L'université de Clermont à travers son IUT au Puy-en-Velay et Fontanille Scop travaillent actuellement à la création d'un "jumeau numérique" pour préserver le savoir-faire des dentellières. Ce projet était présenté ce mercredi au forum Héritech, un salon qui réfléchit au rôle des innovations numériques dans la préservation du patrimoine.
Comment préserver un savoir-faire de plusieurs centaines d'années grâce au numérique? C'est la question à la base du projet de création d'un "jumeau numérique" du geste des dentellières. Ce projet est porté conjointement par l'Université de Clermont et Fontanille Scop. Une dentellière, diplômée de l'ESAD Orléans Julie Agrain, y participe aussi en tant que conseil et expertise.
Le "jumeau numérique" est une modélisation virtuelle et dynamique de multiples objets. Cette copie peut concerner un bâtiment, un packaging et même une personne. Elle peut être utilisée pour réaliser des simulations et permet aussi par exemple d'envisager les effets d'un environnement extrême sur un objet. Ses champs d'application sont variés. Cela va de la médiation à la formation en passant par la conception et la réalisation. C'est un outil qui peut s'avérer utile dans toutes les étapes des processus d'innovation.
Le projet de création de ce "jumeau numérique" du geste artisanal des dentellière a été lancé il y a 2 ans. A l'origine c'est Fontanille Scop qui s'est mis en contact avec les équipes de l'IUT du Puy. Cette rencontre a été l'occasion de s'interroger sur la transition numérique de la dentelle du Puy. Dans certains domaines, certains secteurs cette transition est en marche et bien avancée. Dans le cas de la dentelle, la question aujourd'hui se pose : où en est-elle dans sa transition?
C'est à partir de cette interrogation que les structures se sont lancées dans la création de ce "jumeau numérique". Pour Adelaïde Albouy-Kissi, Maître de conférence en informatique appliquée à l'IUT du Puy, proposer une copie numérique d'un geste artisanal c'est "à notre connaissance une première".
Le travail a donc débuté par l'observation du "geste" et le partage de l'expertise de Julie Agrain, dentellière depuis une quinzaine d'années et qui est diplômée en design textile à l'ESAD d'Orléans. Ces séances ont permis de comprendre comment la dentelle est créée. S'en est suivi la réflexion autour de la "Translation" du savoir faire, le passage du geste au numérique. Explications d'Adelaïde Albouy-Kissi.
Cette personne avec son casque de réalité virtuelle sera installée virtuellement dans la Salle du trésor de Fontanille Scop, une salle où sont conservés les cartons réalisés par l'entreprise depuis 160 ans. Outre la dimension formation et transmission, ce "jumeau numérique" peut être un outil de production. Les simulations qu'il permet pourraient être utilisées pour programmer des imprimantes 3D.
Les apports d'une copie virtuelle sont nombreux, surtout pour un savoir faire qui date de plusieurs centaines d'années et qui se transmet oralement comme l'explique Julie Agrain.
Et ce développement passe aussi par la dimension "jeu". Le programme du casque virtuel qui servira de simulateur sera tourné comme un jeu pour tenter de sensibiliser un nouveau public.
Fontanille Scop y voit en ce "jumeau numérique" l'ouverture de nouvelles opportunités. Pour son dirigeant, Rolland Arnaud derrière la dentelle au fuseau "il y a une réalité économique". Certains de ses partenaires sont dans le domaine de "l'ultraluxe". Pour lui cette copie ouvre la voie à de nouveaux marchés.
Les porteurs du projet estiment que la première partie du travail qui consiste à faire la preuve du concept a été réalisée. Reste désormais à créer un business plan pour déployer entièrement ce programme de numérisation du geste de la dentellière. Rolland Arnaud, le dirigeant de Fontanille Scop estime qu'il pourrait être bouclé aux alentours de Pâques 2022. Le coût de cette réalisation est estimé entre 600 et 800 000€.
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