L’article 24 de la proposition de loi sur la Sécurité globale, a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale la semaine dernière. Cet article qui a tant fait débat propose de modifier la loi de 1881 sur la liberté de la presse, de façon à punir la diffusion d’images permettant d’identifier des policiers lorsqu’elles divulguées dans le but de leur nuire.
Officiellement, la mesure vise à protéger les forces de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, l’a justifié à plusieurs reprises en rappelant régulièrement l’horrible assassinat d’un couple de fonctionnaires de police, à leur domicile, survenu à Magnanville en 2016. Si on peut identifier des agents sur des images, on peut les retrouver, les harceler, les menacer, voire les agresser.
Cette explication en cache une autre, moins avouable. Les syndicats de police ont également en ligne de mire tous ceux qui font commerce d’images violentes tournées pendant les manifestations. Pour faire du clic, ils privilégient les séquences chocs, celles où l’on voit les forces de l’ordre frapper et celles où on les voit se faire malmener, ce que les syndicats de police détestent. Ils réclamaient un outil pour entraver ces pratiques, l’article 24 a été envisagé en réponse à cette demande.
Les interpellations musclées de journalistes aux abords de l’Assemblée Nationale, le 17 novembre, ont choqué la profession. Les déclarations maladroites du ministre de l’Intérieur sur des accréditations imaginaires à solliciter en préfecture pour couvrir les manifestations sont très mal passées. Les journalistes molestés le samedi suivant n’a fait qu’accroître les tensions. Les images désastreuses de l’évacuation des migrants de la place de la République le lundi 23, puis la diffusion de l’insoutenable tabassage en règle de Michel Zecler, quelques jours plus tard, ont achevé de retourner l’opinion.
Sans lien avec l’article 24, ces dernières affaires ont pourtant accrédité dans les esprits que la police ne veut pas être filmée parce qu’elle aurait des choses à se reprocher. Et le tollé parlementaire de la fin de semaine, puis les violences de fin de manifestations, samedi dernier, n’ont rien arrangé.
Ce lundi, Gérald Darmanin a dû s’expliquer au cours d’une longue audition face à la Commission des lois de l’Assemblé nationale. Il y a justement rappelé que les violences à l’égard des forces de l’ordre sont en constante augmentation depuis 15 ans. En 2019, 11 217 policiers et gendarmes ont été blessés dans l’exercice de leurs missions. Et 20 787 refus d’obtempérer ont été enregistrés.
Ils nous protègent, nous nous devons de les soutenir. Mais force est de constater que le bilan de l’opération est parfaitement contreproductif. L’image des forces de l’ordre, qu’il s’agissait de conforter aux yeux du public, est à nouveau entamé. C’est tout l’inverse de l’objectif affiché, alors que la confiance entre police et citoyens est l’un des ciments du contrat social. Il faudra malheureusement bien plus qu’une loi pour la restaurer.
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