Durant ce procès aux assises des attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’Hyper Kasher, comparaîtront quatorze prévenus, soupçonnés d’avoir aidé d’une façon ou d’une autre les frères Kouachi et Amedy Coulibaly. Les auteurs de ces attentats ont causé la mort de 17 personnes il y a cinq ans.
"Ce procès est extrêmement important car c’est un procès hors normes. Il doit se tenir. Les personnes qui vont comparaître ne sont pas des seconds couteaux. Ils ont permis, ils ont organisé la logistique, la finance, la préparation, l’achat d’armes. Ce procès va se faire en mémoire des victimes, pour la manifestation de la vérité et pour la justice" explique Samia Maktouf, avocate de victimes, conseil de Lassana Bathily, ce jeune homme employé de l’Hyper Kasher de Vincennes, auteur de "Je défendrai la vie autant que vous prêchez la mort" (éd. Michel Lafon).
Depuis le procès du frère de Mohammed Merah, la justice a progressé sur le plan de l’antiterrorisme. "On a progressé en termes d’instruction, mais en 2015. Ce procès qui s’ouvre ce jour a des liens avec l’affaire des Buttes Chaumont en 2005. Ce sont les mêmes protagonistes. La filière est la même. Elle évolue dans le temps, mais elle est la même. Aujourd’hui, on n’a pas réussi à la détruire totalement" ajoute-t-elle.
L’avocate déplore cependant que les moyens et l’action des forces antiterroristes ne permettre pas d’éviter de tels drames. "On connaît mieux la filière. Mais connaître mieux après coup, cela ne permet pas d’éviter des morts. Ce que je voudrais pointer, ce sont des dysfonctionnements qui malheureusement continuent. Nous avons toujours un train de retard par rapport aux terroristes et à leurs actions" lance l'avocate.
"Ce n’est pas seulement le procès des dysfonctionnements de l’État. Depuis Mohammed Merah, on a essayé de colmater ces dysfonctionnements mais il y en a encore. Beaucoup d’experts vont passer à la barre pour éclairer à la fois les familles des victimes et l’opinion publique. Il y a encore des zones d’ombre qui font que l’on n’arrive toujours pas à arrêter à temps les terroristes, qui ont pris leur temps" estime-t-elle.
Sur le plan du droit, Samia Maktouf déplore que certaines règles de droit commun sont appliquées à des affaires de terrorisme, une erreur selon elle. "Pour moi, les terroristes devraient être jugés au titre de crime contre l’humanité, ce ne sont pas des crimes de droit commun. Le procureur Molins l’avait dit. Ces crimes sont imprescriptibles" explique-t-elle.
En-dehors de son aspect exceptionnel par sa nature, ce procès sera filmé. La captation d’images est normalement interdite en France durant une audience. "Ce n’est pas une dérogation. C’est une possibilité ouverte grâce à l’éminent juriste Robert Badinter. On a enregistré le procès de Klaus Barbie. Ce procès sera filmé depuis un point fixe, il ne portera pas atteinte à la sérénité des débats ni à la présomption d’innocence. Il sera filmé pour la dignité des victimes, et pour la nouvelle génération afin qu’elle comprenne qu’on a tenté de mettre à genoux un État de droit, et que ces gens ont été traités conformément au droit et à la Constitution" conclut l’avocate.
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