La situation en Syrie est encore très incertaine. Suite au renversement de Bachar-al-Assad, les yeux du monde entier sont rivés sur le pays en attente d'un dénouement. Pour les chrétiens syriens, la situation est plus qu’angoissante. Eux qui vivaient dans une relative tranquillité jusqu’à maintenant craignent la répression par le HTC, organisation en train de former son nouveau gouvernement. Monseigneur Assadourian, évêque de Damas, témoigne.
“On a peur. On a entendu qu’une dame qui était chercheuse en physique et en chimie a été tuée ce matin” raconte Monseigneur Georges Assadourian, évêque de Damas. Alors que le régime de Bachar-al-Assad s’est effondré au profit des islamistes du HTC, les chrétiens de Syrie s’inquiètent. Dans un pays où ils sont ultra-minoritaires, les chrétiens ont entamé les discussions avec les nouveaux dirigeants syriens venus d’Idleb, “là où il y avait l’État Islamique”.
Les rue de Damas sont désertes. Cloîtrés chez eux, les syriens attendent dans un silence de plomb l’après Bachar-al-Assad. En quelques jours, le régime en place depuis plusieurs années s’est effondré, laissant la place au HTC, le Hayat Tahrir Al-Cham, un groupe de rebelles islamistes. Ce sont les seuls à parcourir les rues de la capitale syrienne. Monseigneur Georges Assadourian les observe depuis sa fenêtre. “Le dimanche, quand tout le monde était dans sa maison, on a eu beaucoup de vols. Ils ont pris des autocars, des voitures, des marchandises dans les magasins. On voit des jeunes en pick-up qui klaxonnent”. Damas est une ville presque fantôme depuis bientôt une semaine.
Le dimanche, quand tout le monde était dans sa maison, on a eu beaucoup de vols. On voit des jeunes en pick-up qui klaxonnent.
Monseigneur Assadourian ne s’est aventuré dehors qu’une fois, pour rencontrer les rebelles. Accompagné de “quelques prêtres et de jeunes chrétiens”, l’évêque est allé représenter les intérêts des quelques 500 000 chrétiens de Syrie, soit 2% de la population du pays. “On a cherché les dirigeants. On nous à dit qu’il faut aller à l’hôtel Four Seasons, là où il y a le quartier général”. Le luxueux hôtel 5 étoiles du cœur de la capitale s’est transformé en base d’opération pour le HTC, qui l’ont préféré au luxueux palais de l’ancien dictateur Bachar-al-Assad. “On nous a assuré qu’il n’y aura aucun problème, qu’il faut seulement attendre 2-3 jours pour clarifier la situation. La réunion a été claire. On nous a dit qu'il y aura une nation pour tous les syriens.”
L’évêque de Damas l’assure, il est prêt à collaborer avec les islamistes. “Les chrétiens ne sont pas des gens d’armes. Les chrétiens sont des gens de paix et de fraternité. Nous n’aurons aucun problème à collaborer”. Un message relayé par le Pape François depuis Rome. Dans sa prière, le souverain pontife appelle à ce que “le peuple syrien puisse vivre en paix et en sécurité dans sa terre aimée et que les diverses religions puissent cheminer ensemble dans l'amitié et le respect réciproque”.
Les chrétiens ne sont pas des gens d’armes. Les chrétiens sont des gens de paix et de fraternité. Nous n’aurons aucun problème à collaborer.
Pour l’heure le nouveau premier ministre, Mohammed Al-Bachir, se montre conciliant. Une réunion entre les représentants des chrétiens en Syrie et “le responsable des relations avec les chrétiens” est prévue pour évoquer le futur des collaborations entre les chrétiens et le nouvel exécutif syrien. Un pareil entretien aura lieu dans chaque ville majeure de Syrie. “Comme ils ont fait avec les évêques d’Alep et de Lattaquié, ils vont faire une réunion avec nous les évêques de Damas, et c’est là qu’on va savoir ce qu’ils ont en tête”.
La communauté chrétienne en Syrie ne s'en cache pas, elle a peur pour son avenir. "En Irak il y a eu des actes terroristes contre le clergé. Des prêtres et des évêques ont été torturés et tués par des islamistes. On ne veut pas que cette situation se reproduise en Syrie. Alors on ne peut rien dire, mais on a peur. On vit dans l'inquiétude pour le moment." Si pour le moment le HTC se montre ouvert à la discussion avec les chrétiens, la situation pourrait évoluer pour le pire. Pour l'heure les églises de Damas ont toujours les portes fermées. Les fidèles sont contraints à rester barrés chez eux. Monseigneur Assadourian atteste, "aujourd'hui on voulait recommencer les célébrations, mais on nous a demandé de ne pas ouvrir les églises."
En Irak il y a eu des actes terroristes contre le clergé. Des prêtres et des évêques ont été torturés et tués par des islamistes. On ne veut pas que cette situation se reproduise en Syrie.
Bien qu'il n'y ait pas encore eu de violence contre les chrétiens spécifiquement, bon nombre de croyants songent à quitter le pays, là où la diaspora syrienne considère faire le chemin inverse. Inquiétude et espoir se mêlent dans les prières des syriens.
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