L’inquiétude grandit chez les bouchers-charcutiers. La filière est aujourd’hui confrontée à l'augmentation des prix des viandes. Un phénomène dû notamment à la sécheresse qui a frappé la France cet été, mais aussi à l’épidémie de grippe aviaire. Les professionnels doivent également faire face à l’augmentation du prix des énergies et rencontrent depuis la crise du Covid-19 des difficultés pour recruter du personnel. Christian Nosal est président de la Fédération des bouchers-charcutiers-traiteurs d'Alsace-Lorraine.
A quoi est due l'augmentation des prix des viandes ?
La sécheresse a fait que la nourriture pour les animaux ne pousse plus correctement dans les champs. Actuellement, les éleveurs sont obligés de nourrir leurs bêtes avec les stocks de l’hiver. Conséquence : le coût de production des élevages augmente, il y a donc obligatoirement une répercussion sur les coûts de vente de la viande. Nous sommes également confrontés à un autre phénomène : en France, il y a une désaffection des agriculteurs pour les élevages. Les professions se recentrent, certains éleveurs disparaissent, d’autres arrêtent l’élevage pour faire de la céréale ou changer de métier. Il y a souvent de moins en moins de bêtes dans les élevages. Moins d’animaux, donc des viandes plus chères.
A quel point le prix de la viande a-t-il augmenté ?
Pour le veau par exemple, on peut atteindre des augmentations jusqu’à 10 %. La viande hachée traditionnelle, qu’on achetait à 17 ou 18 € le kilo, est passée à 20 € / kg. Mais ce sont surtout les volailles qui ont le plus augmenté. La dinde ou le poulet ont pris largement 20 à 25 %. Et le pire, c’est le canard, à cause de la grippe aviaire. La saison dernière, seize millions de bêtes ont dû être abattues. Aujourd’hui, les élevages de canards sont vides. Pour le foie gras à Noël, on nous annonce des augmentations sur les prix de 30 à 40 %.
Comme tout le monde, vous souffrez aussi de l’augmentation du prix des énergies.
Nos factures explosent, surtout à cause de l’électricité nécessaire pour faire tourner nos chambres froides. Et comme il est interdit de mélanger les produits, les bouchers ont plusieurs chambres froides. Une PME qui avait une facture d'électricité entre 7 000 et 8 000 € à l’année se retrouve avec un montant de 40 000 €. Un professionnel qui payait entre 30 et 40 000 € par an va devoir s'acquitter d'une facture de 125 000 €.
Votre filière est-elle aussi confrontée aux problèmes de recrutement ?
Le recrutement est effectivement très compliqué. La boucherie est pourtant une fédération qui recrute beaucoup de jeunes en formation pour pouvoir ensuite les employer. Certaines entreprises sont obligées de baisser leur rythme de travail. Pour celles qui font de la réception, elles ne trouvent pas de personnel de service. Pour celles qui ont une activité de traiteur, elles ne trouvent pas de cuisiniers. Malgré tous les efforts que l’on peut faire en termes de salaire ou de conditions de travail, l’après-Covid a complètement transformé le fonctionnement du monde du travail.
Êtes-vous amenés à rogner sur vos marges pour continuer à proposer des prix attractifs à vos clients ?
Nous ne pouvons pas rogner sur nos marges. Un chef d’entreprise doit pouvoir travailler en gagnant sa vie. En parallèle, il doit payer ses charges qui augmentent. Il doit payer ses fournisseurs qui lui vendent des produits à un coût de plus en plus élevé. Il doit payer un carburant de plus en plus cher pour aller chercher ou livrer ses marchandises. En réduisant leurs marges, les entreprises risquent de ne plus pouvoir honorer leurs échéances. Les marges sont là pour assurer la pérennité de l'entreprise, le paiement des salaires, des impôts, etc.
Constatez-vous une perte d’une partie de la clientèle ?
Les clients viennent un peu moins souvent et achètent un peu moins de produits. Donc les chiffres d’affaires ont tendance à baisser en ce moment. Bien sûr, nous comprenons la situation. Nous n'augmentons pas nos prix par plaisir et nous savons très bien que la situation est tout aussi compliquée pour nos clients.
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