Après l’attentat raciste ayant entraîné la mort de neuf personnes, il y a tout juste une semaine à Hanau, près de Francfort, l’Allemagne s’inquiète de la multiplication des actes terroristes liés à l’extrême droite. Parallèlement, l’AfD, le parti anti-migrant, prend de plus en plus de place au sein de la politique allemande. Tandis que la CDU, le parti dont est issu la chancelière Angela Merkel, traverse une crise d’ampleur.
On ne peut pas vraiment établir de lien direct entre les actes terroristes liés à l’extrême droite et aux néonazis, et la montée en puissance de l’Alternative für Deutschland, l’AfD, le parti anti-migrant. Néanmoins, on voit bien que le climat actuel est marqué par une certaine recrudescence des idées d’extrême droite dans une partie du pays. C’est, d’une certaine façon, ce que confirme Patrick Moreau, spécialiste des extrémismes et chercheur au CNRS.
Dimanche dernier, lors des élections régionales à Hambourg, l’AfD n’a obtenu que 5,3% des voix. Mais en octobre dernier, le parti a frappé fort dans l’Est de l’Allemagne, en arrivant deuxième des élections régionales en Thuringe, avec 23,5% des voix, derrière le parti d’extrême gauche Die Linke.
C’est justement la situation en Thuringe qui a provoqué une polémique, très récemment. Thomas Kemmerich, le candidat du parti libéral FDP, a contre toute attente été élu président de la région, le 5 février, à une courte majorité devant le candidat de la gauche radicale. Le problème, c’est qu’il a gagné grâce aux voix non seulement de la CDU, donc le parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel, mais aussi et surtout grâce aux voix de l’AfD. Ce qui a provoqué un véritable tollé en Allemagne.
C’est la première fois qu’un président de région est élu grâce aux voix de l’AfD. Cela permet au parti anti-migrant d’apparaître proche de la CDU qui a voté pour le même candidat, et donc de provoquer une crise dans le parti chrétien-démocrate, qui a toujours refusé de s’associer aux extrêmes. En fait, la stratégie pour l’AfD, comme l’explique Patrick Moreau, c’est de se nourrir de l’affaiblissement de la CDU.
Ce qui s’est passé en Thuringe a été condamné par les cadres de la CDU au niveau national, et même par la chancelière. Thomas Kemmerich, le candidat élu, a démissionné et un nouveau président de région doit être élu. Mais le mal est fait. Puisque pour couronner le tout, la dirigeante de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée AKK, a pris la décision de démissionner face aux critiques. Or, AKK est une personnalité proche d’Angela Merkel. L’explosion en vol de celle qui aurait pu lui succéder ne fait pas les affaires de la chancelière. C’est en tout cas l’analyse de Florence Autret, journaliste et auteure du livre intitulé "Angela Merkel : une Allemande (presque) comme les autres".
Fin de règne plus compliquée que prévu pour la chancelière qui est aussi souvent accusée de participer à cette montée en puissance de l’AfD. Même si, pour Florence Autret, ces attaques ne sont pas forcément fondées. La CDU doit-elle faire perdurer la ligne plutôt centriste d’Angela Merkel, ou alors opter pour un retour à des valeurs plus conservatrices ? Cette question qui agite le parti devrait être tranchée le 25 avril prochain, en désignant son nouveau dirigeant parmi les trois candidatures officialisées hier. Et même si la chancelière ne peut désormais plus compter sur AKK, et bien selon Florence Autret, il lui reste peut-être encore une chance de voir perdurer son héritage.
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