoral dans les documents catéchétiques français destinés aux enfants, aux adolescents et aux catéchumènes.

 

Recommandation n°11

- passer au crible :
• ce que l’excès paradoxal de fixation de la morale catholique sur les questions sexuelles peut avoir de contreproductif en matière de lutte contre
les abus sexuels,
• le choix d’englober l’ensemble de la sexualité humaine dans le seul sixième commandement du Décalogue ;

- favoriser la réflexion doctrinale visant à ce que la doctrine sur la sexualité ne soit pas séparée des exigences de la doctrine sociale de l’Église et de l’égale
dignité de toute personne humaine.

 

Recommandation n°12 : consolider l’existant


1/ Maintenir les efforts de sensibilisation et d’information au sein de l’Église sans disqualification de ses membres, en privilégiant les approches de sensibilisation, même indirectes, inspirées des démarches de promotion des droits des personnes, des droits des enfants en particulier. Quand bien même il est difficile d’apprécier leur impact, ces mesures ne peuvent que favoriser le développement de l’altérité au sein de l’Église et les attitudes préventives. Elles
doivent en outre montrer que l’institution ecclésiale prend clairement position contre les abus et qu’elle s’ouvre à la parole des victimes. Il ne s’agit pas
de créer un climat de défiance généralisée, mais au contraire d’instaurer une confiance propice à la parole.


2/ Publier des rapports réguliers mieux documentés, à dimension programmatique, et envisager une publication annuelle. La publication par la CEF d’un rapport tous les deux ans est une mesure forte adoptée en 2016. Le contenu de ces rapports pourrait cependant être plus exhaustif, moins factuel et rétrospectif, et adopter une approche plus orientée vers des objectifs. La CEF et éventuellement la CORREF annonceraient leurs chantiers en cours et à lancer, ainsi que l’état d’avancement. Elles préciseraient les objectifs à atteindre, voire les engagements vis-à-vis des tiers, notamment les victimes et les associations les représentant. Elles recenseraient plus systématiquement les bonnes pratiques repérées sur le terrain grâce à une remontée d’informations encouragée par les instances nationales, le cas échéant en lien avec les associations de victimes.


3/ Engager une réflexion sur le dispositif d’accueil et d’écoute des victimes, dont le principe mérite d’être maintenu mais qui devrait être revu dans ses
modalités (cf. infra).

 

Recommandation n°13

Mettre en place, à destination des principaux responsables dans l’organisation de l’Église en France, par exemple pour chaque évêque nouvellement nommé ou chaque supérieur(e) majeur(e) nouvelle ment élu(e), des formations aux démarches de contrôle interne et externe et développer des approches de maîtrise des risques qui soient propres à l’Église et adaptées à son mode de fonctionnement. 

 

Recommandation n°14

Faire reposer l’adoption des mesures prises contre les abus sur une démarche qualitative. Les dispositifs actuels et futurs devraient davantage être fondés sur l’effet recherché et être soumis à une évaluation de leur effectivité et de leurs résultats.

Favoriser les démarches d’appropriation de références partagées au sein des diocèses avec les prêtres et laïcs dans l’Église, à rebours des injonctions qui suscitent parfois incompréhension et disqualification.


Recommandation n°15

Réformer les modalités d’accueil et d’écoute proposées par l’Église en allant vers un système mixte (interne/externe, national/local). Le dispositif comprendrait la mise en place de coordonnées uniques (téléphone, email, courrier postal) à visibilité renforcée, et serait animé par des écoutants professionnels dans le cadre d’un partenariat noué par l’Église. Les écoutants pourraient orienter les appels vers des dispositifs d’accueil et d’écoute internes à l’Église (services de la CEF, cellules des diocèses ou des instituts religieux, cellules des communautés nouvelles) ou externes (animés par des associations
d’aide aux victimes).

Le dispositif national pourrait être supervisé par une équipe mixte interdisciplinaire (représentants de l’Église, représentants des personnes victimes, professionnels de santé). Les diocèses garderaient une capacité d’écoute locale pour les personnes se tournant directement vers elles, soit par des cellules sur
le modèle existant, soit auprès des évêques directement.

 

Recommandation n°16

Privilégier, partout où cela est pertinent, les cellules fusionnées à l’échelle interdiocésaine ou les partenariats entre cellules diocésaines, afin de mettre en commun les ressources, de créer des zones pertinentes d’intervention pour les cellules et de mettre en réseau les membres des cellules. Veiller à conserver un maillage territorial dense pour offrir des solutions locales ou proches d’accueil et d’écoute.

