Les pays du monde entier ont donc trouvé à la COP 28 de Dubaï un compromis. Ils lancent ensemble un appel historique à "s’éloigner progressivement" des énergies fossiles. L’accord final traduit en français parle même "d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques." En parallèle, le texte contient de multiples appels concernant l’énergie : tripler les capacités d’énergies renouvelables d’ici 2030, accélérer les technologies "zéro carbone" et "bas carbone", dont le nucléaire. Décryptage de l’accord de Dubaï avec Valérie Masson-Delmotte climatologue, membre du haut conseil pour le climat et ancienne co-présidente d’un groupe de travail du GIEC.
L’accord de Dubaï lance pour la première fois de l’histoire un appel à transitionner hors des énergies fossiles. Pour Valérie Masson-Delmotte c’est historique, "il y a un appel très clair sur la transition énergétique, notamment la montée en puissance des renouvelables de l’efficacité énergétique pour permettre la sortie des énergies fossiles." Le mot employé par l’accord est "transitioning away" qu’on peut traduire "s’éloigner" ou "abandonner" progressivement ; non pas, comme évoqué un temps, "phase-out" traduit "sortie" des énergies fossiles. "Le terme a été choisi pour ménager des susceptibilités des pays exportateurs de pétrole et de gaz. Cependant, il manque d’objectifs quantifiés et de calendriers, c’est une des faiblesses de ce texte."
Limiter le réchauffement à 1,5°C nécessite, dit le texte, "des réductions profondes, rapides et durables des émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43% d'ici 2030 et de 60% d'ici 2035 par rapport au niveau de 2019, et l'atteinte de zéro émission nettes de CO2 d'ici 2050." Pour l’ancienne co-auteur du GIEC "on voit bien là l’importance des années à venir, de l’action qui va être engagée dans les différents pays du monde avec notamment un rendez-vous en 2025 pour réévaluer les contributions que les différents pays mettent sur la table à horizon 2035. les promesses actuelles à horizon 2030 dans le meilleur des cas permettraient une réduction d’environ 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui est tout-à-fait insuffisant." Selon le GIEC, il faudrait une baisse de 25% pour contenir le réchauffement à 2°C et une baisse de 50% pour contenir le réchauffement à 1,5°C.
Malgré la réussite diplomatique de Dubaï, Valérie Masson-Delmotte alerte sur l’urgence de la situation : "la marge de manœuvre pour limiter le réchauffement à 1,5°C, au niveau actuel d’émission, est d’environ 6 à 7 ans. Donc on voit bien que s’il n’y a pas une nette baisse qui est engagée, inéluctablement, la stabilisation du réchauffement sera bien supérieure à 1,5°C." La prochaine décennie est vraiment critique explique la climatologue mais elle offre "la possibilité de construire cette sortie des énergies fossiles plus rapidement notamment avec les enjeux d’énergies bas carbone, d’efficacité énergétique. L’accent est mis sur ces aspects-là dans l’accord."
Le texte contient de multiples appels concernant l’énergie : tripler les capacités d’énergies renouvelables d’ici 2030, accélérer les technologies "zéro carbone" et "bas carbone", dont le nucléaire. C’est la première fois, qu’une COP mentionne la contribution de l'énergie nucléaire à la lutte contre le changement climatique mais c’est l’ensemble de ces leviers d’action qui est important pour déplacer l’utilisation des énergies fossiles rapidement explique Valérie Masson-Delmotte : "Il y a une vingtaine de pays qui se sont engagés à doubler la production d’électricité nucléaire d’ici 2050, et il y a plus d’une centaine de pays qui se sont engagés à tripler le déploiement des renouvelables à horizon 2030."
Reste que l’accord historique, signé aux Emirats-Arabes-Unis, un pays qui vit du pétrole, en présence de milliers de lobbyistes des énergies fossiles pose question. L’accord n’est pas contraignant pour les pays. Alors, est ce qu’on ne risque pas d’être déçus d’une difficile application de cette transition ? Pour la climatologue "c’est la première fois que les énergies fossiles sont mentionnées, je pense que seul un pays lui-même producteur exportateur pouvait obtenir l’accord de tous les autres pays. Le signale envoyé est très clair sur l’importance de construire cette sortie des énergies fossiles pour limiter les risques liés aux changements climatiques. C’était un accord nécessaire, mais du tout suffisant. L’enjeu maintenant, c’est changer d’échelle partout dans ce qui est mis en œuvre."
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