Coup de tonnerre au Parlement, hier, avec l'épilogue d'un mauvais feuilleton qui avait démarré lundi de la semaine dernière, quand les oppositions coalisées étaient parvenues à voter une motion de rejet contre le texte immigration à l'Assemblée nationale.
Amusons-nous Folleville, gauche, droite et Rassemblement national avaient fêté l'événement par des applaudissements debout et des cris de victoire, après avoir mêlé les voix des Insoumis et celles du RN. La Nupes était très fière de pouvoir dire qu'elle était parvenue à épargner aux Français quinze jours de débats nauséeux sur les questions d'immigrations, considérant que le sujet est tout sauf une priorités et qu'en parler aurait servi l'extrême droite, installant un bruit de fond xénophobe dans le pays en cette fin d'année. La droite, elle, était trop contente de bloquer l'examen d'un texte largement remanié lors de son examen en commission, les députés étant revenus sur une batterie de mesures votées par la droite sénatoriale, jugées bien trop dures.
En votant la motion de rejet ensemble, l'extrême gauche s'imaginait mettre fin au projet de loi ; l'extrême droite se félicitait de mettre un coup d'arrêt à un texte jugé bien trop mou ; et tout le monde s'est quitté ravi d'avoir fait la nique à la majorité présidentielle, de s'être vengé de Gérald Darmanin, d'avoir mis Elisabeth Borne dans la panade et Emmanuel Macron en rage.
C'est ce qu'on appelle un "bon coup" en politique, il a fait l'effet d'une bombinette. Et après ? A la fin de l'histoire, force est de constater que les députés qui ont refusé de débattre du projet de loi en voté pour la motion de rejet de la semaine dernière se sont finalement auto-infligés une sorte de 49.3 à eux-mêmes. Ils se sont court-circuités tout seuls en s'imaginant que le camouflet ainsi infligé au pouvoir le ferait renoncer. Soit cette gauche est formidablement naïve, et elle n'a toujours pas compris à qui elle avait affaire, soit elle avait pour objectif de fracturer la majorité, en conduisant ce qu'on appelle "l'aile gauche de la Macronie" à se rebeller.
Si tel est le cas, on peut dire qu'elle a plutôt réussi son coup. Hier, 27 députés de la majorité présidentielle ont voté contre le texte, malgré les consignes du gouvernement, et 32 se sont abstenus. On parle de six ministres qui seraient prêts à démissionner. Le pouvoir, qui n'était déjà pas bien costaud, s'en trouve fragilisé comme jamais. Très bien. Mais le prix à payer pour générer une possible crise de régime n'est-il pas exorbitant ?
Ce qui me gêne, c'est que j'ai comme l'impression que les députés qui prétendent se préoccuper du sort des migrants ont "oublié" de penser à celles et ceux qui vont faire les frais de la loi définitivement adoptée hier. Je ne suis pas certain que tout cela se fasse dans l'intérêt des travailleurs sans papiers, qu'il était question de régulariser dans les filières en tension au tout départ, je vous le rappelle. Je ne crois pas non plus que l'on progresse formidablement dans l'accueil et l'intégration des étrangers, mais plutôt dans la suspicion, l'exclusion et l'expulsion, je le crains.
Il me semble qu'il y aurait eu moyen, par le débat parlementaire, de construire autre chose. De plus juste et de plus humain. L'entêtement de l'Elysée comme de Matignon sont certes à blâmer dans cette histoire, mais ils ne sont pas les seuls fautifs. La Nupes vient, elle aussi, de rendre un formidable service à la droite la plus dure qui soit. Et tout ce petit monde risque fort de le payer très, très cher aux prochaines élections.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
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