 

Recommandation n°17

Réaffirmer que les cellules sont des structures d’accueil et d’écoute et que leur mission s’arrête là où commence le soin ou le conseil juridique. Ce faisant,
encourager les cellules à formaliser des répertoires de compétences locales pour orienter les victimes vers les solutions adéquates (acteurs sociaux, professionnels du monde médical, praticiens du droit). Conforter l’orientation des cellules en priorité vers les personnes victimes. La prise en charge des auteurs d’abus ne devrait pas incomber aux cellules et devrait faire l’objet de protocoles distincts au niveau des diocèses, pour une prise en charge adéquate, notamment avec des partenaires extérieurs (par exemple les CRIAVS).

Formaliser la mission des cellules en matière de prévention, en lien avec les référents diocésains chargés de la lutte contre la pédocriminalité. Les cellules sont
de facto investies dans cette dimension et l’exercent de différentes manières (interventions devant des séminaristes et des prêtres, conception de protocoles, organisation de séminaires/conférences).

Clarifier la mission de conseil aux évêques : les cellules n’ont pas toujours les moyens de conseiller les responsables épiscopaux (notamment lorsqu’il s’agit
de questions juridiques) ; par ailleurs, la fonction de conseil semble elle-même mal définie et source d’ambiguïtés.

 

Recommandation n°18

Privilégier des cellules intégralement composées de laïcs afin de limiter les risques de confusion pour les victimes et le risque que des tensions éthiques
ne se fassent jour pour les volontaires impliqués dans les cellules.

En revanche, s’assurer que les cellules ont des relais auprès de l’évêque du diocèse, du vicaire général ou de prêtres, religieux ou religieuses identifiés dans l’évêché pour leur soumettre des questions, pour orienter les victimes qui le souhaitent vers des clercs, pour demander conseil, voire pour demander la participation d’un clerc aux auditions quand cela est demandé par la personne entendue.

Cartographier les ressources externes utiles au bon fonctionnement des cellules (conseil en organisation, exercice de leurs missions).

 

Recommandation n°19

Assurer une meilleure visibilité des cellules d’écoute par une communication plus régulière dans la presse locale et par les canaux de l’Église (voies d’affichage et de diffusion, sites Internet). 

Mieux faire connaître les moyens de contacter les cellules et donner aux membres de celles-ci la pleine maîtrise des outils mis en place pour entrer en relation avec les victimes (par exemple, boîte aux lettres électronique relevée par les seuls membres de la cellule).

 

Recommandation n°20

Renforcer l’accompagnement des cellules d’écoute par la CPPLP, ou le service appelé à lui succéder : il semble à la commission que des actions plus fortes
qu’actuellement, de pilotage (partage d’orientations), d’animation (partage d’informations, mise en réseau) et de soutien (constitution d’un kit de fonctionnement, formations, supports de communication…) seraient mutuelle ment bénéfiques.

Faire des cellules d’écoute une ressource experte pour la CPPLP ou le service à venir : les cellules et leurs membres disposent de compétences et d’une expertise extrêmement riches, qui pourraient être utiles à la CPPLP de manière ponctuelle (par exemple pour réaliser un audit approfondi du fonctionnement des cellules et de leur évolution possible) ou pérenne (par des groupes de travail thématiques restituant périodiquement leurs conclusions).

 

Recommandation n°21

Prévoir des textes d’organisation pour les cellules d’écoute, afin de clarifier leurs missions, leur positionnement dans le diocèse, leurs moyens matériels (budget
éventuel, locaux, outils de communication). Proposer à cette fin, à l’échelon de la CEF, un texte modèle réunissant les éléments indispensables, tout en laissant
une marge d’appréciation aux diocèses pour adapter les choses localement.

Les compléter par des protocoles de fonctionnement et des règlements intérieurs simples : modalités de réponse aux demandes (délai, format…), règles de
discrétion et de confidentialité, procédures juridiques (respect du RGPD, saisine de l’autorité judiciaire, éléments de base du droit canonique), formation,
notamment psychologique, des personnes chargées de l’écoute.

 

Recommandation n°22

Afin d’assurer une pleine cohérence avec la résolution de l’assemblée plénière des évêques du 26 mars 2021, réaliser un audit approfondi sur le fonctionnement des cellules et leurs orientations possibles.

