L’Afghanistan était au cœur du G7 convoqué hier en urgence. Ses pays membres ont mis en garde les talibans sur le respect des droits humains. Mais pour l'expert en relations internationales Bertrand Badie, le communiqué du G7 est imprécis. Sur quels critères va-t-on déterminer si les droits de l'homme - et surtout de la femme - sont respectés ou non ? Quant aux sanctions, elles ont démontré leur inefficacité depuis longtemps...
Joe Biden "en position de faiblesse" face aux talibans et à la pression de la communauté internationale. Les États-Unis seront donc partis d’Afghanistan à compter du 31 août prochain. "La menace des talibans était telle que le coût d’une prolongation était supérieur à ce que l’on pouvait en escompter y compris en survie, en sauvetage des vies humaines". Pour Bertrand Badie, "c’est un cauchemar que vivent les États-Unis, c’est un nouveau signe de ce contexte international nouveau, dont ils sont d’un certain point de vue les principales victimes".
Les pays du G7 ont toutefois prévenu les talibans : la ligne rouge ce sera les droits des femmes afghanes. Les talibans affirment que leur politique sera moins brutale que lorsqu’ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001. Mais là peut-on croire à ce changement de politique ? "Ce qui me frappe dans ce communiqué du G7 c’est son imprécision, s’inquiète Bertrand Badie, quels seront les critères qui permettront de déterminer si oui ou non ce nouveau régime respecte les droits fondamentaux ou pas ?"
On peut s’attendre à une propagande de la part des talibans, pour montrer leur ouverture et afficher un respect des droits humains. "Mais il y aura certainement inévitablement aussi une continuité dans les pratiques, les talibans ne vont pas renier leur identité !" Les États occidentaux jugeront de façon arbitraire, prévient l'expert en relations internationales. Ils "décideront en fonction de leurs intérêts, davantage qu’en fonction d’une situation réelle dont l’appréciation est nécessairement ambiguë".
Verrouiller la porte de ce pays, c'est risquer de créer un enfer
Les Américains ont fixé un départ sous condition, celle de la coopération des talibans. Mais rien ne dit que ceux-ci choisiront cette option. "Le camp taliban est comme tout camp politique multiple, hétéroclite, constitué de tendances différentes. Il faut attendre l’effet de la pression internationale sur le jeu taliban." Mais "il faut faire très attention" prévient Bertrand Badie. "Une pression internationale est toujours à double tranchant : être trop radical dans l’opposition à ce nouveau régime c’est l’amener à la fermeture... Verrouiller la porte de ce pays, c'est risquer de créer un enfer."
En Afghanistan, un tiers de la population "ne mange pas à sa faim" et "la moitié du PIB dépend de l’aide extérieure". Si sanctions il y a, de la part de la communauté internationale, cela retomberait sur la population. "Sanctionner ça veut dire étouffer asphyxier, étrangler. Et qui va payer la note ? C’est le peuple afghan !" La communauté internationale est divisée sur la question, si "la Chine ne sanctionnera probablement pas", le Premier ministre canadien Justin Trudeau se dit favorable à des sanctions, là où des pays comme l’Allemagne "sont beaucoup plus nuancés sur le sujet". Par ailleurs, "on a depuis longtemps démontré que les sanctions ne servaient à rien", conclut Bertrand Badie.
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