Parmi ceux qui attendent l'expérimentation, il y a Bertrand Rambaud. Cet homme de 60 ans milite avec son association l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM-I care), en faveur du cannabis thérapeutique. Il est séropositif depuis près de 40 ans et intolérant à ses traitements antirétroviraux. Alors après avoir essayé plusieurs médicaments pour soulager les effets secondaires, il est passé au cannabis. "C’était la seule solution pour que je puisse prendre mes traitements et continuer des activités normales. Le cannabis m'aide à dormir, à manger, c'est aussi bon pour mon moral. Sans le cannabis, j’aurai été submergé par mes problèmes de santé et j’aurai lâché. C’est les traitements qui me maintiennent en vie mais le cannabis me permettant de prendre ces traitements, ça a changé ma vie", témoigne-t-il.
Ça lui a aussi apporté des ennuis judiciaires. Même à visée médicale, la consommation de cannabis est interdite en France. Il doit s’en procurer aux Pays-Bas. En 2014, Bertrand Rambaud est condamné, il est alors dispensé de peine, notamment en raison de sa maladie.
Ce sont les molécules du cannabis qui peuvent être bénéfiques pour certains malades. "Le cannabis médical contient plusieurs substances, notamment le tétrahydrocannabinol, le THC et le cannabidiol, le CBD. Elles vont agir sur le cerveau mais pas uniquement. On a dans notre corps le système endocannabinoïdes qui explique pourquoi la plante cannabis a des effets sur nous. Elle a des effets sur le cœur, sur les os. C’est n’est pas uniquement psychotrope", explique le Professeur Nicolas Authier, médecin psychiatre. C’est lui qui pilote cette expérimentation à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Dans ce grand test, le cannabis médical sera administré de différentes façons. Il y aura des huiles à mettre sous la langue ou des gélules. Et il y aura la vaporisation. Le principe est le même que dans les cigarettes électroniques. Les patients mettent la fleur de cannabis à l’intérieur puis avec l’effet de la vapeur d’eau, peuvent l’inhaler. C’est totalement différent de fumer un joint. Ici il n’y a pas de tabac. Le dioxyde de carbone est éliminé. On appelle ça la décarboxylation.
Il y a quand même des effets secondaires comme des troubles digestifs ou l’augmentation du rythme cardiaque. Au niveau de l’accoutumance, les risques sont limités. C’est le THC qui donne cette dépendance mais la molécule est contrebalancée par celle du CBD qui n’est pas du tout addictive. "Il n’y a aucun risque d’addiction. Vous avez un ratio entre le THC et le CBD qui fait qu’il n’y a pas d’appétence et d’ivresse. Vous avez plus de risque en prenant de la codéine que du cannabis médical", affirme le Professeur Amine Benyamina, addictologue et président de la Fédération française d'addictologie.
Cette expérimentation pourrait potentiellement déboucher sur une légalisation du cannabis médical. L’objectif de l’expérimentation, ce n’est pas de prouver que le cannabis médical fonctionne, ce qui est déjà étudié. C’est plutôt d’évaluer l’accès au cannabis médical pour les patients qui en ont besoin. Au bout des deux années, si c’est concluant, il pourrait être pleinement autorisé en France, comme au Royaume-Uni ou en Allemagne. "L’objectif, si ça fonctionne c’est de légaliser le cannabis médical. On pourrait avoir un changement de loi qui autorise la prescription et l’usage du cannabis médical. Cela pourrait être souhaitable pour des patients", précise le Pr Nicolas Authier.
Pour l’heure, c’est illégal en France et la production aussi. Ce sont des entreprises étrangères qui ont été sélectionnées par l’ANSM pour fournir gratuitement ce cannabis. Il y a par exemple les multinationales canadiennes Tilray ou Aurora.
Cette expérimentation représente donc un espoir pour les professionnels du secteur en France. Si le cannabis médical venait à être légalisé, une filière française pourrait voir le jour. "On attend que cette filière française du cannabis médical puisse se développer donc que cette expérimentation française soit mise à profit. On a vu dans le contexte du Covid que quand la production du médicament est éloigné, ça peut provoquer des problèmes. Une filière locale de proximité serait judicieuse", assure Aurélien Delecroix, président du Syndicat du Chanvre, actif sur cette question.
L'expérimentation devrait potentiellement débuter dans 210 structures hospitalières ce vendredi 26 mars. Au plus tard, le 31 mars. Elle durera deux ans.
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