Cette sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne intervient au terme d’une vraie épreuve de force. Il aura fallu trois ans et demi d’âpres discussions et une profonde crise politique britannique pour formaliser ce Brexit. Au coeur des négociations acharnées et des points de discorde, la question de la frontière qui sépare l’Irlande du Nord de la République d’Irlande. Le retour potentiel d’une frontière physique de 500 km entre la province britannique et l’Etat membre de l’Union Européenne risquait de mettre en péril l'accord de paix du Vendredi saint de 1998.
D’où le recours au fameux "backstop”. Il s’agit d’un filet de sécurité, d’ une assurance permettant à l’Irlande du Nord de rester dans le marché commun, et au Royaume-Uni dans l'union douanière, jusqu'à ce qu'il trouve un accord commercial avec l'UE. Un scénario controversé et qui n’a jamais eu l’assentiment des brexiters les plus convaincus, au premier rang desquels Boris Johnson qui, une fois aux manettes, après la démission de Theresa May, a négocié un autre accord avec Bruxelles en octobre dernier. Alexandre Guigue, maître de conférences en droit public et spécialiste du Royaume-Uni, explique sur RCF ce que contient ce nouveau protocole. Car ce "backstop" a été remplacé par un double régime douanier en Irlande du Nord.
Ce soir à minuit, l’heure du Brexit peut donc sonner. Mais dans les faits, tout reste à écrire. Si le Royaume-Uni quitte officiellement l'Union européenne ce soir, une période de transition va démarrer. Alexandre Guigue, auteur du livre “Les finances publiques du Royaume-Uni" aux éditions Bruyant, revient justement sur les conséquences immédiates de ce Brexit. Car les véritables enjeux sont à venir. Les négociations qui vont permettre de régir la future relation et notamment les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l'Union européenne seront déterminantes. Avec le risque de ne pas parvenir à un accord au 1er Janvier 2021.
Dans ce contexte incertain, la prestigieuse place financière du Royaume-Uni, la City de Londres, retient son souffle. La finance est un enjeu majeur dans les négociations à venir. Il faut dire que ce secteur représente 7% du PIB britannique. Or à la fin de la période de transition, le Royaume-Uni va perdre son passeport financier. Ce passeport permet aux banques du pays de travailler dans toute l’Union européenne. Londres va donc devoir négocier avec l’Union européenne pour continuer d’avoir accès au marché européen. C'est ce qu'explique Patrick O’Sullivan, professeur à Grenoble École de Management.
Autre secteur fragilisé par le Brexit, la pêche. A l’heure où sonne le Brexit, les pêcheurs français sont inquiets. Si le Royaume-Uni reste lié à la Politique commune de la pêche (PCP) jusqu’au 31 décembre prochain, les pêcheurs britanniques envisagent de reprendre le contrôle de leurs eaux après cette date. Une perspective lourde de conséquences économiques côté français. Car 30% de la pêche en France est prise dans les eaux territoriales anglaises et ce chiffre monte à 75% pour les Hauts-de-France. Malgré cette inquiétude, Eric Gosselin directeur général de l’entreprise coopérative Maritime Etaploise veut croire à un accord négocié à l’issue de la période de transition.
Il faut enfin préciser que le Royaume-Uni peut prolonger la période de transition au-delà de fin 2020 pour un ou deux ans, mais qu'il doit informer l’Union européenne de sa demande avant le 1er juillet. Boris Johnson a fait savoir qu’il ne comptait pas demander d’extension. Mais la Commission européenne juge le délai de la période transitoire très serré. Sa présidente, Ursula von der Leyen, a averti qu’il serait impossible de s’accorder sur "tous les aspects" et qu’il faudrait choisir des "priorités". Vous l’avez compris Stéphanie le Brexit ne fait que commencer..
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