Face à ce que traverse l'Église depuis un an, des croyants décident de prendre les choses en main pour mieux se reconnaître dans leur façon de vivre leur foi. L'idée est de faire vivre cette "Église d'en bas" ensemble, tout en maîtrisant la tourmente, la stupeur et la colère. Les laïcs qui s'engagent œuvrent à maintenir une Église cohérente avec leurs valeurs, sans pour autant tourner le dos à l'institution.
Arnaud Bouthéon est coorganisateur du Congrès Mission, qu'il qualifie "d'un peu punk et non-institutionnel". L'objectif de l'organisme est de "faire bouger les lignes". Mené par des jeunes laïcs, la liberté de ton y est prônée. Suite aux révélations, Aurnaud Bouthéon se dit envahi d'un sentiment pluriel et jongle entre les "effets de sidération, d'amertume et de découragement". Il estime nécessaire de laisser décanter pour que des belles choses puissent être mises en place en amont. La "période tellement nécessaire" traversée par l'Église est difficile à passer, d'autant que l'intervenant est persuadé que "ce n'est pas terminé : il y a encore trop de mensonges".
Thérèse du Sartel est professeure de philosophie et co-fondatrice du café Le Dorothy à Paris. Crée par une quinzaine de jeunes, ce lieu veut ancrer la foi dans une action concrète et locale. "Ça nous aide à résister à ces nouvelles désolantes, certes anciennes, mais dont on parle de plus en plus." Découragés suite aux révélations de la Ciase et pensant qu'elles auraient définitivement changé quelque chose, les membres du Dorothy ont décidé d'incarner leur foi autrement, pour "tenir dans la tempête". Le café porte le nom de Dorothy Day, une croyante américaine qui a fait de sa foi et de sa carrière un ensemble cohérent, sans distinction. À son image, les membres du café n'ont pas besoin d'une place dans le clergé pour vivre leur foi entièrement. L'accueil de la vulnérabilité est leur mot d'ordre.
Les intervenants évoquent la mémoire du corps, perméable aux gestes de prédation qui laissent des traces à vie. Ici encore, l'accompagnement doit être à la hauteur des plaies. Arnaud Bouthéon évoque trois types de victimes : la victime charnelle, le fidèle de base, mais aussi "les milliers de prêtres qui n'ont rien fait, qui se retrouvent jetés en pâture et qui doivent raser les murs".
L'Église est, à l'image de la société, "un bateau de croisière qui bouge sans cesse". Ces crises sont des opportunités pour se questionner en permanence, et doivent être fécondes. Le moment est d'autant plus critique que les risques sont nombreux. Parmi eux, la fragmentation des fidèles. Arnaud Bouthéon note par exemple une grande perte de confiance chez les jeunes femmes de 15 à 30 ans : "leur perception de la figure du prêtre ou de l'évêque est complètement dégradée". Un tel découragement peut sans doute mener à une perte de foi et de ferveur.
"Il faut fleurir là où nous sommes plantés", disait saint François de Salles. Arnaud Bouthéon estime que le pouvoir des laïcs est leur diversité de tempéraments et de compétences. L'institution doit comprendre qu'elle doit à tout prix s'appuyer sur les fidèles, que le changement peut venir d'en bas. Les laïcs sont le "contre-pouvoir" indispensable pour questionner le fonctionnement de l'institution.
Thérèse du Sartel cite le philosophe Alain, qui insistait sur l'importance de résister et d'obéir à la fois. C'est peut-être de cela qu'il s'agit pour les chrétiens d'aujourd'hui. Sans totalement se détacher de l'Église, ils peuvent la secouer. "Pour mener à bien cette grande purification, les évêques ont besoin qu'on leur résiste", insiste la professeure. Les intervenants insistent aussi sur la richesse de l'échange et de la rencontre, sur "l'importance de faire corps autour de nos prêtres et évêques".
Les laïcs sont ainsi amenés à se questionner sur la façon de vivre leur foi de manière cohérente. L'origine du Dorothy remonte par exemple à un questionnement autour de la crise écologique. Il existait un désir d'initier et de proposer une forme de vie autre "au cœur d'une ville chère". Thérèse du Sartel parle du café comme d'un "lieu nourri par la fraternité" et guidé par l'envie de comprendre les enjeux des catholiques à travers le monde et les époques.
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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