Le candidat de la droite Ivan Duque est arrivé en tête avec un peu plus de 39 % des suffrages. Il affrontera le 17 juin prochain l’ex guérillero Gustavo Petro, le candidat de la gauche anti système. Moins de deux ans après la signature des accords de paix avec les FARC, ce duel est inédit dans ce pays où la droite règne depuis toujours.
Les deux finalistes ont une vision bien différente de l’application de l’accord de paix. S’il est élu, Ivan Duque a bien l’intention de le réviser car il le trouve trop laxiste à l’égard des guérilleros. Son adversaire estime au contraire qu’il faut respecter l’accord conclu avec les FARC. Dans les faits, les Colombiens ont encore du mal à percevoir les effets de cet accord car la guerre civile a laissé de nombreuses traces.
Le processus de paix est encore bien fragile, et sa mise en oeuvre restera le principal défi du successeur de Juan Manuel Santos. Car si la guerre civile de plus d'un demi-siècle entre l'Etat colombien et la guérilla des Farcs est officiellement terminée, elle a généré quelques cinq millions de déplacés dans tout le pays. Des Colombiens qui ont fui en masse les campagnes pour s'amasser dans les immenses bidonvilles des métropoles. Pour Jean Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Amérique latine, la situation de ces déplacés constitue l’inégalité la plus criante de la Colombie.
L'autre caractéristique de ce pays qui aspire à la paix, c'est la violence. Pour de nombreux Colombiens, les accords de paix n’ont rien changé à leur quotidien. Les groupes armés continuent de s'affronter pour régner sur les territoires délaissés par les anciens guerillos. Résultat : la violence s’est plutôt aggravée. C’est qu’a pu constater le réalisateur Pierre Semet, qui s’est rendu sur place pour la production d’un documentaire.
Parmi les obstacles à la paix, il y a donc la violence, le narcotrafic, les inégalités criantes mais aussi les mines. Vestiges malheureux d’un demi-siècle de guerre civile, ces engins explosifs de toutes sortes continuent de faire des victimes et entretiennent la peur dans ce pays qui figure au deuxième rang des pays les plus minés au monde, après l'Afghanistan.
L’ONG Handicap International oeuvre sur le terrain pour sensibiliser la population à ce danger. Une mission particulièrement difficile en raison de la méfiance de la population à l’égard des ONG. Caroline Girardon est journaliste à 20 minutes. Elle revient de Colombie où elle a justement pu suivre une équipe d’Handicap International. Elle explique les raisons de cette méfiance.
Il reste encore un long chemin à parcourir pour mettre en oeuvre la paix. Mais l’Eglise catholique sur place, s’y emploie de toutes ses forces. Mgr Henao, le directeur de la Caritas en Colombie est aussi à la tête du Comité technique du Conseil de la Paix et la Réconciliation, un organe consultatif du gouvernement national, pour promouvoir la mise en œuvre de la paix. Mgr Henao était la semaine dernière de passage en France. Pour lui, le principal défi à relever est aujourd’hui celui de la réconciliation.
En septembre 2017, le pape François s'était rendu en Colombie, un an à peine après la signature des accords de paix. Le pape avait exhorté le pays à "fuir toute tentation de vengeance" et à chercher la paix "sans répit". Plus difficile est le chemin qui conduit à la paix et à l'entente, plus nous devons nous engager à reconnaître l'autre, à guérir les blessures et à construire des ponts, à serrer les liens et à nous entraider”, avait il encore déclaré. Un message plus que jamais d’actualité.
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