Russie
Deux semaines après le coup d’État au Niger, la situation ne semble pas évoluer. Dimanche 6 août à minuit, la date limite de l'ultimatum imposé par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) aux putschistes a été dépassée. La menace d’une attaque militaire plane au-dessus de Niamey, où les Russes gagnent du terrain, quand l’Occident en perd.
Le 26 juillet dernier, le pouvoir nigérien est renversé par un putsch commandité par le général Abdourahmane Tiani. Depuis deux semaines, le président légitime Mohamed Bazoum demeure séquestré dans son palais, coupé d'électricité et d'eau avec sa famille. Dans ce contexte, la CEDEAO a posé un ultimatum aux putschistes, dont la date butoir est dépassée de deux jours ce mardi 8 août.
Pour le moment, aucune attaque n’est à déclarer, et selon Michel Galy, chercheur au Centre d'études sur les conflits et professeur de géopolitique à l'Institut des relations internationales, spécialiste du Sahel, les issues sont diverses. « L'Union africaine donne quinze jours pour une intervention militaire, donc c'est toujours possible. Mais en même temps, il y a beaucoup d'initiatives et de médiations qui essaient d'éviter cette intervention. »
Un coup d'État grandement condamné par le monde occidental, qui s’efforce de garder un pied au Niger face à la montée de l’influence russe. La diplomate américaine Victoria Nuland s'est rendue à Niamey pour rencontrer les auteurs de ce coup d'Etat, sans succès pour les négociations : « ces discussions ont été extrêmement franches et par moment assez difficiles ». Elle ajoute dans sa déclaration que les putschistes « comprennent très bien les risques que fait courir à leur souveraineté une invitation de Wagner ».
La Russie a une influence, en revanche, elle n’a pas de rôle principal dans ce coup d’Etat : « Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, Moscou n'a aucune part dans le déclenchement du coup d'Etat, mais les Russes sont en embuscade, après le Mali, après le Burkina Faso » explique le spécialiste du Sahel. En revanche, par la suite, la Russie peut faire sa place dans le conflit « par les alliances contre une éventuelle intervention militaire. Le Niger pourrait être un nouveau pays où Moscou étendrait son influence ».
La France pourrait peu à peu être évincée du Niger, comme ça a été le cas au Mali ces dernières années. Selon Michel Galy, on pourrait craindre de la fin de la présence française au Niger, une porte ouverte pour les menaces djihadistes : « Boko Haram [mouvement terroriste, ndlr], du côté du Nigeria, est présent au Niger. Al-Qaïda et l'État islamique de l'autre côté, notamment dans la zone des trois frontières, qui jouxte le Burkina Faso et au Mali, seront en tout état de cause les vainqueurs ».
Jeudi 10 août, la CEDEAO organise un sommet Abuja, à l’issue duquel des décisions devraient être prises. Un retour à la stabilité espéré, et un possible consensus entre les pays : « un certain nombre de dirigeants de pays africains ne supportent pas le sort de Mohamed Bazoum. Il y a une forte solidarité entre eux. Après le Mali et le Burkina, ils se sentent sans doute eux-mêmes menacés, autant que la démocratie qui est pourtant très formelle dans leur pays », affirme Michel Galy.
L’avenir du Niger pourrait prendre deux voies différentes, la première est le « scénario catastrophe » : une intervention militaire, qu’elle soit en provenance des armées américaines, françaises, ou encore des forces spéciales du Nigeria. La seconde, quant à elle, est une « hypothèse bien plus optimiste » qui ferait que « les négociations aboutissent, qu’il y ait un gouvernement de transition, que Mohamed Bazoum, le président élu soit en poste honorifique, et que la tension diminue », suppose Michel Galy.
Pour l’instant, le général Tiani enchaîne les démonstrations de force, et notamment le week-end passé avec le regroupement de 30 000 partisans de la junte militaire dans un stade. Mais pour Michel Galy, l’armée du Niger risque de nouvelles fractures, et d’autres candidats potentiels, au vu des derniers agissements d’Abdourahmane Tiani « Il y a eu une sorte de pas de deux au moment de sa prise de pouvoir. Il a refusé dans un premier temps d'être président. Il a été un peu dépassé par son propre coup d'État et il a mis en avant d'autres généraux, pour, trois jours après, se raviser » conclut-il.
Un entretien que vous pouvez réécouter en intégralité dans la rebrique du grand invité du mardi 8 août.
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