Après ces vacances de la Toussaint, c’est une rentrée scolaire qui se fera dans un contexte plus que particulier. En plein reconfinement annoncé mercredi soir par Emmanuel Macron, et surtout quinze jours donc après l’assassinat de Samuel Paty, ce professeur assassiné il y a quinze jours à Conflans-Saint-Honorine. Les questions se bousculent pour le corps enseignant et les parents d'élèves, alors qu'un hommage est prévu dans tous les établissements scolaires.
Pour les élèves du collège du Bois d’Aulne, où Samuel Paty était enseignant, c’est un moment qui s’annonce particulièrement fort. "Ce sera la première fois depuis l'événement qu'ils vont se retrouver tous ensemble. Ils en ont besoin", témoigne Christelle, parent d’élève et membre de la PEEP, fédération des parents d'élèves de l'enseignement public au collège du Bois d’Aulne.
Pour les professeurs, il y a cette question qui tourne en boucle : comment parler à leurs élèves de l’horreur qui s’est déroulée à la sortie du collège ? Une question que se posent aussi les parents d’élèves, comme Assma, maman musulmane de trois enfants, qui vit à Pantin en Seine Saint-Denis. Elle a tout de suite parlé de l’attentat avec ses enfants. Et très vite s'est posée la question de l'islam : "Moi j'ai expliqué à mes enfants que c'est un acte d'un dégénéré et que ce n'est pas nous, c'est pas l'islam", raconte-t-elle.
Il y a aussi cette autre question soulevée par l’assassinat de Samuel Paty : comment aborder la liberté d’expression en classe ? Rappelons que cet enseignant d’histoire-géographie a été assassiné par un terroriste pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. Il y a aura sans doute un avant et un après l’assassinat de Samuel Paty.
Ce drame a obligé les enseignants à se demander comment apprendre ou réapprendre la laïcité et la liberté d'expression à l'école. Pour Françoise Lorcerie, directrice de recherche au CNRS, l’attentat de Conflans est surtout venu mettre en lumière le manque de formation du corps professoral sur cette question. "La grande majorité d'entre eux n'a pas été formée à conduire des classes selon le régime du débat entre les élèves. Cette difficulté-là est enfin mise sur la table", déplore-t-elle.
Le président du Conseil français du culte musulman a réagi il y a quelques jours à la question des caricatures de Mahomet et il s’est dit opposé à ce qu’elles soient montrées à l’école. Mais, pour Françoise Lorcerie, il y a aujourd’hui deux questions qui doivent être posées : comment les montre-t-on ? Mais aussi que montre-t-on ? "Quand on veut initier des gamins à la libre expression, il faut peut-être montrer des supports qui soient moins agressifs", concède Françoise Lorcerie.
Bien souvent, les parents n’ont pas eu de cours sur la laïcité. Et la charte de la laïcité n’a été instaurée à l’école qu’en 2013 par Vincent Peillon. Les élèves peuvent parfois arriver à la maison avec des questions auxquelles les parents ne savent pas répondre. "On ne sait pas forcément expliquer la laïcité à nos enfants. Peut-être que nous parents on devrait avoir de la formation sur ces sujets", regrette Christelle, parent d’élève au collège du Bois d’Aulne à Conflans Sainte Honorine.
Place donc lundi à l’hommage qui se déroulera en plusieurs temps. L’occasion aussi d’un échange avec les élèves. Franck Pecot est le secrétaire général du Snep Unsa, syndicat des personnels des établissements d'enseignement privés sous contrat. Mais il est aussi professeur d’EPS à Grenoble. "Parler de ce héros modeste et humble qui a payé de sa vie son travail parce qu'il y a des personnes qui ne sont pas d'accord avec les enjeux fondamentaux de la République", c'est ce qu'il souhaite dire à ses élèves lundi. Une "séquence pédagogique" est prévue dans les classes, avec la lecture de "la lettre aux instituteurs et institutrices" de Jean Jaurès et une "minute de silence".
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