Les deux semaines de COP27 qui sont sur le point de s’achever ont montré la responsabilité commune dans le dérèglement climatique. Cependant, la responsabilité diffère en fonction des richesses : certains sont plus coupables que d’autres. Le concept de justice climatique est revenu comme un leitmotiv dans les discussions à Charm el-Cheikh. Si le terme est polysémique, il renvoie en tous cas à la "responsabilité commune mais différenciée" vis-à-vis du changement climatique.
La justice climatique est éminemment polysémique puisqu’elle s’incarne à différentes échelles. Martin Kopp est président de la comission "écologie - justice climatique" de la Fédération protestante de France. Il évoque de "nombreuses définitions", le terme renvoyant à différentes lectures de la justice. Il implique une responsabilité commune et économique vis-à-vis du changement climatique, et ne peut être détaché du prisme de la justice de genre. "Parmi les pauvres les plus impactés, 70% des victimes sont des femmes", souligne Martin Kopp. Il considère par ailleurs crucial de faire une lecture intergénérationnelle de cette justice climatique, pour l’aborder dans sa globalité.
"Quand on regarde le manque d’action et d’ambition qui ont découlé de l’accord de Paris, il y a quelque chose de l’ordre de la colère", fustige Martin Kopp. Il estime que l’action citoyenne doit s’orienter vers une désobéissance civile massive. De nombreux citoyens ont attaqué leur gouvernement en justice. Aux États-Unis, plus de 1.500 procès sont en cours contre le gouvernement. Guillaume Compain milite à Oxfam. L'organisme œuvre à trouver des situations durables pour mettre fin aux injustices par un travail de plaidoyer. Il dénonce les multinationales dont les intérêts priment sur ceux des nations vulnérables.
L’Histoire révèle une responsabilité différenciée en fonction des pays. Ainsi, la France est à elle seule responsable de 2,5% des émissions historiques de co2, alors que celles de tout le continent africain s’élèvent à 4%. L’effort doit être partagé justement entre les pays, sans laisser de côté les pays les plus vulnérables. Guillaume Compain parle de 600.000 milliards de dollars nécessaires pour réparer les "pertes et dommages". C’est la somme nécessaire pour que les pays en développement puissent bien s’adapter d’ici à 2030. Les pays du Nord doivent se montrer à la fois solidaires et responsables.
Pour le représentant d’Oxfam, "c’est de bonne guerre que les pays dits en développement questionnent l’injonction qui leur est faite de réaliser un développement décarboné et rapide". Le sujet est complexe, et les règlementations de plus en plus contraignantes pour les pays africains. Total Energies pompe ainsi une importante partie des ressources du sol africain. "Des situations aberrantes existent", s'indigne Guillaume Compain.
Martin Kopp estime que l’on doit "accepter de réviser le récit du développement. Il faut bâtir de nouveaux récits, changer d’imaginaire". Cela passe par l’adoption de la sobriété dans les pays riches ou par un changement des méthodes agricoles. "La transition n’est pas facile mais ce sont des caps que l’on doit atteindre rapidement".
Les intervenants dénoncent également le mode de financement de la COP : "Une majorité des financements sont fournis aux États dits en développement sous forme de prêts." Les nations les plus vulnérables s’endettent, Oxfam rapporte qu’une cinquantaine de pays sont au bord de la faillite. Pour Martin Kopp, c’est dans les différentes négociations climatiques que l’on doit trouver un équilibre entre atténuation et adaptation.
Depuis 30 ans, on compte chaque année dans les pays les plus exposés au dérèglement climatique 190 millions de personnes victimes de catastrophes climatiques. Dans la corne de l’Afrique, par exemple, c’est la sécheresse qui sévit avec de lourdes conséquences sur l’accès à l’eau. L’injustice climatique repose sur un rapport de force entre les plus riches et les plus pauvres. Martin Kopp rappelle que dans le monde, les 10% les plus riches émettent plus de 50% des émissions de gaz à effet de serre. Guillaume Compain ajoute de son côté que "125 milliardaires émettent collectivement autant que l’empreinte carbone de la France".
"Si on continue comme ça, une partie de notre culture et de notre identité va disparaître." Les intervenants estiment que le changement climatique s’accompagne d’un changement identitaire. Pour illustrer, Guillaume Compain explique que "l’on ne pourra bientôt plus faire de vin blanc en Alsace". Des ressources sont à retrouver dans notre nature humaine ou dans nos sociétés. Peut-être que les occidentaux gagneraient à réinterpréter le "Je suis parce que nous sommes” qui guide plusieurs peuples africains. Dans le même sens, le représentant d’Oxfam invite à "nous mettre à l’écoute du peuple autochtone".
Pour Martin Kopp, "on peut espérer un rehaussement de l’ambition, en doublant par exemple les financements climat d’ici à 2025". Les conséquences irréversibles du changement climatique s’imposent comme un signal d’alarme. Cyclones, inondations, sécheresses et désertifications sont autant de catastrophes qui permettent une prise de conscience. Si les gouvernements fonctionnent ensemble et coopèrent, la situation devrait pouvoir s’améliorer. Guillaume Compain compte sur "la création d’un fonds dédié aux pertes et dommages".
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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