France
En juillet, puis en septembre, l’Abbé Pierre était accusé de violences sexuelles et de viols par 24 femmes sur une période allant de 1950 à 2000. Aujourd’hui, la communauté Emmaüs de la Motte-Servolex veut prendre de la distance avec son créateur et poursuivre sa propre lutte contre la précarité.
En 2022, les sourires étaient sur tous les visages : pour le 40e anniversaire de la communauté Emmaüs, une fresque venait d’être dévoilée, face au parking qui accueille le public, sur le site de la Motte-Servolex. Une phrase, “il faut que la voix des hommes sans voix empêche les puissants de dormir” et le visage de celui qui l’a couchée sur le papier en 2006, l’Abbé Pierre.
Deux ans plus tard, la fresque n’est plus, le mur de la salle des ventes est à nouveau blanc. À l’annonce des accusations visant l’Abbé Pierre, la communauté a décidé de décrocher ses tableaux, effacer son visage. Le résultat des préconisations formulées par l’antenne nationale du mouvement. “Ça faisait du bien d’avoir des directives, parce qu’on a plein de profils de personnes et donc on a plein d’avis” explique Mathilde Caplier, co-responsable de la communauté de l’agglomération chambérienne. “Il y en a qui disent qu’il faut garder coûte que coûte la figure du fondateur (...) nous, on trouve cela indécent”.
Dehors, Jean allume une cigarette et fixe ce mur blanc, celui qui l’a "empêché de dormir pendant 3 jours”: c’est lui qui l’a repeint. À près de 70 ans, il est le plus ancien compagnon de la communauté, celui qui connaissait le mieux l’Abbé Pierre aussi. “Au début, quand on a su, je me suis dit que ce n'était pas possible... et puis si c’est possible, la preuve. Je ne voyais pas qui d’autre pouvait effacer la fresque, je voulais le faire, c’est trop grave ce qu’il a fait” souffle-t-il. “Mais ça a été dur hein, quand j’ai mis le premier coup de rouleau, je me suis dit que c’était vraiment la mort du Père”.
Faire avec et ensemble, c’est notre devise
Si les sourires sont plus timides depuis le raz-de-marée qu’ont représenté les accusations, hors de questions de baisser les bras ! “Il faut vraiment distinguer les accusations liées à l’Abbé Pierre et le mouvement Emmaüs qui a des valeurs, qui lutte contre la pauvreté, la précarité” rappelle Mathilde Caplier. “Bien sûr qu’on continue !”
Aujourd’hui, le public semble avoir fait la distinction, il s’est pressé en masse lors de la grande vente du début du mois d’octobre.
De quoi ravir Jean qui, même s'il avoue devoir faire son deuil, a une certitude : “faire avec et ensemble, c’est notre devise”. Un mantra auquel il n’a jamais dérogé. “En 2007 à la mort de l’Abbé Pierre, on se disait que tout allait s’arrêter, mais on est toujours là ! Là, c’est pareil, on est toujours là”.
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