Je constate autour de moi, chez mes amis écologistes ou non, que certains commencent à désespérer du monde à venir et sont moralement atteints par le moment que nous vivons.
Je n’en suis pas surpris car il y a de vraies différences entre le premier confinement et celui-ci. En mars dernier, nous étions portés par l’adrénaline d’un défi à accomplir en changeant du jour au lendemain notre manière de vivre, avec l’objectif de vaincre le virus, le tout durant un printemps magnifique avec la perspective de l’été. Mais durant cette nouvelle phase, nous voyons les jours raccourcir en nous dirigeant vers l’hiver et avec le triste constat que nous n’avons rien vaincu du tout et que la deuxième vague sera possiblement suivie par d’autres…
Même celui qui est confiné avec sa famille, en pleine nature, peut être pris dans une sorte d’égrégore qui atteint son moral. Et heureusement pourrais-je dire car ainsi personne ne peut vraiment s’exonérer des affaires du monde et donc de sa part de responsabilité.
Mais là où je voudrais interpeller c’est justement sur cette responsabilité. Nous ne sommes pas tous faits pour combattre des dragons ! Autrement dit, nous savons depuis longtemps que l’homme providentiel qui sauvera le monde n’existe pas.
Je dis cela car certains amis, comme moi-même d’ailleurs, avons pu penser un jour que le monde allait tellement mal qu’il méritait que nous nous engagions corps et âmes pour le sauver. Qu’il y avait finalement plus important à faire que de nous occuper du quotidien, délaissant famille, amis et travail pour la grande cause qui nous appelait ! Et aucun d’entre nous n’a sauvé le monde…
Mais l’histoire se finit bien. C’est simplement une invitation à la lucidité, peut-être à l’humilité aussi, mais surtout à l’action ! En tout cas c’est une proposition pour faire renaître l’espérance chez ceux qui l’ont un peu perdue. Car en effet nous avons bien chacun un monde dont nous pouvons prendre soin, mais c’est celui qui est à la portée de nos bras, ou à la portée de nos mots concernant un journaliste ou un écrivain.
Pour certains, le bout des bras c’est une exploitation agricole, une école, une commune, une entreprise, une association… Pour d’autres c’est un département, une région, un pays... Si chacun s’engageait vraiment à faire le meilleur dans son périmètre d’action, nous ferions alors résonner les mots de Paul Eluard : "Il existe un autre monde mais il est dans celui-ci". Car sinon, comment ne pas se sentir impuissant devant l’ampleur du défi. Comment ne pas désespérer rapidement si l’on croit que c’est à nous de résoudre le problème posé.
Pour résoudre un problème qui nous semble insoluble, ne sommes pas invités à le couper en petits morceaux accessibles. Laissons à Saint Michel le combat avec le dragon mais soyons ambitieux pour changer tout ce qui peut l’être là où nous sommes.
Chaque jeudi, à 7h20 dans la matinale, la chronique de Julien Dezécot, Directeur de publication, cofondateur du Magazine Sans transition, et de Lucile Schmid, essayiste, ancienne conseillère régionale d'Île-de-France et co-fondatrice de La fabrique écologique.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !