Après l'élection présidentielle et à quelques semaines des législatives, une question se pose : quelles personnalités se dégagent pour porter et incarner l'action climatique en France ? Enseignant-chercheur en analyse de discours et en systémique des interactions, Albin Wagener évoque le climat à travers sa visibilité (ou son invisibilité) médiatique et le manque de figures diverses dans l'espace public.
L’alliance récente entre Europe Ecologie les Verts et la France Insoumise ? "C’est plutôt une bonne nouvelle", estime d’emblée Albin Wagener, chercheur associé à l'INALCO et au laboratoire PREFICS de l'Université Rennes 2, qui rappelle que ces deux programmes ont été salués par diverses associations environnementales, "car ils prennent au sérieux l’action climatique, écologique et environnementale". "On peut espérer que cette alliance permette de porter dans le débat des propositions de mesures qui seront importantes pour la suite", observe ce spécialiste en analyse du discours, plus particulièrement pour ce qui concerne leurs formes médiatiques et numériques, appliquées aux thématiques sociales et environnementales.
Alors que les rapports du GIEC et autres études soulignent la véritable urgence dans laquelle nous sommes, la prise de conscience reste très longue à arriver, même s’il existe un vivier dense de personnes très engagées. "Il y a une prise de conscience assez nette de la population sur les questions climatiques mais le fossé reste énorme entre la prise de conscience citoyenne et les débouchés politiques. Il existe aussi un problème d’invisibilisation de la question climatique dans les médias. Ce sont les activistes, les militants ou les citoyens qui vont pousser ces questions-là alors qu’on observe des tentatives d’évitement ou d’esquive des sujets environnementaux."
En France, la figure qui se détache est celle de Jean-Marc Jancovici. C’est ce qui ressort très largement de l'étude d'Impakt Faktor sur les conversations dans les réseaux sociaux. Il représente une "figure d’ingénieur à la française avec ce que cela comporte de légitimité économique, sociale, intellectuelle".
Albin Wagener observe qu’on a souvent le même type de personnes : homme, blanc, d’une certaine catégorie sociale… Ainsi sur les réseaux sociaux, les figures majeures sont Hugo Clément, Cyril Dion, Thomas Pesquet...etc.
"Alors que dans les mouvements activistes, beaucoup de personnes engagées sont des femmes, issues de la diversité, elles sont totalement invisibilisées", regrette-t-il.
Les figures inspirantes telles que Greta Thunberg aux Etats-Unis ont permis de prendre conscience beaucoup plus rapidement de certaines problématiques et de stimuler de l’engagement.
"En France, c’est mieux de parler de climat si on est un homme, si on a certains diplômes et une certaine stature professionnelle", constate Albin Wagener, qui rappelle qu’il "faut des politiques ambitieuses, nourries, larges, structurantes, planifiées".
Il existe beaucoup d'associations qui se battent sur le terrain juridique (Alternatiba ou Les Amis de la Terre France), d'influenceurs ( Bon Pote) et de personnes qui mettent en valeurs les engagements économiques mais il y a un delta important entre toutes ces initiatives, les figures impliquées et le traitement médiatique et politique.
Il demeure une tension entre le général, le national, et le local, voire l’individuel. "Bien-sûr, il faut trier ses déchets, avoir un compost, limiter ses déplacements en voiture mais à un moment, cela ne suffit pas. Il faut passer à l’étape au-dessus qui consiste à mettre en place des politiques nationales ambitieuses qui touchent l’énergie, le logement, les transports…"
Inspirer, c'est entraîner et permettre l'engagement. A tous les niveaux, dans la société, dans les communautés locales, dans vos villes, dans nos organisations, dans les entreprises, on a besoin de figures qui vont sensibiliser et permettre des actions à tous les niveaux. On a besoin de tout le monde, étant donnée l'ampleur de l'impact climatique.
"Il nous manque un narratif collectif, un récit fort qui permettrait d'entraîner tout le monde sur le chemin qu'il faut prendre pour faire face à l'urgence", analyse Albin Wagener.
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