Les travaux engagés par la CIASE ont révélé la richesse du dispositif actuel, des potentiels inexploités et des interrogations persistantes qu’il paraît important
de traiter avant une éventuelle refonte du dispositif.

 

Recommandation n°23

Reconnaître, pour l’ensemble de la période analysée par la commission, au-delà de la responsabilité pénale et civile pour faute des auteurs des agressions et, le cas échéant, des responsables de l’Église, la responsabilité civile et sociale de l’Église indépendamment de toute faute personnelle de ses responsables.


Recommandation n°24

Reconnaître la responsabilité systémique de l’Église. À ce titre, examiner les facteurs qui ont contribué à sa défaillance institutionnelle. Reconnaître que le rôle social et spirituel de l’Église fait peser sur elle une responsabilité particulière au sein de la société dont elle est partie prenante. 

 

Recommandation n°25

Reconnaître la responsabilité civique de l’Église et approfondir sur cette base un échange horizontal avec l’ensemble de la société. 

 

Recommandation n°26

Mettre en place des dispositifs concrets de reconnaissance, en concertation avec les personnes victimes et leurs associations : cérémonies publiques ; célébrations liturgiques faisant mémoire des souffrances infligées ; mémorial des victimes et de leur souffrance ; capacité d’interpellation des auteurs et d’information des victimes par l’Église.

 

Recommandation n°27

Mettre en place un dispositif de justice restaurative au cours de la procédure pénale pour les violences sexuelles perpétrées notamment au sein de l’Église, en le distinguant clairement des procédures de médiation qui doivent être écartées pour la réparation des conséquences de ces violences.

 

Recommandation n°28

Introduire un dispositif d’enquête de police systématique suivie d’un entretien des victimes de violences sexuelles avec un magistrat lorsque la prescription pénale est acquise. 

 

Recommandation n°29

Généraliser les protocoles entre parquets et diocèses, incluant un engagement des diocèses à transmettre les signalements et un engagement des parquets à diligenter les enquêtes dans des délais courts (cf. Recommandation n°42).

 

Recommandation n°30

Mettre en place, au sein de l’Église, un processus d’éclaircissement des accusations portées en matière de violences sexuelles,
lorsque l’auteur est décédé ou l’action publique éteinte.

 

Recommandation n°31

Individualiser le calcul de l’indemnisation due à chaque personne victime, sans pour autant prévoir une réparation intégrale au sens juridique du terme.
À ce titre, prévoir un mode de calcul visant la compensation du préjudice spécifique subi par chaque victime directe et, en cas de décès de celle-ci, de la victime indirecte.

Privilégier un mode de calcul consistant à prendre en compte les préjudicessubis plutôt qu’à se référer à des catégories d’infractions perpétrées.

 

Recommandation n°32

En matière de réparation financière, confier à un organe indépendant, extérieur à l’Église, la triple mission d’accueillir les personnes victimes, d’offrir une
médiation entre elles, les agresseurs (s’ils sont encore vivants et s’ils acceptent de se prêter à la démarche) et les institutions dont ils relevaient au moment de
l’agression, et d’arbitrer les différends qui ne peuvent être résolus de manière amiable.

À défaut de ce dispositif qui apparaît à la commission comme le plus simple et clair, cet organe pourrait être distinct pour les diocèses et pour les instituts
religieux, dès lors que chacun d’entre eux appliquerait bien les mêmes règles et les mêmes principes.


Recommandation n°33

Financer les indemnités versées aux victimes à partir du patrimoine des agresseurs et de l’Église de France, via le fonds de dotation dont la création a été
annoncée par la CEF, qui serait alimenté par les contributions provenant de l’UADF et de la CORREF. 

À défaut, mettre en place deux fonds appliquant, comme il a été dit ci-dessus, les mêmes règles et principes d’indemnisation.

Écarter les pistes d’un appel aux dons des fidèles et d’une socialisation du financement.

 

Recommandation n°34

La commission considère qu’il convient de passer au crible :
- la constitution hiérarchique de l’Église catholique au vu des tensions internes sur sa compréhension d’elle-même : entre communion et hiérarchie, entre
succession apostolique et synodalité et surtout entre l’affirmation de l’autorité des pasteurs et la réalité des pratiques de terrain, de plus en plus influencées par des fonctionnements démocratiques ;

- la concentration entre les mains d’une même personne des pouvoirs d’ordre et de gouvernement, ce qui conduit à insister sur l’exercice rigoureux des
pouvoirs et, notamment, sur le respect de la distinction entre for interne et for externe ;

- l’identification de la puissance sacramentelle avec le pouvoir.

