Le 6 août 2014, l'État islamique a envahi la plaine de Ninive, cœur chrétien du nord de l'Irak. Dix ans plus tard, les communautés chrétiennes ont-elles pu rentrer chez elles ? Et dans quel état d'esprit sont-elles ? Décryptage avec Amélie Berthelin, responsable du service Information à l'Aide à l'Église en détresse.
C'était il y a dix ans. L'État islamique autoproclamé chassait des centaines de milliers de chrétiens de la plaine de Ninive et détruisait de nombreux villages et églises.
Maisons, églises et écoles sont à nouveau construites sur le champ de ruines laissées par Daesh. La moitié des 120 000 chrétiens de cette région sont rentrés chez eux. Pour Amélie Bertelin, responsable du service Information à l'Aide à l'Église en détresse, "leur présence est à la fois solide car ils ont eu le courage de revenir, ils ont participé, pour certains, à la reconstruction de leur maison, de leur église."
Les chrétiens d'Irak ont cette volonté de revenir sur leur terre ancestrale, à laquelle ils ont un attachement viscéral
Amélie Berthelin rappelle que "cette terre-là, c'est Ur en Chaldée, c'est Ninive, c'est toute la Bible, l'Ancien Testament. Cet attachement est donc très fort, très solide, il y a cette volonté de vie pour les chrétiens d'Irak." Mais, ajoute la responsable du service information de l'AED, cela reste très fragile: "Le pays traverse des crises politiques majeures. Cette région-là est dominée par les milices kurdes, les milices chiites. Les chrétiens sont considérés comme des citoyens de seconde zone. La crise à Gaza actuelle inquiète tout le monde parce qu'ils se disent que finalement au Moyen-Orient, il n'y a plus aucun endroit qui est sûr."
La foi des chrétiens d'Irak semble non seulement inébranlable, mais elle s'est renforcée. "Ces Irakiens subissent depuis des générations et des générations des oppressions, des martyrs, des persécutions", explique Amélie Berthelin, "Ils ont beaucoup de martyrs dans leur propre famille. Tout cela les rend encore plus solides. Les églises sont pleines et la foi est vraiment très importante pour eux." C’est non seulement une foi mais une appartenance à une communauté, ajoute la responsable de l'information à l'AED: "Là- bas on se réfère tout le temps à cette communauté chrétienne à laquelle on appartient. Si on a le moindre problème spirituel ou matériel, on va voir le prêtre, l'évêque. C’est pour cela que l’AED a reconstruit beaucoup de maisons et d'églises."
Si l'église est reconstruite, si le prêtre est là, les gens vont revenir. C'est vraiment un point d'ancrage majeur
Une espérance puisée dans la foi, dans l'appartenance de ces chrétiens à une communauté, mais aussi dans la formation. Mgr Bachar Warda, l'archevêque catholique chaldéen d'Erbil a créé pour cela une université à Erbil. À l'occasion d'une audience au Vatican en novembre 2023 avec le président irakien, le pape François avait rappelé "la nécessité pour l'Église catholique en Irak de pouvoir continuer à remplir sa précieuse mission et d'assurer que tous les chrétiens irakiens puissent être une partie vibrante et active de la société et du territoire, en particulier dans la plaine de Ninive."
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