Arménie
C’est un conflit oublié. Celui qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan dans la région de l'Artsakh, ou Haut-Karabakh, s'est intensifié le mois dernier. Les habitants sont désormais coupés du reste du monde. Un "ethnocide", selon le géopolitologue Tigrane Yégavian, qui dénonce le silence de la communauté internationale, et du Saint-Siège.
"Depuis le 12 décembre, le Haut-Karabakh est une prison à ciel ouvert, décrit Tigrane Yégavian, géopolitologue, co-auteur du livre "Haut-Karabakh : le livre noir” (éd. Ellipses, 2022), il n’y a plus de nourriture qui rentre, il n’y a plus de médicaments qui rentrent."
Cela fait plus de deux ans que les Arméniens subissent la pression de l’Azerbaïdjan et de la Turquie, depuis leur défaite militaire en 2020. Mais en décembre, le ton est monté, en particulier dans la région de l'Artsakh ou Haut-Karabakh. Une seule route, le corridor de Latchine, la relie au reste du pays. Et les 120.000 Arméniens qui vivent dans l'Artsakh sont coupés du monde. "Impossible d’avoir une liaison aérienne avec l’Arménie, puisque l’Azerbaïdjan a décidé d’abattre chaque avion qui survolerait la région." L’objectif ? Pousser les Arméniens à quitter le Haut-Karabakh.
Il n’y a pas vraiment de réaction de la communauté internationale alors qu’on parle d’un blocus qui s’apparente à une forme de terrorisme humanitaire
C'est "un ethnocide" que dénonce le géopolitologue. "Ce qui dépasse l’entendement, c’est qu’il n’y a pas vraiment de réaction de la communauté internationale alors qu’on parle d’un blocus qui s’apparente à une forme de terrorisme humanitaire." Silence aussi du Saint-Siège, qui "n’a pas à ce jour condamné l’ethnocide qui est en cours, n’a pas encore désigné l’agresseur et l’agressé", regrette Tigrane Yégavian. "Le pape François s’est contenté de prier pour la paix, de demander la libération de prisonniers qui sont maintenus encore en Azerbaïdjan mais il ne condamne pas les actes d’ethnocide, et le nettoyage en cours qui se prépare et aussi le blocus."
Du côté du Vatican, on fait valoir la neutralité. La nécessité de ne pas mettre de l’huile sur le feu et de ne pas mettre en danger les communautés chrétiennes locales. Le géopolitologue pointe toutefois du doigt les "relations étroites entre la Curie et l’Azerbaïdjan". Le pays a su se positionner comme "un acteur qui joue un rôle important en terme de mécénat". Et qui assoit son influence en Europe. "On sent que les Azéris poursuivent une politique de diplomatie culturelle extrêmement offensive au sein du Saint-Siège, du Parlement européen."
Ils procèdent à une désarménisation de ces églises, c’est-à-dire qu’ils inventent une autre origine à ces églises
Ce silence du Vatican provoque un malaise au sein de la communauté catholique arménienne. "Ils ne comprennent pas pourquoi le Vatican ne nomme pas les choses par leur nom." Or, ce qui se joue dans la région du Haut-Karabakh est la survie de la civilisation chrétienne arménienne.
L’Arménie, que l’on dit être le premier État chrétien, possède un patrimoine inestimable de monastères et d’églises. "Ils procèdent à une désarménisation de ces églises, c’est-à-dire qu’ils inventent une autre origine à ces églises", raconte Tigrane Yégavian. Les Azerbaïdjanais "affirment que les Arméniens seraient les descendants des Albanais du Caucase… qu’ils seraient des Albanais arménisés. Et puis s’ils n’arrivent pas à prouver que c’est albanais, systématiquement, ils détruisent." Notons que l’Unesco n’a toujours pas dépêché de mission sur place pour faire un état des lieux de ce patrimoine religieux.
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