 

Recommandation n°35


La commission estime utile pour l’Église :

- de mettre en œuvre et de développer la démarche d’évaluation et de contrôle interne avec des commissions ad hoc, qui peuvent être légères dans leur
fonctionnement ;

- de développer dans ce cadre une cartographie des risques ;

- de se doter de formations et d’organisations dédiées à cette fin ;

- de renforcer la dynamique de l’entretien annuel avec l’évêque, le vicaire général ou le(la) supérieur(e) majeur(e) au cœur de la démarche d’accompagne
ment de chacun des prêtres et des religieux et religieuses.

 

Recommandation n°36

La commission estime qu’il faut, au regard du principe d’égale dignité, grandement renforcer la présence des laïcs en général et des femmes en particulier dans les sphères décisionnelles de l’Église catholique.

Ce travail suppose un état des lieux préalable et la détermination d’objectifs et d’un calendrier de mise en œuvre.

 

Recommandation n°37

Pour qualifier, en droit pénal canonique, les violences sexuelles commises sur des mineurs et personnes vulnérables, substituer à la référence au sixième commandement (« Tu ne commettras pas d’adultère »), une référence au cinquième commandement (« Tu ne tueras pas »), afin d’harmoniser l’interprétation du canon 1398 § 1 du code de droit canonique et de parer à tout dévoiement de cette norme.

 

Recommandation n°38

Définir au sein du code de droit canonique l’ensemble des infractions sexuelles commises sur un mineur ou une personne vulnérable, en faisant ressortir les éléments constitutifs de chacune des infractions et les peines correspondantes, afin d’accroître la lisibilité de ce droit, de faire ressortir l’échelle de gravité des manquements et d’harmoniser l’interprétation des normes de référence.

 

Recommandation n°39

Créer et diffuser un recueil des décisions anonymisées rendues par les juridictions appliquant le droit canonique, au moins dans le champ des infractions étudiées par la commission.

 

Recommandation n°40

Mettre en place sans délai le tribunal pénal canonique interdiocésain annoncé en mars 2021, en veillant à l’effectivité et à l’apparence de sa compétence et de son impartialité, notamment par une réelle collégialité et par l’intégration en son sein, non seulement de prêtres experts, mais aussi de juges laïcs spécialement formés.

 

Recommandation n°41

Mettre la procédure pénale canonique en conformité avec les normes internationales sur le procès équitable garantissant, notamment pour les personnes lésées, le droit au recours, en particulier par l’accès effectif à un tribunal et par le libre choix de son avocat.

 

Recommandation n°42

Souligner auprès de l’ensemble des évêques l’intérêt des protocoles tels que celui conclu le 5 septembre 2019 entre l’archevêque et le procureur de la République de Paris, ou celui conclu en 2020 dans le ressort de la cour d’appel de Grenoble, sur la dénonciation des infractions sexuelles portées à la connaissance de l’archevêché et la transmission des informations relatives aux suites judiciaires de cette dénonciation (cf. Recommandation n°29).

 

Recommandation n°43

Relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de protection de la vie et de la dignité de la personne, de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable (cf. Recommandation n°8).

 

Recommandation n°44

 

Accompagnement
Dans la relation entre le candidat au sacerdoce et son directeur spirituel, clarifier les confidences couvertes par le secret. Se saisir des possibilités offertes par la RFIS et la Ratio nationalis pour renforcer la formation des formateurs en matière d’accompagnement humain (en distinguant ce qui relève de la construction vocationnelle et ce qui concerne la préparation à une fonction).

Exploiter l’incitation de la RFIS et de la Ratio nationalis à procéder à une évaluation psychologique des candidats avant l’entrée au séminaire et donner aux
candidats au sacerdoce les meilleures conditions d’obtention d’un suivi psychologique qu’ils demanderaient à l’institution ecclésiale.

 

Formation
Favoriser l’ouverture aux sciences humaines et à des experts aux profils variés, à des lieux de formation « hors les murs » pour les séminaristes. Articuler plus systématiquement et formellement la formation initiale et la formation continue des prêtres, des religieux et des laïcs engagés dans l’Église dans le cadre de formations communes (LEME). Mettre en place des mesures d’évaluation de ces nouveaux cadres de formation donnés dans chaque Ratio (fundamentalis et nationalis).

