"Vivre une expérience et ne pas la transmettre, c’est la trahir", affirme Élie Wiesel dans "Parole d’Étranger" (1982). Élie Wiesel, déporté à 15 ans à Auschwitz, prix Nobel de la paix. Travailler la mémoire, selon ce mot du livre du Deutéronome (32, 7) : "Interroge ton père et il te racontera, tes anciens et ils te diront".
"Souviens-toi : c'était ce que le père disait à son fils, et celui-ci à son camarade. Ramasse les noms. Les visages. Les larmes. Si, par miracle, tu t'en sors, tâche de tout dévoiler, de ne rien omettre, de ne rien oublier", écrit encore Élie Wiesel dans le même ouvrage. Ne pas se rappeler serait mentir.
Voilà quel paraît être le fil rouge de la grande plateforme de recherche, Covid-19 Ad Memoriam, mémoires de la Covid-19. Un institut qui vient de voir le jour et soutenu par des nombreuses universités, secteurs de la recherche, intellectuels, acteurs de la société civile, courants philosophiques, spirituels, cultes, monde de la culture… Agir et se souvenir. Chercher et comprendre pour agir.
Car ce que nous avons vécu, cette moitié de l’humanité confinée afin de sauver des vies, cette moitié de l’humanité faisant face à un danger invisible mais ô combien mortel, ravageur. Cet événement est ce que l’un des fondateurs de l’anthropologie, Marcel Mauss (1872-1950) nommait un "fait social total", c’est-à-dire un événement qui révèle la totalité d’une culture ou d’une civilisation. Et c’est bien cela qui s’est passé. Tout un monde sens dessus dessous, avec une pandémie catalyseur du meilleur comme des drames, des injustices, de la discrimination et de la pauvreté.
À travers cet Institut, Covid-19 Ad Memoriam, associant des mondes multiples qui d’ordinaire ne fabriquent pas de commun ensemble, il s’agit de faire mémoire des morts, des échecs autant que de tout ce qui a émergé d’inventions collectives pour penser de nouvelles formes de vie en commun. L’oubli est chose rapide. Dangereuse et injuste. Aussi faut-il se mettre au travail sans tarder et réfléchir collectivement pour se doter d’une mémoire pour l’avenir.
Sr Véronique Margron est religieuse dominicaine, présidente de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France). Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !