Sabah Rahmani est journaliste. Elle travaille depuis plus de 20 ans sur la situation des peuples autochtones à travers le monde. Elle publie chez Actes Sud "Paroles des peuples racines". Maori, Masaï, Touareg et tant d’autres. Leur écosystème et leur mode de vie sont menacés. Et pourtant ils ont tellement de choses à nous dire pour inspirer des modèles de société plus respectueux de la nature et des hommes.
Sabah Rahmani est elle-même berbère. "C’est une part de mon identité. La chose qui m’a le plus marqué dans mon éducation c’est le rapport au corps, le rapport au sensible, et à la nature puisque c’est un héritage ancestral et je l’honore tous les jours. Ce mode de vie sensible a construit mon identité. J’ai essayé de réunir le meilleur des deux cultures" explique-t-elle au micro de Stéphanie Gallet.
Pour parler de peuples indigènes ou autochtones, Sabah Rahmani emploie le terme de peuples racines. "C’était les anthropologues russes qui ont nommé ainsi les peuples autochtones. J’aime bien ce terme car il est à la fois juste et symbolique dans le sens où l’on considère que ces peuples sont ancré dans un territoire, ils sont les premiers occupants d’une terre ancestrale. Ce rapport à la racine montre aussi le lien très fort qu’ils ont avec la terre et la nature" ajoute-t-elle.
Les peuples racines représentent aujourd’hui 370 millions de personnes dans le monde. "Ils sont entre quelques dizaines de personnes, ou quelque millions de personnes en fonction des ethnies. Ils ont un ancrage fort avec la nature. Ils sont sur ces terres depuis des générations, voire des millénaires. L’ONU reconnait leur droit au territoire, au mode de vie, à leur langue. Mais cette déclaration n’est pas forcément reconnue par les États" précise-t-elle.
"Ce sont les premiers en ligne de front sur le changement climatique, et la prédation des matières premières. Ils représentent 82% de la biodiversité mondiale. C’est énorme. Leur mode de vie respecte l’environnement. Le fait qu’ils soient menacés en tant que communauté, fait qu’ils sont des lanceurs d’alerte. S’ils disparaissent, c’est nous qui disparaîtrons après. Et ils le disent" lance Sabah Rahmani, qui explique la manière dont ces personnes sont menacées aujourd’hui par les États ou par les entreprises.
Concernant le cas de l’Amazonie en particulier, la journaliste explique que "depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro, la situation s’est considérablement dégradée. On a vu des leaders autonomes se faire assassiner. C’est la porte ouverte à la prédation de tous les territoires, à la discrimination, en toute impunité" précise-t-elle, expliquant que ces peuples cherchent aujourd’hui un soutien auprès de la société civile internationale, ou bien se forment à l’Université pour se battre, afin de faire pression sur les multinationales et le gouvernement. Sans une reconnaissance humaine et culturelle, ces peuples ne pourront pas s’en sortir, conclut-elle.
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