Papillotes, pralinés, truffes, bûches de Noël... le chocolat est partout sur nos tables en fin d'année. Mais en chocolaterie comme en supermarchés, les prix ont connu une hausse spectaculaire. Une inflation liée à l'explosion des cours du cacao que les chocolatiers ont nécessairement dû répercuter sur les prix de vente.
« Il y a des fluctuations oui, mais à ce niveau-là, je n'avais jamais vu ça de ma vie... » Face à l'explosion des cours du cacao, Olivier Mauchamp est désemparé. Depuis trois ans, l’artisan torréfacteur fondateur de la manufacture de chocolat Bean to Bar Diggers à Lyon fabrique cinq tonnes de chocolat par an dans son atelier de 100 m². En tablettes de dégustation, en poudre pour les chocolats chauds mais aussi en orangettes, en ourson en guimauve ou en pâte à tartiner, tous les produits sont fabriqués dans la manufacture lyonnaise, à partir de produits au maximum français : sucre de betterave français bio non raffiné ou encore noisettes du Lot et Garonne. Mais cette année, Olivier Mauchamp a été contraint d’augmenter ses tarifs.
La faute à une envolée spectaculaire des cours du cacao, qui avaient déjà augmenté au printemps 2023. La fève de cacao de spécialité qu’il payait 7 à 8 € le kilo l’an dernier est passée à 14 voire 15€ le kilo. Les deux principaux pays producteurs de cacao qui représentent 90% de la production mondiale, la Côte d'Ivoire et le Ghana, ont subi de plein fouet le phénomène météorologique El Niño, provoquant de fortes chaleurs, une sécheresse et, in fine, de mauvaises récoltes. Et même si Olivier Mauchamp se fournit en Tanzanie, en République Dominicaine, en Indonésie, à Madagascar, au Pérou et en Inde pour ses fèves, c’est l’ensemble de la filière qui a été ébranlé. « On la subit la hausse, comme tous les fabricants de chocolat, on subit la spéculation des autres même si on n’a rien à voir avec ça » déplore Olivier Mauchamp, qui a décidé de ne pas augmenter massivement les prix pour Noël, comptant bien « [s]e rattraper sur le volume ».
Arthur Sève, de la chocolaterie Sève, achète ses fèves à 90% en Amérique Centrale et Amérique Latine, notamment au Mexique et au Guatemala, mais reconnait que la hausse de la demande mondiale, avec « beaucoup de pays asiatiques [qui] commencent à s’intéresser au chocolat alors qu’avant ils n’en consommaient pas », couplée à « des effets au niveau climatique qui ont apporté beaucoup de maladies dues au réchauffement climatique » ont conduit la production mondiale à diminuer et donc à une augmentation des prix.
Mais au prix du cacao se marient d’autres hausses considérables et notamment celle du beurre de cacao qui « a pris une augmentation vraiment délirante. On passe de 7 ou 8€ le kilo à 30€ le kilo » explique Olivier Mauchamp.
À cela s’ajoutent les hausses du coût de l’énergie – alors que frigo et tempéreuses tournent en continu – du transport et des matières premières sur l’emballage comme le carton et le papier glassine… « Mis bout à bout, finalement tout a augmenté ». Avec une conséquence inexorable pour l’artisan : « moins de marge pour nous parce qu’on est obligé de s’adapter ».
On achète beaucoup plus cher mais c’est compliqué de vendre beaucoup plus cher. On essaye de limiter les hausses de prix pour pas impacter le consommateur directement mais malgré tout, on n’a pas le choix. En 2025, on n’aura pas d’autres choix que d’appliquer des hausses régulières pour arriver à des marges qui sont convenables pour nous
Autre conséquence, pour le palais cette fois : les recettes ont dû être adaptées. « Avant dans nos préparations de chocolat, on rajoutait 2 à 4% de beurre de cacao dans le chocolat, aujourd’hui on n’en met plus donc on travaille en deux ingrédients et ça nous facilite pas la tâche ». La suppression du beurre de cacao dans les recettes impacte la texture du produit et complique le moulage du chocolat en tablettes. Chez Sève, pas de changement de recettes appliqué, c’est le consommateur qui subit l’augmentation : « on a fait le choix chez Sève de répercuter le prix sur les produits, qu’il y ait une augmentation ou pas. L’objectif c’est pas de diminuer en qualité, on veut garder tout le temps la même qualité pour nos produits et on ne veut pas non plus diminuer les quantités ni changer les recettes ».
Si les stratégies divergent, la conséquence est la même pour tous les portefeuilles : les chocolats vont coûter plus cher avec le risque de devenir des produits de luxe.
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Bassin annécien
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