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Climat : faut-il réformer le régime catastrophe-naturelle en France ?

Un article rédigé par Baptiste Madinier - RCF, le 23 novembre 2023 - Modifié le 23 novembre 2023
Le dossier de la rédactionClimat : faut-il réformer le régime "catastrophe naturelle" en France ?

En France, le régime de catastrophe naturelle qui permet d’indemniser les victimes d’événements climatiques est presque unique au monde. Suite aux inondations du Pas-de-Calais, ce dispositif, mi-public, mi-privé qui repose sur la Caisse centrale de réassurance va permettre de prendre en charge 50 % des 550 millions d’euros de dégâts annoncés en remboursant une partie aux assurances. Sauf que ce régime, reposant sur la solidarité, est menacé par la multiplication des catastrophes naturelles. 

Inondations à Neuville sous Montreuil en France, le 10 novembre 2023. / Photo Stephane Dubromel by Hans LucasInondations à Neuville sous Montreuil en France, le 10 novembre 2023. / Photo Stephane Dubromel by Hans Lucas

Catastrophes naturelles et contrat social

Comment intégrer des événements climatiques qui nous dépassent à notre contrat social français ? C’est la question que pose aujourd’hui la multiplication des catastrophes naturelles qui touchent l’hexagone et les départements d’outre-mer. “Le régime actuel correspond aux principes de fond de notre contrat social : solidarité et égalité estime Lucile Schmid, vice-présidente de la Fabrique écologique.

Égalité, car la participation à ce régime dit “cat-nat” concerne tout le monde, ou presque. Si vous payez une assurance habitation ou multirisques, vous versez en plus une cotisation de 12 % pour alimenter ce dispositif mi-public, mi-privé. En moyenne, cela revient à 25 euros maximum par an. “Il repose sur l’intervention d’un réassureur publique, la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui prend en charge une partie des risques des assureurs lorsqu’ils sont liés à des catastrophes naturelles” explique Michel Josset, directrice assurance et prévention chez Forvia et administrateur et référent Climat de l'Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae). Par exemple, dans le cadre des inondations dans les Hauts-de-France à l’automne 2023, la facture de 550 millions d'euros sera assumée par les assureurs, mais au moins la moitié leur sera remboursée par le régime Cat-nat.

Il faut maintenir les principes d'égalité et de solidarité sur lesquels reposent le régime cat-nat

Solidarité, car c'est “un régime aveugle” selon les mots de Lucile Schmid. Il ne tient pas compte pour l’instant de la situation géographique des personnes quand bien même certaines zones, comme les territoires d’outre-mer ou les zones côtières ou certaines régions sensibles à la sécheresse, semblent plus exposées que d’autres. Tout le monde participe. 

Pourquoi faut-il réformer le cat-nat ?

“Il existe un régime analogue en Espagne, mais ce dispositif est une spécificité française assez originale” relève Michel Josset. “Il faut maintenir les principes sur lesquels reposent ce régime” plaide Lucile Schmid, “car il a parmi d’assurer tout le monde” développe-t-elle. Plus précisément, selon le ministère de l'Économie et des Finances, le taux d'assurance est de 96% dans l’hexagone mais seulement de l'ordre de 50 % en outre-mer [Chiffres 2019].

Dans une note publiée en novembre, Thierry Langreney, président des Ateliers du Futur, juge que ce régime est “probablement le mieux adapté à notre système économique moderne”. Cet ancien directeur général adjoint du Crédit agricole assurances fait partie de la mission interministérielle justement chargé de faire des préconisations en vue de réformer le régime cat-nat. Elle doit rendre ses conclusions en décembre 2023.

Augmentation de la surprime ?

Le mécanisme est donc unique mais également menacé. Ce régime est en danger à cause de l’accélération du changement climatique qui provoque une sinistralité trop récurrente” s’inquiète Michel Josset. “Cela crée un déséquilibre chronique de la CCR avec un déficit annuel depuis plusieurs années” indique-t-il. Réforme donc, mais comment ?

Il y a aura très certainement une augmentation des surprimes

“Il y a aura très certainement une augmentation des surprimes” payées par les entreprises et les particuliers prédit l’administrateur de l’Amrae. La surprime paraît à présent insuffisante dans le climat français actuel” confirme en effet Thierry Langreney dans son point d’étape. La surprime catastrophe naturelle "va devoir augmenter de quelques euros pour protéger ce régime", prévenait de son côté Bertrand Delignon, responsable de la branche risques, accidents, incendies de la Macif, sur FranceInfo. Les cotisations pourraient donc être amenées à augmenter et passer par exemple de 12 à 18 %, au risque que certains citoyens ne puissent plus payer, cassant donc le principe de solidarité et d’égalité.