 

Renforcer la formation :

- à la compréhension des dynamiques et enjeux du développement et de l’affectivité des enfants et des jeunes ;

- aux droits, canoniques et civils (droits de l’enfant notamment) durant les années de séminaire ou de noviciat.


Développer l’esprit critique et les capacités de réflexion et d’élaboration des séminaristes et des novices, notamment sur les questions d’autorité et d’obéissance. Partager les expériences et les méthodes pédagogiques avec d’autres centres de formation. Favoriser les adossements universitaires et les temps de formation externalisés (en situation de mixité de public, dans des groupes d’étudiants). Envisager des formations à la prévention des violences sexuelles coorganisées avec les associations de victimes. Associer des professionnels de santé à ces formations.

 

Évaluation et recrutement
Formaliser les processus d’évaluation par des questionnaires précis adressés aux évaluateurs. 

Expliciter clairement et systématiquement les réponses et avis aux candidats qui se verraient refuser l’intégration dans les structures de discernement et de formation, ou le franchissement des différentes étapes vers la prêtrise.

Favoriser les bilans intermédiaires formalisés et partagés avec les séminaristes (nommer les difficultés quand elles sont constatées). 

Assurer un suivi écrit des parcours des candidats et une communication entre diocèses, séminaires et congrégations pour faire connaître les réponses négatives données aux postulants malheureux.


Formation continue
Offrir, dans le cadre de la formation continue du clergé, des modules relatifs à la lutte contre la pédocriminalité (droit, outils de réponse, plans de prévention) et relatifs à l’emprise.

Porter une attention particulière à la formation des formateurs et des superviseurs dans les séminaires afin de leur donner les outils nécessaires à un bon
accompagnement spirituel ou professionnel. 

Adapter la session d’accueil des prêtres fidei donum, en intégrant des sessions relatives à la lutte contre la pédocriminalité et des modules spécifiques sur l’exercice de l’autorité et le juste positionnement dans les relations interpersonnelles.

Encourager les groupes d’échanges entre prêtres concernant leurs pratiques avec les mineurs et les adultes vulnérables, afin que la régulation des pra
tiques et l’ajustement des postures puissent bénéficier d’une intelligence collective entre pairs.

Dans la lignée de la loi de santé de 2019 et du décret définissant le travail social de 2017, intégrer la contribution des fidèles et des victimes aux dispositifs de
formation initiale et continue.

 

Recommandation n°45

Renforcer les politiques de prévention, en les formalisant davantage et les faisant connaître au plus grand nombre. Associer, selon des formats adaptés (formation, sensibilisation, information), les différentes parties prenantes dans l’Église (clercs, laïcs engagés, paroissiens). Encourager les initiatives et activités des paroisses permettant de donner aux enfants une place de sujets détenteurs de droits et de savoirs (et non pas seulement de récepteurs de la doctrine), sur le modèle de la réflexion organisée par la Ville de Paris (avec la Charte parisienne pour les droits de l’enfant élaborée en 2020 par les enfants eux-mêmes).

Veiller à la cohérence entre l’aménagement des lieux de vie et d’activité des prêtres et religieux et l’impératif de vigilance, notamment :

- la séparation de la chambre et de l’espace de réception d’un tiers/visiteur ;

- la séparation physique entre le prêtre et le fidèle pendant la confession.

 

Instaurer un dispositif sur tout le territoire permettant à chaque prêtre ou religieux en contact régulier avec les mineurs et jeunes : 

- de connaître les obligations de signalement à la justice (et non pas seulement les obligations d’alerte interne) ;

- de disposer d’un référent pour échanger sur des situations ambiguës ou à risque ;

- de disposer d’un espace de réflexion et de prise de recul régulier sur ses pratiques permettant une vigilance en continu sur des questions sensibles
(contact physique, horaire et lieu d’un échange avec un jeune, modalités de la prise de rendez-vous…) ;

- de pouvoir prendre connaissance du rapport de la CIASE de manière approfondie et d’échanger sur les enseignements à en déduire lors de temps de
réflexion en présence de tiers extérieurs.

Instaurer une réunion annuelle obligatoire au sein de chaque diocèse ou communauté religieuse, permettant à tous les prêtres ou religieux d’avoir connaissance du rapport d’activité de la CPPLP ou du service national appelé à lui succéder, et de faire de cette réunion annuelle une occasion de construction
collective de mesures de réparation et de prévention.

 

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