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Ils seront 720 à être élus en juin prochain lors des Européennes, dont 81 pour la France. Lors des élections du 9 juin prochain, nous allons élire nos députés européens. À quoi servent-ils ? Quels sont leur rôle et leur mandat ? Décryptage avec Sébastien Maillard, spécialiste de l'Europe et ancien directeur de l'Institut Jacques Delors.
Le Parlement européen, au sein duquel siège les députés, fait partie du triangle législatif européen qu’il partage avec la Commission et le Conseil. Un député européen, c'est d'abord un député au sens d'un législateur.
Son premier rôle, comme à l’Assemblée nationale en France, est de voter la loi. C’est un colégislateur parce que les États membres ont également voix au chapitre, au sein du Conseil. Ce dernier, composé des ministres des 27, représente les États membres tandis que le Parlement, à travers le suffrage universel direct, représente les citoyens européens. La Commission de son côté propose les lois que vont étudier les députés et les États membres. Elle est à l’initiative.
“Le député européen a un rôle clé pour façonner les lois que nous devrons respecter” explique Sébastien Maillard, spécialiste de l'Europe et ancien directeur de l'Institut Jacques Delors. Récemment, les débats ont été importants entre les députés pour avoir un pacte asile et migration à l’échelle européenne ou sur les questions écologiques avec le fameux pacte vert.
Il ne faut pas regarder le droit européen comme un droit qui nous tomberait du ciel, nous l'avons voté !
“On ne parle pas d’un droit étranger” insiste le chercheur. “C'est notre droit fait par les députés européens, c'est-à-dire des Français, des Allemands, des Polonais, etc. Il ne faut pas regarder ça comme un droit qui nous tomberait du ciel sur lequel nous n'avons pas notre mot à dire. Nous l'avons voté.”
Comme en France, les députés partagent leur temps entre le travail en circonscription, Strasbourg où se trouve le siège du Parlement et où se tiennent 12 périodes de session par an, et Bruxelles, où “ils assistent aux périodes de session supplémentaires, ainsi qu'aux réunions des commissions et des groupes politiques” rappelle le site du Parlement.
Logiquement, en France, nous élisons nos députés français, mais une fois élus, ces derniers ne sont pas regroupés par nationalité, mais par affinité politique au sein de sept grands groupes délimitant les sphères de pouvoir de l’hémicycle.
Il y a deux types de lois européennes. En premier lieu : les règlements. “Un règlement européen, quand il est voté, s'impose tel qu'il est à l'ensemble des États membres de l'Union européenne” explique Sébastien Maillard. “Il est directement contraignant et il ne faut pas y changer une virgule” ajoute-t-il.
C’est par exemple le cas du RGPD, le règlement qui régule la protection des données au niveau européen. “Ça concerne le numérique et toute l'Union européenne est soumise au même règlement” confirme le chercheur. Le règlement prime sur le droit national. Cela conduit d’ailleurs parfois à des conflits entre Bruxelles et certains pays membres qui s’inquiètent pour leur souveraineté.
L'autre type de loi, ce sont les directives. “Les directives européennes fixent des objectifs assez précis, mais elles laissent une large marge de manœuvre à chaque État membre de le transposer dans son droit national à sa manière” expose notre politiste.
C’est le cas par exemple avec la politique agricole. Chaque État dispose d’une certaine latitude pour transposer les obligations pour son agriculture et pour choisir les outils afin d’atteindre les objectifs fixés par l’UE. “C'est d’ailleurs là que s’explique une partie de la grogne des agriculteurs français, car ils estiment qu'ils ont plus de contraintes que leurs voisins parce que les directives ont été transposées de manière différente en France” rappelle le conseiller spécial de l’Institut Jacques Delors.
En outre, toutes les décisions de l’Union européenne ne relèvent pas du mandat des députés. “Dans la législature qui se termine, les députés européens ont par exemple adopté la nouvelle PAC ou voté la fin des véhicules thermiques à l'horizon 2035”, liste Sébastien Maillard.
En revanche, “ce ne sont pas les députés européens qui vont déterminer les programmes scolaires ou qui vont voter sur la fin de vie ou sur l'IVG, car ce sont des compétences qui sont complètement hors du champ de l'Union européenne”. De la même manière, “ce ne sont pas non plus les députés européens qui votent des sanctions contre la Russie, car la politique étrangère est essentiellement entre les mains des États membres”, poursuit le chercheur.
Aujourd’hui, le périmètre d’exercice des députés est défini par le Traité de Lisbonne de 2009. Ce dernier a largement renforcé les pouvoirs du Parlement européen. Si on remonte encore plus loin, c'est à partir de 1979, qu'on a procédé à une élection directe pour avoir des députés européens élus directement par les différents peuples qui composent l'Union européenne. Depuis, il faut bien avoir à l’esprit que l’équilibre européen repose sur un jeu de pouvoir. La Commission, le Conseil et le Parlement tentent chacun de peser au maximum sur les trajectoires européennes.
Lorsqu'il s'agit de réagir immédiatement à des crises quasi-existentielles pour l'Union européenne, les députés européens perdent leur ascendant
“Sur les dix dernières années, lorsque l'Europe a multiplié les crises comme la crise financière, la crise des migrants, la crise en zone euro, la crise du Covid ou la guerre en Ukraine, le centre de gravité politique de l'UE s'est déplacé vers le Conseil européen, c'est-à-dire vers la réunion des chefs d'État gouvernement” raconte Sébastien Maillard. “Lorsqu'il s'agit de réagir immédiatement à des crises quasi-existentielles pour l'Union européenne, les députés européens perdent leur ascendant” conclut-il.
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