Avortement, accueil des migrants… Que ce soit du côté d'Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen, il y a des points bloquants chez les deux candidats, au regard de la doctrine sociale de l’Église. Pour autant, faut-il voter blanc ? À l'approche du second tour de l'élection présidentielle, RCF consacre une émission spéciale pour aider les catholiques à discerner.
L’Église s’immisce-t-elle trop ou pas assez dans les affaires politiques ? Jusqu’à présent la Conférence des évêques de France (CEF) n’a donné aucune consigne de vote, elle a seulement incité fortement les catholiques à aller voter. Cela n’a pas empêché plusieurs membres du clergé de prendre publiquement parti ces derniers jours. Ainsi, ce vendredi 15 avril - Vendredi saint - Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, a annoncé qu'il voterait pour Emmanuel Macron.
Dans une tribune publiée ce lundi 18 avril dans Le Monde, le Père Christian Delorme lance un appel : "Que les évêques de France disent qu’aucune voix chrétienne ne doit aller à l’extrême droite le 24 avril !". Ce même jour, l’intellectuel chrétien Pierre-Louis Choquet, invitait les évêques à "appeler à faire barrage à Marine Le Pen !", dans une tribune publiée par le journal La Croix.
Des prises de position d’autant plus fortes que "le vote des catholiques de droite se radicalise", peut-lire dans La Croix. Le quotidien qui publiait au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, les résultats d’un sondage Ifop : "40 % des catholiques pratiquants ont mis un bulletin pour les partis d’extrême droite. Contre 32 % des Français".
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Dans ce contexte, RCF consacre une émission spéciale ce mercredi 20 avril pour aider les catholiques à discerner, partant du principe que la doctrine sociale de l’Église (DES) peut nourrir la réflexion de ses auditeurs. Une doctrine, on pourrait plutôt dire "un enseignement", que Bruno-Marie Duffé connaît bien, lui qui a été secrétaire du Dicastère pour le service du développement humain intégral (2017-2021). Il explique ce qu'est la DSE : un ensemble de textes, dont la plupart ont été écrits par des papes.
L'enseignement social de l’Église vise à apporter des réponses à la question : comment l’Évangile s’incarne-t-il dans notre monde et dans notre condition humaine ? Le texte le plus ancien remonte à 1891, quand Léon XIII a pris position sur la condition des ouvriers ; le plus récent est celui sur la fraternité du pape François, "Fratelli tutti" (« Tous frères »).
Dignité de la personne, responsabilité partagée, bien commun et option préférentielle pour les pauvres : ce sont les quatre piliers de l’enseignement social de l’Église, selon Bruno-Marie Duffé. L’essayiste et éditrice Clotilde Brossollet ajoute qu’un principe "transcende" ces quatre piliers, celui de la "liberté". "Ces quatre piliers permettent à tous les hommes d’être libres." Passionnée de politique, auteure de "Catholiques de tous les partis, engagez-vous !" (éd. Mame, 2021), elle rappelle que l’enseignement social de l’Église "donne des pistes" pour "mettre en place le royaume du ciel sur terre". Pour Dominique Quinio, la DSE est une "boussole" et d’une "école de discernement dans notre vie quotidienne".
Pour autant, l’enseignement social de l’Église ne suffit pas, en un sens puisqu’il fait appel à notre discernement. Ainsi, si l’on prend le principe de la dignité de la personne depuis sa conception jusqu’à la fin de vie, les catholiques peuvent être réticents à l’idée de voter pour Emmanuel Macron. Sous son mandat en effet a été votée la loi visant à renforcer le droit à l'avortement et allonger le délai légal pour avorter de 12 à 14 semaines de grossesse. D’un autre côté, l’accueil de l’étranger, qui est premier dans l’Évangile, peut inciter les catholiques à refuser de voter pour le Rassemblement national. Ainsi, que l’on vote pour Emmanuel Macron ou Marine Le Pen, "quoi qu’il arrive nous allons franchir des lignes rouges", selon Clotilde Brossollet.
Ainsi la Conférence des évêques de France l’a rappelé, il n’y a pas de candidat idéal. "C’est très important de le dire, souligne Bruno-Marie Duffé, de même qu’il n’y a pas de politique idéale." D’ailleurs, quand l’Église a tenu au cours de l’histoire un rôle politique, "ça n’a pas toujours été très heureux". Pour le théologien, il ne s’agit donc pas de vouloir "exercer le pouvoir au nom de l’Évangile" mais de "savoir comment être témoin de l’Évangile dans la vie politique". Il met en garde contre une "instrumentalisation des références à l’Évangile pour justifier une politique" et la tentation de "tenir un discours idéaliste".
Si aucun candidat ne correspond à l’enseignement de l’Église, faut-il voter blanc ? Pour Clotilde Brossollet, le vote blanc signifie un refus de cette situation, où, "cinq ans après, on se retrouve face à la même question, avec des tensions supplémentaires". Entre l’ultra libéralisme ou le populisme : "au secours !"
"Le vote blanc est désespérant", considère de son côté Bruno-Marie Duffé. "C’est se retirer du débat, dit-il, on ne peut pas être touché par l’un ou l’autre discours et voter blanc, c’est contradictoire !" Le théologien rappelle ce qu'écrit le pape François : "La vraie réconciliation s’obtient de manière proactive", ("Tous frères", paragraphe 229).
Ne pas oublier que le vote blanc n’est pas comptabilisé. Ainsi Dominique Quinio et les Semaines sociales de France encouragent à "ne pas voter blanc". "Le vote blanc paraît trop facile, c’est un peu se laver les mains, ne pas choisir..."
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