Après la publication du rapport de la Ciase, l'Église doit faire face à une "effroyable réalité", selon les mots du pape François. Mais comment admettre que l'impensable s'est produit ? Si le rapport Sauvé va sans doute inciter de nouvelles victimes à s'exprimer, il faudra que tous - prêtres, religieux mais aussi fidèles - puissent recevoir leur témoignage.
En avril dernier, on annonçait 10.000 victimes. Un chiffre qui est passé à 216.000 - 330.000 si l’on ajoute les victimes de laïcs en mission d’Église. L’ampleur des chiffres "nous invite à écouter plus profondément, encore", estime Mgr Dominique Blanchet. Car il reste des victimes qui n’ont pas "pu parler" : "C’est à elles que je pense", dit-il. D’ailleurs, ils en ont été frappés : à chaque fois que les membres de la Ciase intervenaient dans les médias, la plateforme d’écoute France Victimes enregistrait des pics d’appels, raconte Alain Cordier. Nul doute que la remise du rapport Sauvé, ce mardi 5 octobre, qui a été fortement relayée dans la presse, incitera de nouvelles victimes à se faire entendre. Rien que dès le lendemain, par exemple, Olivia Mons, porte-parole de France Victimes a reçu un SMS disant : "Mon père a été abusé. Il est décédé en 2013, il a gâché sa vie."
Le pape François a parlé d'une "effroyable réalité". De fait, les témoignages des victimes ne sont faciles ni à dire, ni à entendre. C'est sans doute la raison pour laquelle l'appel à témoignage lancé par la Ciase n'a pas été relayé au sein des paroisses autant qu'on l'aurait voulu. Alain Cordier se dit en tout cas déçu de "l’absence de relais suffisants de l’appel à témoignage" qui avait été lancé par la Ciase. "Dans beaucoup d’églises nous n’avons même pas vu le flyer qui appelait au témoignage." Pour Mgr Blanchet, ce manque de relais montre "la grande difficulté à accueillir ce fait-là". Pour lui "le travail ne fait que commencer" : "Il nous faut vraiment saisir dans toutes nos communautés que ce qui paraissait impensable est possible, est pensable."
Le 5 octobre 2021 fera date, donc, dans l’Église comme dans le reste de la société. La remise publique du rapport Sauvé permet de faire entendre ces drames. "On a tous une forme de responsabilité là-dedans, c’est la communauté humaine qui est concernée, rappelle Olivia Mons, qui doit prendre conscience qu’un certain nombre de personnes ont pu avoir une expérience de vie traumatique." Elle plaide pour "une culture commune de l’aide aux victimes". Et rappelle que dans tous les milieux - Église, mais aussi famille, club de sport, etc. - "malheureusement, les victimes doivent toujours crier très fort pour être entendues".
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