Cynthia Fleury est philosophe, psychanalyste. Elle travaille sur les questions du soin. Elle est titulaire de la chaire Humanité et Santé au Conservatoire national des Arts et Métiers. Elle est enfin l’auteur de "Le soin est un humanisme" (éd. Gallimard).
En ouverture de ce dernier opus, Cynthia Fleury pose quelques mois sur des Français croisés sur des ronds-points, ici et ailleurs. Des Gilets jaunes usés, selon elle. "Il y a plusieurs vitesses de société, parce que les pressions qui chosifient l’individu sont très fortes. Pressions économiques, numériques, narcissiques. Petit à petit, les corps encaissent, mais pas nécessairement avec les moyens de résister" explique-t-elle.
S’en suivent des stratégies de contournement du soin. "Le soin ça prend du temps, et l’on n’a plus de temps. Le soin renvoie à une conscience de soi, alors que l’on se blinde. Et le soin coûte cher. Il y a une culture du soin qui attend des summums de non-prévention et de non-soin. Donc les corps se fatiguent alors que l’on est dans une société d’allongement de la vie, et de jeunisme à tout crin" ajoute Cynthia Fleury. Une situation anormale dans un État de droit de la qualité du nôtre.
Pourtant, pour Cynthia Fleury, cette capacité à prendre soin fonde notre humanité, entre autres choses. "C’est ce qui fonde notre humanisme. Ce pas de plus dans l’humanisme a lieu avec le fait de prendre soin. On sacralise un lien à l’autre. Et on considère que c’est ce qui nous inscrit dans l’espace temps d’aujourd’hui" précise la philosophe qui estime que le déni n’est pas une solution. "Il faut sortir du déni et avoir une approche capacitaire de la vulnérabilité. Dédramatiser, prendre en considération".
La ministre de la Santé a annoncé cette semaine des mesures en faveur du personnel de services des urgences. Un mal-être révélateur pour Cynthia Fleury. "C’est le dernier bastion de la confiance dans l’institution. L’inconditionnalité du soin est le grand rêve de l’État providence. La pression réificatrice s’abat sur les urgences, avec des conséquences graves. Il faut repenser ces lieux de soin, et prendre soin des soignants. Quoi qu’on en dise, quand on est malade, c’est plus compliqué de soigner les autres" conclut-elle.
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