Les COP passent et la question reste. Toujours la même : que doit-on attendre de ces conférences sur le climat des Nations unies ? Cette année, la COP 28 a lieu à Dubaï aux Émirats arabes unis, à partir du 30 novembre, sous la présidence controversée du sultan Al Jaber qui dirige aussi la compagnie pétrolière nationale du pays. Une configuration qui laisse planer le doute sur les ambitions à avoir concernant cette COP.
Huit ans après les accords de Paris, cette COP 28 devrait être le moment de faire le premier bilan. Son organisation, dans un pays pétrolier, pourrait paradoxalement servir d'opportunité pour en faire la COP des énergies fossiles. Entretien avec Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat France.
Gaïa Febvre : C'est vraiment la référence parce que c'est là que nous avons adopté l'accord de Paris. On s'est fixé un objectif commun : rester si possible en dessous de la barre de 1,5 degré pour espérer avoir un monde viable pour tous et toutes. Ce qui est intéressant avec cette COP 28, c'est qu'on va faire le bilan.
La COP 28 est devenue la COP des énergies fossiles
Les rapports qui sortent les uns après les autres nous disent clairement que nous ne sommes pas encore sur la bonne courbe, même si on perçoit un aplatissement de la courbe de l'augmentation des gaz à effet de serre. Les États vont devoir faire plus et faire mieux, c'est-à-dire être plus ambitieux.
Ce que nous disent les rapports, c'est que la fenêtre de tir se réduit de plus en plus, mais qu'elle n'est pas encore fermée. Je fais partie des optimistes qui choisissent d'aller encore dans les COP. Et celle-ci est particulièrement intéressante pour le bilan mondial, mais aussi parce qu'elle est devenue la COP des fossiles. Avec la nécessité de s'attaquer à cet éléphant dans la pièce, chose qu'on n'a pas réussi à faire jusqu'à présent. À la COP 26, le vocabulaire a été assez faible sur le charbon. À la COP 27, la bataille a porté davantage sur l'adoption du fond des pertes et préjudices et pour cette COP 28 l'objectif est d'avoir un langage fort sur la fin de toutes les énergies fossiles, ce qui nous permettrait d'atteindre notre trajectoire.
Il faut réexpliquer les méthodes pour choisir le lieu des COP. Il y a roulement un géographique et les candidatures ne sont pas légion. Il faut des moyens financiers, des infrastructures et un engagement diplomatique. Par exemple, là, c'était le continent asiatique et les Émirats arabes unis sont les seuls à avoir levé la main. En revanche, la véritable douche froide a été l'annonce de la présidence de cette COP 28 et le conflit d'intérêts qu'elle incarne [ndlr : le sultan Ahmed al-Jaber, président de la COP 28 est aussi le président de la compagnie nationale de pétrole des émirats arabes unis].
Il n'y a pas de politique pour lutter contre les conflits d'intérêt au niveau des COP
En soit, les problèmes liés au climat concernent tous les États, même les États pétroliers, et à un moment donné, il va falloir engager la transition. On n'a pas, on n'a plus le choix. La question est plutôt de savoir s'il est normal d'avoir un président de COP qui soit également président de la compagnie pétrolière nationale ? C'est là qu'il y a un enjeu et le paradoxe dont vous parliez. Cette situation révèle qu'il n'y a pas de politique pour lutter contre les conflits d'intérêt au niveau des COP et qu'il est nécessaire d'en développer une pour ne pas arriver à un tel paradoxe.
Le lobbying, dans les COP, des lobbies fossiles est de plus en plus important. Pour vous donner un exemple, entre la COP 26 et la COP 27, on a eu une augmentation de 25 %. Donc, il y avait 636 lobbyistes fossiles dans les négociations et 200 étaient venus avec les délégations de leur pays. À titre de comparaison, l'Erythrée a le droit à deux délégués et l'Île-Maurice vient avec sept délégués. Donc, face au poids des lobbyistes, nous avons des inquiétudes sur le fait d'éclipser la voix des plus vulnérables et sur l'amoindrissement du vocabulaire qui pourrait être mis en place lorsqu'on abordera la question de la fin des énergies fossiles.
On pense notamment aux inquiétudes technologiques. On entend beaucoup la possibilité de capturer le carbone, de faire du charbon, du pétrole et du gaz propre. Nous, sommes très critiques sur ce volet-là, car ce sont des technologies qui n'ont pas fait leur preuve et qui sont très coûteuses. Il est préférable de se tourner vers des énergies renouvelables qui, elles, ont fait leurs preuves.
Nous identifions trois éléments clé autour de cette COP. D'abord, le bilan des accords de Paris et nous serons attentifs au texte final. Le deuxième volet, c'est le package énergie et la fin des énergies fossiles. Et le dernier, c'est la question de la justice financière. Le fait de tenir les promesses du passé, mais aussi de remettre de l'argent pour atténuation, adaptation, mais également pour les pertes et préjudices. Cette COP doit aussi acter l'entrée en vigueur du fond pertes et préjudices.
On ne va pas sauver le monde en deux semaines en fin d'année
Je pense que pour faire ce travail, il faut avoir une part d'optimisme au quotidien qui nous donne de la force pour faire pression sur nos décideurs et décideuses. Il faut prendre toutes les opportunités qu'on peut avoir. Toutes les COP en font partie et celle-ci, tout particulièrement du fait que ce soit une COP de bilan et que ce soit une COP des énergies fossiles. Après, c'est un travail sur le long terme et il faut être conscient qu'on ne va pas sauver le monde en deux semaines en fin d'année. L'implémentation de l'accord de Paris, c'est toute l'année. C'est un travail de long cours.
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