Pour le président de la CEF, ça a été "un choc". 216.000 victimes d'abus sexuels commis par des prêtres et des religieux... "et autant de vies abimées". Mgr Éric de Moulins-Beaufort se dit bouleversé. Que va faire l'Église désormais ? Pourra-t-elle dédommager toutes les victimes ? Va-t-elle changer quelque chose à l'image et au rôle des prêtres ? Réponses au micro d'Étienne Pépin.
Ça a été "un choc" pour le président de la CEF. En avril dernier Jean-Marc Sauvé, le président de la Ciase, avait parlé de 10.000 victimes. Le rapport a finalement annoncé 216.000 mineurs victimes d’abus sexuels commis par des prêtres ou des religieux depuis 70 ans. "C’est sans commune mesure avec ce que l’on pouvait imaginer", confie Mgr Éric de Moulins-Beaufort, pour qui c’est "un grand bouleversement". "Parce que c’est autant de vies humaines abimées, douloureuses, autant de relations à Dieu empêchées ou compliquées autant d’âme souillées."
La "cruauté" dont a parlé Jean-Marc Sauvé lors de la conférence de presse, ce n’est pas seulement celle de certains actes en particulier - même si tous les abus sexuels sont odieux, souligne le président de la CEF. C’est aussi la "cruauté" de "certaines autorités ecclésiales qui ont imposé à des familles, à des enfants, le silence". Mgr Éric de Moulins-Beaufort admet sans hésitation cet "aspect systémique" et la façon dont la "structure" de l’Église a favorisé ces abus. Il ajoute : "Je ne suis pas coupable de ce je n’ai pas commis : je suis responsable, je ne peux pas dire que ça ne me concerne pas."
La Ciase a dénombré 216.000 victimes qui étaient mineures au moment des faits. Un chiffre qui ne concerne que des personnes encore vivantes aujourd'hui. L'Église aura-t-elle l'argent nécessaire pour les dédommager ? "Non, la réponse est non. Nous n’avons pas les moyens de dédommager… ça dépend ce que l’on appelle dédommager. Il faut que nous voyons comment réunir les sommes nécessaires", répond le président de la CEF. Reste que vis-à-vis des victimes, "nous leur devons quelque chose, estime-t-il, c’est à l’intérieur de l’Église qu’ils ont été blessés, par l’Église qu’ils ont été blessés, pas entendus pas soutenus, etc."
Si la Ciase dit nettement que ce n’est pas aux fidèles de payer, Mgr Éric de Moulins-Beaufort juge quant à lui "indispensable" de faire appel aux fidèles. "C’est la condition pour que l’on parle de ce sujet. Et que les choses ne restent pas dans un coin." Impliquer les fidèles dans cette reconnaissance, les engager dans cette réparation, c’est aussi mobiliser "le corps entier de l’Église". "Ce n’est pas que l’affaire des prêtres", rappelle le président de la CEF. "Les prêtres pédophiles ne se reproduisent pas entre eux, ils sortent des familles, ils sortent d’un milieu social, je ne veux accabler personne… J’insiste sur le fait que nous sommes devant un problème humain qui montre que toute relation d’autorité peut être dévoyée."
Le rapport Sauvé cible la sur-sacralisation du prêtre comme étant une source potentielle de ces abus. Mgr Éric de Moulins-Beaufort confie le malaise que lui-même a ressenti devant l’attitude de certains fidèles. "Quand je suis devenu curé de paroisse en 2000 à Paris, j’ai découvert un certain type de relations de certains fidèles au prêtre qui m’avaient laissé sidéré… Un besoin de s’accrocher, d’avoir un maître à penser… Je crois pouvoir dire humblement que ça m’a mis mal à l’aise."
Pour lui, cette "survalorisation du prêtre n’appartient pas à la théologie catholique". Il explique : "Un prêtre c’est quelqu’un que le Christ a mis à part, pas pourquoi qu’il soit mis sur un piédestal, mais pour qu’il vienne apporter humblement non pas ce que lui peut apporter mais ce que le Christ peut apporter." Il ajoute : "Nous n’avons pas à dépendre d’un prêtre quel qu’il soit, si rayonnant soit-il." Désormais, pour les évêques de France, il va falloir d’abord lire le rapport de la Ciase et "s’en imprégner". Lors de l’assemblée plénière des évêques à Lourdes en novembre, des laïcs et des membres de mouvements d’Église seront invités à "donner un écho de la lecture de ce rapport".
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