Comprendre l'emprise de Jean Vanier sur ses victimes

Claire Vincent-Mory a fait partie de la commission d’enquête créée par l’Arche Internationale pour enquêter sur Jean Vanier. Docteure en sociologie, elle travaille sur la participation, la représentation et la reconnaissance des groupes minorisés dans les arènes politiques, associatives ou institutionnelles (en particulier issus des migrations, ethno-raciaux, religieux et porteurs de handicaps) dans l’espace public en Europe. Pour RCF, elle évoque les femmes victimes d'emprise spirituelle et d'agressions sexuelles de la part de Jean Vanier.

 

 

Dans les témoignages des victimes, des glissements entre Dieu et Jean Vanier se font

 

 

Des femmes prises dans la tourmente

 

L'enquête de L'Arche Internationale a identifié 25 femmes majeures et non porteuses de handicap victimes de Jean Vanier. Le rapport avance la probabilité qu'il y en ait beaucoup plus. Toutefois, l’objectif de ce rapport n’a pas été de faire le recensement exhaustif de toutes les victimes. Il s'agissait plutôt pour les experts de "comprendre le continuum qui marque l’ensemble des relations". 

 

 

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Parmi ces femmes qui ont témoigné, certaines ont contacté spontanément le groupe de chercheurs. Des témoignages qui ont pu être étayés par le matériau "colossal" de la correspondance de Jean Vanier. Celui-ci entretenait en effet avec ses victimes des relations épistolaires.

 

Les pratiques décrites par les femmes, les gestes intimes perpétués par Jean Vanier, ont tout des relations mystico-sexuelles telles que les concevait Thomas Philippe. Des femmes prises dans la tourmente, qui voyaient en Jean Vanier le relais de Dieu sur terre. "Dans leurs témoignages, des glissements entre Dieu et Jean Vanier se font", décrit la sociologue.

 

Se libérer de l'emprise

 

Pour certaines femmes abusées, le "chemin de déprise" est encore long. Quelques-unes se sont exprimées pour la première fois, d'autres ont voulu rester anonymes. "Ce sont des décisions courageuses que l’on doit respecter", convient Claire Vincent-Mory : les abus sont récents, tout comme la disparition de Jean Vanier. Toutes ont exprimé leur désir profond que cette histoire soit mise à la lumière, "que la vérité sorte pour que ça ne se reproduise pas", rapporte la sociologue. Aujourd’hui, les structures mettent peu à peu en place des “garde-fous” et instaurent une prévention devenue indispensable.

 

 

Jean Vanier n'était jamais remis en cause par qui que ce soit

 

 

Jean Vanier, un homme charismatique donc puissant

 

Comme beaucoup de fondateurs de communautés, Jean Vanier possédait un charisme indéniable. La sociologue Claire Vincent-Mory met en lumière sa très grande capacité d’influence. "On recherchait et écoutait son avis." À L’Arche, Jean Vanier concentrait le pouvoir. Sa parole était légitime, ses prises de position écoutées et obéies : "Il n'était jamais remis en cause par qui que ce soit."

 

 

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Dès les débuts de L’Arche, Jean Vanier avait une réputation de sainteté, aussi bien au sein de ses proches que dans certains espaces de l’Église catholique. Il s’est imposé comme un être exceptionnel que l’on doit suivre. Pour beaucoup de membres de L'Arche, Jean Vanier était celui qui incarnait l’association, qui la guidait sur un chemin spécifique. Son aura, son charisme et sa popularité médiatique sont à prendre en compte pour comprendre l’emprise qu’il exerçait.