Inondations à Neuville sous Montreuil en France, le 10 novembre 2023. / Photo Stephane Dubromel by Hans Lucas

“On ne peut pas avoir un système entier fondé sur la liberté de marché en faisant semblant de penser que tout le monde à les moyens de payer quelque soit le niveau de cotisation” alerte Lucile Schmid. Un mécanisme laissant totalement libre cours au marché menacerait la solidarité qui régit le dispositif français. Dans sa note, Thierry Langreney prend le contre-exemple des États-Unis où les lois du marché dirigent le système, sans mécanisme de solidarité.

Il y a un enjeu de responsabilité à intégrer au cœur du contrat social

Résultat : “un cadre assurantiel très fragmenté selon les Etats fédérés et l’action très limitée de l’État fédéral qui se traduit par des difficultés croissantes d’assurabilité face aux catastrophes naturelles”. De plus, certains États, jugés trop à risque climatiquement, comme la Floride, commencent à être désertés par les assurances. “Si on se projette, on peut imaginer des situations d'inassurabilité, car certains actifs seront trop exposés” met en garde Michel Josset.

Intégrer la prévention des risques

Devant l’inflation climatique, le défi pour les assureurs et pour le régime cat-nat est surtout de penser la prévention. “Il y a un enjeu de responsabilité à intégrer au cœur du contrat social” estime Lucile Schmid. Cela passe par encore plus de politique d’information, par la formation des élus pour éviter les situations de mal-adaptation pointées par le Giec ou encore par la réalisation de travaux si vous êtes dans une zone à risque. “Il y a un enjeu d'aménagement du territoire qui est relancé à travers cette question” souligne la cofondatrice de La fabrique écologique. “Il faut une approche territorialisée” , ajoute-t-elle.

Michel Josset va plus loin, imaginant, une conditionnalité du régime cat-nat à la réalisation de ces travaux de prévention. “Par le passé, les règles d’urbanismes n’ont pas toujours été appliquées avec beaucoup de discipline, car il y a eu des développements urbains dans des zones fortement exposés aux sinistres” regrette-t-il. Il parle donc d’un système incitatif dans lequel “les entreprises et les collectivités qui prendraient des précautions pour mieux protéger leurs biens seraient avantagées dans le calcul de la surprime”. À l’inverse, “le fait de ne rien anticiper pourrait justifier l’apparition d’un malus” complète-t-il. Reste qu’un tel dispositif devrait s'ajoindre d’un très fort accompagnement des collectivités locales pour mener à bien ces aménagements et leurs entretiens souvent coûteux.

Inondations dans la ville d'Isques dans le Pas-de-Calais et premiers travaux de nettoyage. /  Stephane Dubromel by Hans Lucas

La prévention nécessite également de connaître les risques à l’échelle 2030 et 2050. “Il y a une vraie problématique de temporalité” reconnaît Michel Josset. On passe d’une gestion des risques qui était gérée à l’échelle d’une année, en se basant surtout sur des statistiques, à une gestion qui demande une prévision sur 40 ans qui doit faire appel à la science. “Il y a un nouvel horizon de temps” , explique-t-il.

Modéliser le risque climatique

Cet horizon, c’est justement le cap d’Antoine Denoix, le patron d’Axa Climate, entité du groupe AXA, qui travaille sur le long terme. “La vraie priorité pour nous, c’est de révéler le climat 2030 à nos clients” éclaire le PDG. Il s'appuie au départ sur les modélisations du GIEC et emploi des scientifiques : géologues, agronomes, hydrologues, etc. “Ces scientifiques choisissent le meilleur modèle du GIEC pour le meilleur territoire afin d’avoir un maillage plus fin”.

Le GIEC prévoit notamment une accentuation des feux de forêt, l’objectif d’Axa Climate “est d’associer cette prévision à des modèles plus précis en prenant en compte la topographie et la végétation du territoire de manière à pouvoir rendre compte de ce risque de feu de façon plus utile pour les entreprises et les particuliers” explique-t-il. Cela va par exemple conduire un acteur ferroviaire à accentuer le déboisement et les coupes autour de ses rails afin de se prémunir des incendies. “Ce qui se joue entre l’assureur et l’assuré, c’est la réduction de l’asymétrie d’informations entre les deux acteurs” analyse Antoine Denoix. L’assureur doit partager au maximum ses informations en matière de risques climatiques” conclut-il.

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