Au Nicaragua, l'Église catholique est plus que jamais dans le viseur du gouvernement Ortega. Accusée à juste titre d'avoir soutenu la population lors des soulèvements de 2018, elle subit une répression particulièrement violente et inédite. Le 10 janvier dernier, la justice a annoncé que Mgr Rolando Alvarez, arrêté en août, serait jugé pour "conspiration contre l’intégrité nationale et diffusion de fausses nouvelles". L'évêque de Matagalpa était l'un des derniers à dénoncer publiquement le non respect des droits humains dans le pays.
C’est l’un des pays les plus pauvres d'Amérique centrale. Situé entre le Costa Rica et le Honduras, le Nicaragua est dirigé depuis 2007 par Daniel Ortega. Le président sandiniste brille par ses dérives autoritaires. Il gouverne le pays d’une main de fer. Lors du mouvement social de 2018, violemment réprimé, plus de 300 personnes auraient perdu la vie. Depuis, "la situation, s’est considérablement dégradée", témoigne Jules Girardet, chargé de mission Amérique latine au CCFD-Terre solidaire. Dans le viseur du gouvernement Ortega, il y a d’abord eu "l’opposition, puis les leaders sociaux, les universités, les journalistes… Et toute la société civile dans son ensemble".
On sent que Daniel Ortega et Rosario Murillo ont un sentiment de vengeance très fort contre l’Église catholique
Depuis l'an dernier, "une vague de répression très forte et inédite" qui s’abat sur l’Église catholique, analyse Jules Girardet. "Depuis l’année dernière, le gouvernement est complétement rentré en guerre contre l’Église catholique, accusée à juste titre d’avoir soutenu les soulèvements populaires en 2018." Ce sont quelque 3.000 organisations sociales qui ont été fermées, dont beaucoup d’organisations catholiques. Des congrégations religieuses ont été expulsées. Et en mars dernier, le nonce apostolique Mgr Waldemar Stanislaw Sommertag, a été renvoyé du pays. Selon le chargé de mission, c’est "un sentiment de vengeance très fort" contre l’Église catholique qui anime le président Ortega et son épouse Rosario Murillo.
Une personne en particulier semble cristalliser ces tensions contre l'Église. Devenu une cible pour le régime Ortega, Mgr Rolando Alvarez, évêque de Matagalpa, une importante ville importante du pays, a été arrêté le 19 août 2022 avec d’autres prêtres et séminaristes. Il est depuis en résidence surveillée. "C’est l’une des dernières figures qui se maintenait publiquement au moins dans son église à Matagalpa", décrit Jules Girardet.
Rolando Alvarez avait été dès 2018 l’un des rares à vouloir "jouer un rôle dans les pourparlers entre le gouvernement et l’opposition", raconte le chargé de mission. "Et malgré les vagues de répression de 2018, 2019, 2020… c’était l’un des derniers à maintenir dans ses prêches, ses homélies, toujours une dénonciation constante des violations des droits humains et de dénoncer le caractère autoritaire si ce n’est totalitaire du gouvernement." Dans un pays où la justice "n’est pas du tout impartiale" mais "à la solde d’un gouvernement qui se joue de ses différentes dispositions législatives pour assouvir le besoin d’enfermement", on devine ce qui attend l’évêque... "On connaît déjà la condamnation, il n’y a pas de secret, il risque d’être enfermé pour longtemps."
Mgr Alvarez sera jugé pour "conspiration contre l’intégrité nationale et diffusion de fausses nouvelles". Il va vraisemblablement "finir comme les 200 autres prisonniers politiques de la prison secrète d’El Chipote, prédit Jules Girardet, et d’être maintenu dans des conditions de détention infra humaines, dans des cellules microscopiques sans possibilité de voir le jour, d’être maintenu au silence, dans des conditions affreuses."
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