Haute-Savoie
L’assurance-chômage va-t-elle subir une nouvelle réforme ? Après Gabriel Attal, c’est son ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui a manifesté sa volonté de toucher de nouveau au système après deux réformes en 2019 et 2023. Dans la ligne de mire de l’exécutif cette fois : une reprise en main “définitive” de l’État. Cela signifie en fait priver les partenaires sociaux de cette prérogative. Explications.
L’objectif du plein-emploi est devenu une cause nationale pour l’exécutif qui semble prêt à tout pour enfin parvenir à afficher le chiffre de 5 % de taux de chômage. Après le Premier ministre Gabriel Attal, c’est Bruno Le Maire qui en a remis une couche dans un entretien au quotidien Le Monde. “Une réforme de l'assurance-chômage est nécessaire pour atteindre le plein-emploi”, estime le ministre de l’Économie.
“Nous gardons une durée d'indemnisation la plus longue parmi les pays développés : 18 mois. La responsabilité des partenaires sociaux, ce sont les salariés. La responsabilité de l'État, ce sont tous ceux qui sont au chômage. Pour ma part, je considère que l'État devrait reprendre la main sur l'assurance-chômage de manière définitive”, justifie-t-il.
Pour comprendre, il s’agit de rappeler le fonctionnement de l'assurance-chômage aujourd’hui. Le régime est actuellement piloté par l'Unedic, un organisme paritaire. Les partenaires sociaux renégocient les règles tous les deux à trois ans pour tenir compte des évolutions du marché du travail. “Aujourd’hui, l’assurance-chômage est une caisse d’assurance sociale, l’UNEDIC, qui est gérée par les partenaires sociaux”, résume l’économiste Michael Zemmour.
Sauf que “l’État a déjà repris la main depuis 2018 en fixant des feuilles routes demandant aux partenaires sociaux des économies pratiquement impossibles à réaliser ou sur lesquelles ils ne parvenaient pas à se mettre d’accord”, précise-t-il. En gros, sans accord, l'État reprend la main avec un “décret de carence”. “Cela permet à l’État de gouverner l’assurance-chômage au coup par coup à la place des partenaires sociaux”, traduit Michaël Zemmour.
C’est une politique de mise sous pression des personnes hors de l'emploi
Bruno Le Maire veut rendre ce mode de fonctionnement définitif. Ce qui “constituerait un gros changement” selon l’économiste pour qui cette réforme “n’est pas une nécessité", mais “un choix de gouvernement”. “C’est une politique de mise sous pression des personnes hors de l'emploi avec l’idée que c’est une manière de résoudre le chômage, idée qui n’est, selon moi, pas du tout prouvée” assure-t-il.
Un tel changement modifierait la philosophie même de l’assurance-chômage. “Pour les syndicats, l'assurance-chômage est une sécurité pour les salariés et ils vont avoir tendance à surveiller les taux de remplacement, c'est-à-dire la part du salaire qu’on conserve en indemnisation lorsqu’on tombe au chômage” détaille Michaël Zemmour. “À l’inverse, pour l’État, l’assurance-chômage est plutôt un outil de réforme du marché du travail qui va servir d’incitation ou de mise sous pression des chômeurs.”
Cette transformation porte aussi en elle le germe d’un affaiblissement des partenaires sociaux, car aujourd’hui, “l’assurance-chômage contribue à donner de l’importance aux syndicats qui gèrent des sommes importantes et gagnent ainsi une surface politique” selon le chercheur. Une telle réforme contribuerait donc à “affaiblir les corps intermédiaires”, “ce qui est cohérent avec la politique d’Emmanuel Macron, mais cela remet en cause le fonctionnement de la démocratie sociale”.
Les syndicats, d’ailleurs, ne s’y laissent pas tromper. Pour le syndicaliste FO, Michel Beaugas, "il paraît de plus en plus évident que le gouvernement veut récupérer l'assurance-chômage" et que pour y arriver "il nous imposera des contraintes impossibles à tenir". "On ne peut pas avoir une gestion budgétaire de l'assurance-chômage en changeant les règles tous les 3 à 6 mois et en utilisant le régime d'assurance-chômage comme un argument électoral ou un argument de politique politicienne", s’est emporté de son côté le négociateur CFDT de l'assurance-chômage Olivier Guivarch.
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