En 60 ans, la consommation de vin des français a chuté de 70%, passant de plus de 120 litres par an et par habitant, à moins de 40 litres en 2020. Une baisse surtout notable chez les jeunes de 18 à 35 ans. Blandine Jannin reçoit Bernard Farges, président du Comité national des interprofessions des vins et vice-président du CIVB, le Conseil Interprofessionnel du vin de Bordeaux.
Le vin français connaît une crise de déconsommation. Le vin ne plaît-il plus ? Que faire pour relancer son achat ? Une situation inquiétante pour tous les acteurs de la production, préoccupés par les répercussions sur le marché du travail, surtout en Nouvelle-Aquitaine, région majoritairement productrice de vin rouge, qui selon une étude de l'institut Kantar, connaît une perte de 32% de vente entre 2011 et 2021 en France.
Bernard Farges parle d'un "choc très brutal", que l'on "a vu venir", mais "gommé par la capacité de vendre nos produits à l'exportation" vers l'un des plus grands importateurs : La Chine. C'était sans compter sur le passage d'une certaine pandémie qui ferma les vannes, au moment où les Etats-Unis, premier client de la viticulture française, imposaient une surtaxe de 25% sur les bouteilles de vin en provenance de l'hexagone. La fermeture des restaurants en temps de confinement et la commercialisation au ralenti dans les grandes surfaces, censées représenter 50 % des lieux d'achat de vin des français selon notre invité, n'ont en rien arrangé les choses.
Et le pire ne semble pas avoir été surpassé. Bernard Farges redoute que "chaque génération consomme moins que la précédente. La transmission de la culture du vin s'est perdue". Et pour cause, les dernières générations en âge de boire consomment différemment : les alcools forts, en soirée, ou encore la bière, dans les bars. Une perte de consommateurs amèrement assumée : "Sans doute que nous avons manqué à notre devoir d’initiation".
Alors évidemment, l'emploi viticole en prend un coup. 100 000 à 150 000 postes sur 550 000 sont en danger sur les 10 années à venir. Et "dans beaucoup de régions, la viticulture est le seul levier économique [...] sur un patrimoine qui n'est pas délocalisable".
Le coup fatal pour les vignerons est de devoir se débarrasser d'une partie de leur production. "Nous avons accumulé les stocks [...] sur un marché déjà engorgé, où l'on se marche tous sur les pieds pour aller chercher de nouveaux clients". Pour rééquilibrer l'offre et la demande, "c'est un mal nécessaire que de passer par l'arrachage de vignes" dont Bernard Farges déplore la suppression des aides de compensation et de financement. Néanmoins, il garde espoir sur la base du cas de Cognac, en Charente, où les vignes avaient été arrachées dans la fin des années 90, ce qui fut "un succès", qui avait permis aux producteurs de "revivre un rebond économique formidable" dans la commune, où "aujourd'hui, on replante des vignes".
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