De l'étymologie des mots aux nombreuses locutions, le latin est omniprésent dans nos langues et cultures occidentales. Il est enseigné dès la classe de 5ème aux collégiens. S'il rencontre un plus franc succès que le grec ancien, il s'agit aujourd'hui de mobiliser les plus jeunes pour qu'ils apprennent ces langues. Les professeurs et latinistes ne manquent pas d'imagination. Entre grammaire et histoires, déclinaisons et mythes, comment redorer le blason de ces langues dites mortes ?
En France, ce sont 35.000 élèves qui étudient le grec ancien chaque année, contre 500.000 en latin. Robert Delord est professeur de latin est président de l'association Arrête ton char qui œuvre à redynamiser les langues anciennes. Pour lui, cet écart est d'ordre politique. C'est dès le CM2 qu'il s'est pris de passion pour les civilisations anciennes, et avec elles pour le latin. À ceux qui lui disent que le latin est une langue morte, il répond que c'est "une langue qui vit à travers toutes les langues romanes de la planète ; que 60% du vocabulaire anglais vient du latin". Ainsi, le latin ouvre de nombreuses portes dans l'apprentissage des autres langues.
Daniel Blanchard est directeur du Cercle Latin de Paris, qui réunit des amateurs latinistes pour pratiquer et faire vivre cette langue. Très tôt latiniste et fils d'un professeur de grec ancien à la Sorbonne, il devient vite passionné par les textes et méthodes pédagogiques qui accompagnent l'apprentissage. Dans son métier, en tant que chanteur d’opéra, il est souvent amené à travailler son répertoire. Pour lui aussi, la définition de "langue morte" est très politique : "on peut parler de langue morte à partir du moment où son usage disparaît. Je ne crois pas que ce soit le cas avec le latin". Les plus beaux textes latins datent selon lui des XVI et XVIIe siècles, et l'on continue, aujourd'hui encore, à traduire des textes. Robert Delord ajoute que "Rimbaud ou Baudelaire nous ont laissé de magnifiques poèmes en latin".
"En province c'est alarmant, il n'y a pas de profs", s'indigne Robert Delord. Le déclin alarmant du grec ancien dans les lycées s'explique par un problème d'accessibilité. Les heures de langues anciennes données dans les établissements ne sont pas financées. Et à ce statu quo s'ajoute un problème de cohérence. Pourquoi multiplier l'apprentissage des langues vivantes et anciennes chez les jeunes quand ils ont parfois du mal à maîtriser le vocabulaire français ? "Plus tôt on s'y met, mieux c'est", rappelle Robert Delord, qui a notamment écrit Mordicus dans lequel il déconstruit les clichés sur le latin. S'il est aujourd'hui rare de voir des élèves forcés par leurs parents à étudier ces langues, il reste dur de mobiliser les jeunes pour qu'ils s'inscrivent de leur plein gré. Nota bene : depuis 15 ans, on parle "d’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité" plus que de "cours de latin ou de grec ancien. On enseigne et transmet aussi une culture".
L'enseignement du latin a su évoluer avec le temps. Robert Delord se réjouit d'une récente victoire d'Arrête ton char. Les élèves et professeurs peuvent maintenant travailler avec des "textes construits", c'est-à-dire des textes récents traduits en latin. Astérix, Harry Potter, Star Wars ou Le Petit Prince, le répertoire s'élargit de jour en jour. "Ça reste du latin compliqué", nuance-t-il quand même. Cette langue apporte une certaine rigueur, permet de comprendre les humanités, "d'apprendre la tolérance et l'acceptation de l'autre", souligne Daniel Blanchard. Et Robert Delord met en avant la vertu de ces cours "où l'on peut prendre une heure pour traduire cinq lignes. C'est le luxe d'un moment hors du temps".
La promotion des langues anciennes passe aussi par des concours plus ludiques. Arrête ton char organise pour la quatrième fois le Prix littérature jeunesse Antiquité. L'année dernière, ce sont 25.000 élèves qui ont participé dans 15 pays différents. Le concours les a menés à choisir, à la fin de l'année scolaire, leur livre préféré parmi une sélection. Une rencontre en visio était ensuite organisée avec l'auteur. Au Cercle Latin de Paris, certains font du théâtre en langue. Pendant leurs réunions, ils abordent des thèmes divers et variés, en s'adaptant au niveau de chacun : "personne ne se sent à l'écart ou stigmatisé", rapporte le président.
Cogito ergo ago : Je pense donc j'agis !
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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