"Avec le mariage on a toujours des grandes idées, un idéal. Et puis il y a le concret." Au sein de l’Église catholique, la situation des personnes divorcées puis remariées est à l’origine de beaucoup d’incompréhensions et de grandes souffrances. A l'initiative d'un synode sur la famille puis de l’exhortation apostolique "La Joie de l’Amour" ("Amoris lætitia", le 19 mars 2016), le pape François, par son regard, "redonne à tous le sens de leur dignité morale", pour le Père Philippe Bordeyne. Recteur de l'Institut catholique de Paris, spécialiste de théologie morale, il vient de publier "Divorcés remariés - Ce qui change avec François" (éd. Salavator).
Pendant des décennies, s’appuyant sur l’indissolubilité du mariage, l’Église catholique a rejeté et même condamné ceux et celles qui, après avoir traversé l’enfer de la déliquescence d’un couple et vu leur mariage s’effondrer, avaient retrouvé le goût de la vie en osant fonder un nouveau couple et parfois même une nouvelle famille.
"L'Église donne l'impression qu'elle entretient la mauvaise conscience, constate le Père Philippe Bordeyne, qui rencontre depuis longtemps des personnes divorcées, remariées, ou non mariées, comme si on ressassait toujours le passé de personnes alors qu'elles en sont loin parce que le Seigneur les a accomplies pour reconstruire de l'amour là où il y a eu des difficultés."
Certaines paroisses essaient d’accompagner ceux qui ont échoué dans leur mariage. Dans le diocèse Rouen, des prêtres missionnaires de la Miséricorde ont reçu la mission d'accompagner spécifiquement ces couples. Leur archevêque, Mgr Dominique Lebrun, a écrit: "Je viens vous demander pardon", dans un texte publié en septembre 2016 - "Lettre aux personnes séparées, divorcées, divorcées remariées, membres de l’Eglise catholique".
En ce qui concerne l'accès aux sacrements, et notamment la communion, ce que dit le pape François s'adresse essentiellement aux couples dont le remariage s'avère durable. "Quand il y a une nouvelle union qui est stable, où il y a beaucoup d'amour et du don de soi, alors les personnes pourront entrer dans un chemin de discernement", explique le P. Bordeyne.
"Avant de regarder dans quelle situation régulière, irrégulière, on se trouve, le pape porte le regard sur le baptême qui est un don de l'Esprit saint." Ce qui change avec le pape François c'est de reconnaître d'abord et avant tout que les personnes divorcées puis remariées sont des baptisés. Un changement "radical" pour le théologien, puisqu'il encourage un regard bienveillant. Et ce qui change aussi avec François, c'est une plus grande place accordée à la parole au sein des paroisses.
La question des divorcés-remariés n'était pas au centre des discussions lors du synode sur la famille. Si elle concerne cependant toutes les sociétés où l'Église est présente, elle est traitée différemment selon les Églises locales. "Au synode, il fallait se mettre d'accord sur la manière de la regarder", explique le P. Bordeyne qui a assisté en tant qu'expert à la deuxième session du synode (octobre 2015). Avec le pape François, l'Église poursuit et réaffirme une pastorale "non pas de l'échec mais de la réussite du mariage", comme le dit le P. Bordeyne. L'exhortation apostolique "La Joie de l'amour" accorde une large place à la prévention du divorce.
*par. 84, in "La vocation et la mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain" - Rapport final du synode des évêques au pape François, le 24 octobre 2015 (lire l'intégrale)
Je viens vous demander pardon: L’échec de votre mariage est devenu l’échec d’une vie, peut-être à cause de regards portés sur vous ou d’attitudes envers vous. En fait, votre divorce est une épreuve dans une vie tissée par l’amour qui a tant de visages et d’expressions.
Je vous demande pardon: L’indissolubilité de votre mariage est devenue un fardeau que vous portez comme une condamnation. C’était pour vous un chemin de liberté, d’amour, de miséricorde, et cela doit le demeurer pour tous.
Je vous demande pardon: le rappel de la loi vous atteint comme des pierres que Jésus a refusé de jeter sur la femme adultère. La loi est pourtant un chemin pour le bonheur.
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